Shaft, icône de la Blaxploitation
Le 14 juillet 2023
Les deux films présentés relèvent de ce genre éphémère et pourtant passionnant que fut la Blaxploitation, soit une série de productions mettant en scène, à partir du début des années 1970, des héros afro-américains. Ce fut une véritable révolution dans l'histoire de la représentation à Hollywood. Le premier titre a même été considéré comme fondateur du genre. Les Nuits rouges de Harlem est l'adaptation du roman Shaft par son auteur Ernest Tidyman et le scénariste John D. F. Black. C'est Gordon Parks qui en signe la réalisation. Il avait été le premier cinéaste noir à tourner un film pour un grand studio hollywoodien, Les Sentiers de la violence produit par la Warner Bros en 1969. C'est la MGM, alors en grande difficulté, qui financera Les Nuits rouges de Harlem, réalisant ainsi une des meilleures affaires de l'année 1971. Richard Roundtree incarne John Shaft, un détective privé recherchant la fille d'un gangster kidnappée par des mafiosis. Le film revoit les conventions du film noir en les confrontant à la question raciale et en les plongeant dans un contexte réaliste. La plupart des scènes ont été tournées dans les rues de New-York et dégagent une authenticité documentaire peu fréquente jusque-là dans le cinéma de studio. La musique du film, inoubliable, valut à Isaac Hayes un Oscar.
Comme il fallait s'y attendre le succès du film (et du genre qu'il a créé) engendra deux suites Les Nouveaux exploits de Shaft en 1971, toujours signé Gordon Parks et Shaft contre les trafiquants d'hommes en 1973, réalisé par le britannique John Guillermin. Alors que le premier titre se concentrait, sur l'identité ethnique et ses implications sociales, Shaft contre les trafiquants d'hommes relève davantage des prescriptions dégradées du cinéma d'aventure exotique. Le héros, bien décidé à démanteler un réseau de travailleurs immigrés sévissant entre l'Ethiopie et la France pourrait être vu, allégoriquement, comme le rédempteur du passé infamant, esclavagiste, des États-Unis. La dimension politique du film plut beaucoup, en tout cas, à la critique française.
Une des dimensions marquantes de deux films est également la vision de la masculinité qui s'y affirme. Shaft est un personnage extrêmement viril et sa puissance sexuelle, vraisemblablement déduite de son appartenance raciale, s'affirme régulièrement dans les deux films. « Quelle est la longueur de votre phallus ? » s'interroge crument un des personnages féminins dans le film de Guillermin qui fut aussi le premier titre produit par un studio on l'en entendit le mot « clitoris ».
Jean-François Rauger