Parlons cinéma avec... David Perrault

Du 14 septembre au 5 octobre 2023

Je suis fils d'ouvriers. Je ne viens pas du monde du cinéma, je viens du monde des films. Et c'est en me plongeant dans les œuvres de tous genres, de toutes époques et de toutes nationalités que j'ai appris à en faire : classiques ou films contemporains, films d'exploitation obscurs ou signés par les plus grands maîtres, séries A, B ou Z... Bref, dans la jouissance de ne m'interdire aucun plaisir et de faire dialoguer des formes a priori opposées.

Les films choisis ici sont portés par des héroïnes en lutte avec leur prédestination socio-culturelle. Anna Magnani, femme du peuple, frappe à la porte de Cinecittà dans Bellissima. Pam Grier, hôtesse de l'air modeste, bascule du côté de l'illégalité pour arrondir ses fins de mois dans Jackie Brown. Un groupe de rock au féminin tente de percer à Hollywood dans Orgissimo. Virginia Madsen, étudiante blanche, se frotte à la culture afro-américaine dans Candyman. Par effet de miroir, toutes témoignent de la volonté des cinéastes de ne pas se laisser enfermer dans des catégories prédéfinies : Visconti est en porte-à-faux avec ce néoréalisme qu'il a lui-même initié, Russ Meyer dynamite de l'intérieur son seul film de studio, Tarantino brise son image de cinéaste cool en révélant son cœur, et Bernard Rose livre un film d'horreur romantique loin des canons esthétiques de son époque.

Voilà donc des films qui prennent le risque de la rupture avec le système qui les a produits et, surtout, avec eux-mêmes. Ils font se côtoyer l'ancien et le moderne, le pur et l'impur, la beauté et la vulgarité, le grand art et les formes populaires. Ils rendent compte de cette croyance qui est aussi la mienne : il faut décloisonner les styles et les genres pour rendre au cinéma ses infinies possibilités.

David Perrault (réalisateur de Nos héros sont morts ce soir et L'État sauvage)