Deux films « dispositif », deux films documentaires réunis ensemble à l'occasion de prix qui leur ont été attribués cette année par le Syndicat français de la critique de cinéma. Deux films politiques façonnés aussi en regard des nouvelles technologies et de ses conséquences sur l'humain.
Tout d'abord Nicolae de Mihai Grecu, qui s'interroge sur les conséquences d'un retour imaginaire de l'ancien dictateur Nicolae Ceaucescu dans un petit village de Transylvanie. Ceaucescu est mort fusillé pendant la révolution roumaine de 1989 : que reste-t'il de lui, de son héritage ? Grecu, qui avait 8 ans à l'époque de sa mort, revient dans ce village qui l'a vu naître et interroge les habitants, essentiellement les plus vieux, et les confronte à une image hologramme de celui qui avait « effacé les dettes du pays ». Cinéaste aimant l'expérimentation esthétique, tout autant qu'il aime s'interroger sur les politiques dictatoriales (il a fait notamment un film, The Reflection of Power, sur la Corée du Nord), Mihai Grecu prend le pouls de son pays dans sa ruralité la plus profonde. Le film a reçu le prix du meilleur court métrage de l'année en février 2022 (SFCC)
Fascination et effroi ensuite pour le film d'Eleonore Weber, Il n'y aura plus de nuit, ayant reçu le prix du film singulier. Et la singularité vient très facilement à l'esprit bien sûr, car le long métrage n'est composé que d'images trouvées sur internet, filmées en hélicoptère par des militaires en opération guerrière à l'étranger, traquant ceux qui vont devenir leurs proies. Des images montées et commentées par la réalisatrice, via la voix de Nathalie Richard, à partir notamment d'entretiens avec l'un de ces militaires, renommé Pierre V. Eléonore Weber interroge le statut de ces images extrêmement troublantes, car produit d'un œil qui regarde et qui peut potentiellement tuer. Des images profondément ambigües qui intensifient la brillance et dont il faut sans cesse interroger la réalité, la vérité.
Le spectateur reste constamment actif devant le film fondamental d'Eléonore Weber, réalisé dans la lignée du travail et de la réflexion d'Harun Farocki.
Bernard Payen
Aujourd'hui le cinéma
Aujourd'hui le cinéma propose tous les lundis soirs des rencontres et des projections (mêlant courts et longs métrages) consacrées à la jeune création cinématographique contemporaine.
Chaque séance est présentée, puis suivie d'un débat avec les cinéastes.
