Voyage au long cours (40 ans de cinéma entre 1955 et 1995) dans l’œuvre de Louis Malle, fictions et documentaires. Un voyage à travers lequel se dessine le portrait d’un homme inquiet, à la fois travaillé par l’enfance et son milieu social d’origine, et constamment ouvert sur le monde.
L'Aventurier désenchanté
Au milieu des années 1950, à Paris, une bande de jeunes gens d'une vingtaine d'années avait une soif inextinguible de cinéma. Certains étudiaient à l'Idhec (pré-Fémis), d'autres étaient assistants réalisateurs. Parmi eux se dessinait un quatuor amical dont les quatre membres, Alain Cavalier, Jean-Paul Rappeneau, Philippe Collin et Louis Malle, rêvaient de faire un jour leur premier long métrage. Tous finirent par y arriver mais c'est le dernier cité, enfant d'une très grande famille d'industriels du sucre du Nord de la France (Béghin), qui franchit le premier la ligne d'arrivée. Avec une expérience intrigante, inattendue, celle de coréaliser avec Jacques-Yves Cousteau un film dans et sur les fonds sous-marins qui, surprise supplémentaire, obtint une Palme d'or à Cannes : Le Monde du silence.
Quelque temps plus tard, on retrouve notre cinéaste débutant sur les Champs-Élysées, la nuit, filmant sans fard le visage et le corps d'une jeune actrice en devenir, Jeanne Moreau. Dans la nuit du 3 octobre 1957, bien avant À bout de souffle de Godard qui reprendra le même dispositif de prises de vues, Louis Malle et son chef opérateur Henri Decaë remettent le cinéma au cœur de la rue, en tournant plusieurs scènes au moyen d'une voiture d'enfant poussée par un assistant, sans autre éclairage que les vitrines des magasins. Louis Malle prend ainsi sa part dans l'avènement d'une nouvelle vague cinématographique avec ce thriller tendu comme un arc, transfiguré par les improvisations de Miles Davis.
Avec son film suivant, Les Amants, sélectionné au Festival de Venise, naît la réputation d'un cinéaste sulfureux, désireux de provoquer. En cause dans ce récit d'adultère, un érotisme aujourd'hui désuet, mais qui dérogeait alors aux codes des bonnes mœurs de la société et du cinéma de l'époque.
Traces autobiographiques
Louis Malle, cinéaste controversé. Cette image qui lui collera à la peau avec des films aussi différents que Le Souffle au cœur (évoquant l'inceste entre une mère et son fils), Lacombe Lucien (comment un jeune homme, ne réussissant pas à entrer dans la Résistance, bascule dans la Collaboration à la fin de la Seconde Guerre mondiale), ne doit pas masquer son désir constant de rébellion, par-dessus tout sociale, contre la bourgeoisie, son milieu d'origine, avec toutefois la conscience d'en faire partie à vie. Une rébellion paradoxale plus largement érigée comme totem, inscrite au sein même d'une filmographie mouvante, mais cohérente, où chaque film semble avoir été fait contre l'autre. Tout tiendra dans la définition du contre, signifiant aussi bien en opposition, que « proche de ».
L'autobiographie court dans les récits, les plans et les personnages des films de Louis Malle. Alain Leroy ou Georges Randal par exemple, deux des figures secrètement proches du cinéaste, incarnés par Maurice Ronet dans Le Feu follet (1963) et Jean-Paul Belmondo dans Le Voleur (1967). Louis Malle avouait une fascination pour le suicide. Il ne passera pas à l'acte, mais réalisera ce film sur les vingt-quatre dernières heures de la vie d'un homme qui va de refus en refus tout en sachant qu'il va mourir. Leroy affiche sa mélancolie dans les rues de Paris pour ce qui est l'un des films les plus forts de Louis Malle. Le Feu follet continue de marquer toutes les générations, Joaquim Trier lui rendant par exemple hommage dans Oslo 31 août (2011). Dans Le Voleur, pas de suicide final mais une forme de désenchantement tenace dans son obstination vaine à vouloir voler les autres. Malle reconnaissait que Le Feu follet, tout comme Le Voleur, étaient peut-être ses films les plus personnels. La part autobiographique se retrouve aussi à travers les récits de perte d'innocence de ces nombreux films où enfants comme adolescents découvrent l'ambiguïté et la férocité du monde dans lequel ils vivent. Citons-en trois, très marquants : Le Souffle au cœur, qui reconstitue avec précision l'univers de l'enfance du cinéaste, Lacombe Lucien, et son jeune paysan rustre égaré dans une France rurale veule et noire, et puis bien sûr, Au revoir, les enfants, ce film caché au fond de son âme et qu'il ne concrétise qu'à la fin des années 1980. Il raconte comment l'un de ses camarades d'enfance, juif, a été arrêté par la Gestapo en même temps que le responsable du collège catholique où il étudiait alors. Au revoir, les enfants, sorti en octobre 1987, sera pour Malle le film de la reconnaissance, pour le public, les critiques, les professionnels (sept Césars !).
Un appétit documentaire
Louis Malle, qui a rêvé un jour d'adapter Joseph Conrad, s'est souvent tourné vers des pays étrangers dès qu'il avait le sentiment de ne plus trouver l'inspiration en France. On pourrait presque dire que son cinéma s'est constamment régénéré au contact d'autres civilisations, d'autres sociétés, d'autres cultures. En octobre 1967, il part pour New Delhi, invité à présenter ses films. Le choc qu'il ressent alors, durant ce bref séjour, le pousse à rester là-bas plus longuement. Avec une équipe, il entreprend des prises de vue qui déboucheront sur un long métrage, Calcutta, et une série pour la télévision, L'Inde fantôme. Il fait partager ses interrogations devant le mystère du pays, tout comme sur le film qu'il est en train de faire.
Ce voyage en Inde déclenchera en lui un appétit documentaire très vivace, de Place de la République et son cinéma direct « poussé à l'extrême » dans la France de Giscard à sa réflexion sur le rêve américain en 1986 (À la poursuite du bonheur). La fin des années 1970 a vu Louis Malle partir vivre et travailler aux États-Unis. Il est l'un des seuls cinéastes français à avoir construit sa propre filmographie américaine, avec des sujets solides prêtant à débat (la prostitution enfantine dans La Petite, le conflit entre des réfugiés vietnamiens et la communauté de pêcheurs d'un petit port texan dans Alamo Bay), une réinterprétation personnelle des mythologies américaines (Atlantic City) et des expérimentations formelles entre théâtre et cinéma (My Dinner With André, Vanya, 42ème rue). C'est aux États-Unis que Louis Malle meurt en 1995, après avoir réussi son retour en France avec des films intimes et populaires (Au revoir, les enfants, Milou en mai). Avec sa disparition s'est éteinte une œuvre qui n'a peut-être pas encore livré tous ses secrets, et qui derrière son obsession de la diversité et de la provocation ressemblait trait pour trait à son auteur, aussi sombre qu'enthousiaste : en associant la première réplique de son premier « vrai » film, Ascenseur pour l'échafaud et la dernière de son dernier film, Vanya, 42ème rue, se dévoile le portrait d'un homme toujours amoureux, hanté par ses fêlures : « Je t'aime, je ne te quitterai pas / Je sais que tu n'as pas connu de joie dans ta vie, mais attends seulement, attends, nous devons nous reposer. »
Bernard Payen
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 14 mars au 1 avril 2018
Les films
- Alamo Bay Louis Malle / Etats-Unis / 1985 Je 22 mar 21h30
- Amants (Les) Louis Malle / France / 1958 Je 15 mar 19h00
- And the Pursuit of Happiness Louis Malle / Etats-Unis / 1986 Me 21 mar 17h00
- Ascenseur pour l'échafaud Louis Malle / France / 1957 Je 15 mar 21h00
- Atlantic City Louis Malle / Canada-France / 1979 Di 25 mar 16h30
- Au revoir, les enfants Louis Malle / France-République fédérale d'Allemagne-Italie / 1987 10 Je 22 mar 19h30 Di 1 avr 15h00
- Black Moon Louis Malle / France-Italie / 1974 Sa 17 mar 21h45
- Calcutta Louis Malle / France / 1968 Me 21 mar 21h15
- Crackers Louis Malle / Etats-Unis / 1984 Me 28 mar 17h00
- Fatale Louis Malle / France, Grande-Bretagne, Allemagne / 1992 Lu 26 mar 21h00
- Feu follet (Le) Louis Malle / France-Italie / 1963 Sa 17 mar 19h00
- God's Country Louis Malle / Etats-Unis / 1985 Lu 26 mar 17h00
- Histoires extraordinaires Roger Vadim, Louis Malle, Federico Fellini / France-Italie / 1967 Me 21 mar 19h00
- Humain, trop humain Louis Malle / France / 1972 Lu 19 mar 21h00
- Inde fantôme, épisode 1 : La Caméra impossible (L') Louis Malle / France / 1968 Je 15 mar 15h00
- Inde fantôme, épisode 2 : Choses vues à Madras (L') Louis Malle / France / 1968 Je 15 mar 16h30
- Inde fantôme, épisode 3 : La Religion (L') Louis Malle / France / 1968 Ve 16 mar 15h00
- Inde fantôme, épisode 4 : La Tentation du rêve (L') Louis Malle / France / 1968 Ve 16 mar 16h30
- Inde fantôme, épisode 5 : Regards sur les castes (L') Louis Malle / France / 1968 Di 18 mar 17h30
- Inde fantôme, épisode 6 : Les Étrangers en Inde (L') Louis Malle / France / 1968 Lu 19 mar 15h00
- Inde fantôme, épisode 7 : Bombay (L') Louis Malle / France / 1968 Lu 19 mar 16h30
- Lacombe Lucien Louis Malle / France-Italie-République fédérale d'Allemagne / 1973 Me 14 mar 20h00 Sa 24 mar 14h00
- Milou en mai Louis Malle / France-Italie / 1989 Sa 17 mar 15h00
- Monde du silence (Le) Jacques-Yves Cousteau, Louis Malle / France / 1955 Di 18 mar 19h30
- My Dinner with Andre Louis Malle / Etats-Unis / 1981 Me 28 mar 21h45
- Petite (La) Louis Malle / Etats-Unis / 1977 Je 29 mar 21h45
- Place de la République Louis Malle, Fernand Moszkowicz / France / 1972 Lu 19 mar 19h00
- Souffle au cœur (Le) Louis Malle / France-Italie-République fédérale d'Allemagne / 1970 Je 29 mar 19h15
- Vanya, 42ème Rue Louis Malle / Etats-Unis / 1994 Me 28 mar 19h00
- Vie privée Louis Malle / France-Italie / 1961 Ve 16 mar 19h30
- Viva Maria ! Louis Malle / France, Italie / 1965 Ve 16 mar 21h45
- Voleur (Le) Louis Malle / France-Italie / 1966 Di 18 mar 21h30
- Zazie dans le métro Louis Malle / France / 1960 6 Me 28 mar 15h00
Courts métrages
- Close up : Dominique Sanda ou le rêve éveillé Louis Malle / France / 1976 CM Je 29 mar 17h15
- Crazéologie Louis Malle / France / 1953 CM Je 29 mar 17h15
- Marionnettes indiennes Louis Malle / France / 1968 CM Je 29 mar 17h15
- Station 307 Louis Malle / France / 1955 CM Je 29 mar 17h15
- Vive le Tour Louis Malle / France / 1962 CM Je 29 mar 17h15
Autour de Louis Malle
- Jeunesse Justine Malle / France / 2011 Lu 26 mar 19h00
- Louis Malle Nicolae Opritescu / France / 1970 CM Sa 31 mar 20h30
- Louis Malle, le rebelle Pierre-Henri Gibert / France / 2015 Sa 31 mar 20h30
- Mort dans l'âme (La) Dominique Maillet / France / 2015 CM Sa 31 mar 18h30
- Portrait de famille Dominique Maillet / France / 2015 Sa 31 mar 18h30
Rencontres et conférences

- Lacombe Lucien Louis Malle
- L'Inde fantôme, épisode 1 : La Caméra impossible Louis Malle

- L'Inde fantôme, épisode 2 : Choses vues à Madras Louis Malle
- Les Amants Louis Malle
- Ascenseur pour l'échafaud Louis Malle

- L'Inde fantôme, épisode 3 : La Religion Louis Malle
- L'Inde fantôme, épisode 4 : La Tentation du rêve Louis Malle
- Vie privée Louis Malle
- Viva Maria ! Louis Malle
- L'Inde fantôme, épisode 6 : Les Étrangers en Inde Louis Malle
- L'Inde fantôme, épisode 7 : Bombay Louis Malle
- Place de la République Louis Malle, Fernand Moszkowicz

- Humain, trop humain Louis Malle
- And the Pursuit of Happiness Louis Malle
- Histoires extraordinaires Roger Vadim, Louis Malle, Federico Fellini

- Calcutta Louis Malle

- Atlantic City Louis Malle

- God's Country Louis Malle
- Jeunesse Justine Malle
- Fatale Louis Malle
- Zazie dans le métro Louis Malle 6
- Crackers Louis Malle
- Vanya, 42ème Rue Louis Malle

- My Dinner with Andre Louis Malle
- Crazéologie Louis Malle CM
- Station 307 Louis Malle CM
- Marionnettes indiennes Louis Malle CM
- Vive le Tour Louis Malle CM
- Close up : Dominique Sanda ou le rêve éveillé Louis Malle CM

- Le Souffle au cœur Louis Malle
- La Petite Louis Malle
- La Mort dans l'âme Dominique Maillet CM
- Portrait de famille Dominique Maillet
- Louis Malle Nicolae Opritescu CM
- Louis Malle, le rebelle Pierre-Henri Gibert

- Au revoir, les enfants Louis Malle 10
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