
Libérations sexuelles, révolutions visuelles
Du 19 juin au 11 juillet 2019
Libérations sexuelles, révolutions visuelles
« Les drag queens sont de vraies révolutionnaires qui baisent les codes visuels du genre. » (David Wojnarowicz)
Avec quelques séances de plus, on aurait pu montrer tout l'œuvre de Germaine Dulac, Dorothy Arzner, Jean Epstein, Asta Nielsen, Rudolf Valentino, Leontine Sagan, Douglas Sirk, Luchino Visconti, Pier Paolo Pasolini, Andy Warhol, Derek Jarman, Ulrike Ottinger, Rosa von Praunheim, Guy Gilles, Su Friedrich, John Waters, Jacques Nolot, Bruce La Bruce, Patrice Chéreau, Wong Kar-wai, Gregg Araki, Todd Haynes, Cheryl Dunye, Alain Guiraudie, Tsai Ming-liang, Gus Van Sant, Apichatpong Weerasethakul, Marie Losier, Céline Sciamma, Yann Gonzalez, Auraeus Solito, Pratibha Parmar, Antony Hickling, James Franco, David Wojnarowicz, Amandine Gay, Émilie Jouvet, Jenni Olson, Saddie Benning, Jim Hubbard, Sandra Lahire, Jennie Livingston, Royston Tan, Jerry Tartaglia, John Cameron Mitchell, Pablo Oliverio, Ira Sachs... ; ainsi que quelques jalons ou chef d'œuvres indispensables, tels Le Ménage moderne de Madame Butterfly, Ossi Ovalda (Ernst Lubitsch), Anders als die Andern (Richard Oswald), Mikaël (C. T. Dreyer), Portrait of Jason (Shirley Clarke), Funeral Parade of Roses (Toshio Matsumoto), Marble Ass (Želimir Žilnik), Orlando (Sally Potter), Tiresia (Bertrand Bonello)...
Faute de toute possible exhaustivité, en deuil même d'une quelconque exemplarité, nous avons pris le parti des combattants et des parias, celui des films les plus engagés tant politiquement qu'esthétiquement. Les films pour lesquels il a fallu aller en prison (Jonas Mekas pour Un Chant d'amour), ceux qui ont subi ou bravé la censure (Race d'Ep, Ixe, Baise-moi...), ceux dont les signataires ont dû rester anonymes pendant des décennies (Pink Narcissus), ceux qui ont provoqué la ruine de leurs auteurs (Salomé), ceux qui émergent à peine de l'oubli (André Almurò, José Rodrìguez Soltero, Frank Simon...), ceux qui ignorent superbement les circuits usuels de la visibilité (à peu près tous), ceux qui reviennent de chez l'ennemi (Tearoom), ceux qui n'espéraient rien pour eux-mêmes et tout pour autrui, bref tous ceux qui en raison de leur courage, de leur beauté, de leur énergie, ont défié leur époque et ainsi contribué à délivrer la nôtre.
Ces films luttent sur tous les fronts : tournés dans les manifestations de rue (Le Lézard du péril mauve et Ortie 14, Les Panthères roses, Collectif 360° et même plus), rendant compte de la force de la transphobie (L'Ordre des mots, Vos papiers), construisant des intersections avec les luttes féministes (Born In Flame), antiracistes (Charles Lofton), anti-impérialistes (Jean Genet raconté par Michèle Collery), ou de classes (Le Droit du plus fort), célébrant la fraternité (Tongues Untied) et l'amour (RV mon ami, Théo et Hugo dans le même bateau), même au cœur d'un combat contre une épidémie de sida qui n'en finit pas. lls proposent une multitude de nouvelles esthétiques : élaborées à partir de représentations absentées ou refoulées (Kenneth Anger, Jack Smith, Farrah Diod) ou à l'assaut contre les prescriptions dominantes (Roger Jacoby, Gregg Bordowitz, William E. Jones). S'y entendent les récits de vies qui ne sont jamais racontées (Kiki), s'y révèlent les corps (Paradis perdu, Baby You're Frozen) et les sexualités (Équation à un inconnu, Holding) trop longtemps contraints à l'invisibilité, s'y épanouissent les unica (Chantal Akerman, Curt McDowell, Sothean Nhieim, Mathieu Morel), se déchaînent les archétypes (Jean Cocteau, Maria Klonaris & Katerina Thomadaki, Nagisa Ōshima, Angela Marzullo).
À l'inverse des œuvres présentées dans l'ouvrage de référence de Vito Russo The Celluloid Closet (1981), ces films ont mis le feu à tous les placards. Tel un phœnix visuel, chaque film renaît des cendres de ce vieux monde pour en proposer un nouveau : « Comme il n'y a pas de réalisatrice lesbienne dont je puisse étudier la vie et le travail, j'étudierai ma propre vie et, ce faisant, tenterai de combler le vide de l'histoire lesbienne pour les lesbiennes du XXIe siècle. » (Barbara Hammer, « Cinémas homosexuels », CinémAction n° 15, 1981). À partir de cette renaissance, s'écrit une nouvelle histoire et une autre histoire des images (L Is for the Way You Look) qui peine encore à se pérenniser au sein d'institutions patrimoniales (Rien n'oblige à répéter l'histoire). Les films établissent leurs propres et véritables histoires critiques (Race d'Ep, Jonathan Caouette), contestent une expérience homosexuelle hégémonique (Jean-Gabriel Périot), proposent des approches non occidentales du genre, du désir et de la sexualité (Naptwe, Tejal Shah, Akosua Adoma Owusu, Akram Zaatari), créent leurs propres formes d'énergie étayant la survie en contexte hostile (Le Projet Sextoy, The Shakedown).
« Oser vaincre le robot ou le flic que le capitalisme a voulu faire de chacun ou chacune de nous. Réapprendre à aimer, à jouir, à être ensemble, à créer notre vie, à faire la révolution par tous les moyens. » (Tout, organe du Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire, mai 1971)
Nicole Brenez, Stéphane Gérard
Les titres des séances sont tous empruntés à Oscar Wilde, Salomé (1891).
On dirait qu'elle danse

C'est bien dit, ma fille

Il ne faut regarder que l'amour

Ce n'est pas une chose qu'une vierge doive regarder
J'ai soif de ta beauté, j'ai faim de ton corps

Comme la princesse Salomé est belle ce soir !

Il n'y a rien au monde d'aussi blanc que ton corps

Qu'est-ce que c'était ? Ah ! Je m'en souviens !
Il peut faire tout cela s'il le veut

Le mystère de l'amour, plus grand que le mystère de la mort

Que les capitaines de guerre la percent de leurs épées

N'est-ce pas qu'elle serait très belle comme reine ?

C'est ainsi que j'abolirai les crimes de dessus la terre

Ange du Seigneur Dieu, que fais-tu ici avec ton glaive ?
Une princesse aux pieds comme des petites colombes blanches

Ils ne croient qu'aux choses qu'on ne peut pas voir
As-tu peur de moi, que tu ne veux pas me regarder ?

Qui est cette femme qui me regarde ?

Qui éclate dans la beauté de ses vêtements ?
C'est pour mon propre plaisir

Était-ce la saveur du sang ou celle de l'amour ?

Battement des ailes de l'ange de la mort
On dirait que ces fleurs sont faites de feu
Il ne faut regarder que dans les miroirs
Une grande foule le suivait, il avait même des disciples

Ne te réjouis point, terre de Palestine

Peut-être est-ce la saveur de l'amour ?
Je te donnerai tout ce que tu demanderas, sauf une chose
Les sirènes couchent sous les feuilles dans les forêts

Enfin, il est le maître
Reflets d'une rose blanche dans un miroir d'argent
Hommes peints, images tracées avec des couleurs

Autour de l’événement
Exposition à l'Hôtel de ville de Paris
Champs d'amours, 100 ans de Cinéma Arc-en ciel
En collaboration avec La Cinémathèque française.
Comédies populaires, documentaires, biographies, films rares et militants, histoires d’amour du monde entier : pour la première fois, une exposition met en lumière (toutes) les couleurs du cinéma arc-en-ciel et révèle la multiplicité d’angles sous lesquels les homosexualités et les transidentités ont été abordées à l’écran durant un siècle.
Salle Saint-Jean, entrée gratuite
Du 25 juin au 28 septembre de 10h à 18h30 sauf dimanche et jours fériés.
Partenaires et remerciements
Une programmation de Nicole Brenez et Stéphane Gérard. À l'occasion de l'exposition « Champs d'amours, 100 ans de cinéma arc-en-ciel » à l'Hôtel de Ville de Paris, du 25 juin au 28 juillet 2019, en collaboration avec la Cinémathèque française.
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