Une histoire du mélodrame français
Le mélodrame est un des genres les plus populaires du cinéma, à la fois produit d'une stratégie visant à conquérir le public féminin tout autant que manière privilégiée d'explorer les sentiments les plus exacerbés. Si le mélodrame hollywoodien et parfois italien jouit d'une aura cinéphilique importante, son équivalent français a toujours été plus problématique, conséquence d'une relation entre les genres et la cinématographie nationale moins immédiate qu'ailleurs. Il s'agira d'écrire, en une vaste programmation, une histoire du mélodrame français, constater qu'il a eu ses grands auteurs (Abel Gance, Jean Grémillon, Paul Vecchiali) et qu'il a traversé l'Histoire en subissant de nombreuses et passionnantes variations.
Le mélodrame est un des grands genres de l'histoire du cinéma. Il occupe une place essentielle au sein d'importantes filmographies (les États-Unis, l'Italie, le Mexique, etc.). Il a souvent d'ailleurs été conçu par les producteurs comme des fictions destinées à un marché particulier, celui du public féminin. Le terme « women's picture », dénommant le mélodrame, désignait bien par ailleurs à la fois les sujets tout autant que les catégories du public visé par l'industrie hollywoodienne. Si l'on parcourt l'histoire du cinéma français, on constate très vite que le mélodrame y est un genre problématique, dont la fortune a varié en fonction des époques. L'objet d'une programmation, certes non exhaustive, autour de l'évolution du genre sera aussi une manière de voyager au travers du cinéma français, de ses affects, de ses fantasmes et de la manière dont il aura pris en compte l'expression même de ces sentiments, parfois extrêmes, qui nourrissent le mélo.
On a souvent catégorisé le mélodrame en fonction des situations mises en scène et du suspense qu'elles induisent. Provoquer l'émotion du public, parfois de façon quasi pavlovienne, repose sur un catalogue d'événements et de motifs facilement identifiables. Les thèmes de l'amour impossible, du sacrifice, de la séparation, de l'absence, du déchirement, de la déchéance morale sont autant de moyens que l'on va retrouver dans ce périple cinématographique.
L'Âge d'or du cinéma classique
Le cinéma muet sera prodigue en mélodrames. La force du feuilleton populaire s'y affirme comme la matrice de films tels La Porteuse de pain, inusable mélo tiré du roman de Xavier de Montépin et qui sera souvent adapté, notamment par Maurice Cloche, par deux fois, en 1950 et en 1963, mais aussi par René Le Somptier en 1924 et par René Sti en 1934. Abel Gance, dès 1917 avec Mater dolorosa en 1917, récit d'une femme que son mari tente de séparer de son enfant, va s'affirmer comme un des plus grands auteurs du genre. Les années 1930 continueront de produire des mélodrames qui révèleront de grands cinéastes dont Marcel Pagnol dont on pourrait quasiment montrer toute l'œuvre et dont on verra Angèle (1934). Jean Grémillon avec Gueule d'amour, en 1937, filmera les ravages de la passion dévorante. On découvrira aussi, parmi de nombreux titres, l'incroyable Conflit de Léonide Moguy, étonnante fiction du sacrifice. Les années d'Occupation seront le moment de ce que l'on a appelé le « mélo pétainiste », exaltant les vertus de la famille, odes à la maternité tels Le Voile bleu (1942) ou L'Enfant de l'amour (1944), tous deux de Jean Stelli. Deux cinéastes majeurs signeront durant cette période chacun un chef-d'œuvre aux styles radicalement différents quoiqu'à l'argument pas si éloigné que ça. Vénus aveugle d'Abel Gance (1940) et Donne-moi tes yeux de Sacha Guitry sont deux fictions du sacrifice mais à la sublime emphase lyrique de l'un s'oppose l'élégance humoristique de l'autre.
Doutes modernes
L'après-guerre marquera la fin des désinhibitions de la période précédente, même si l'on compte encore de nombreuses exceptions à ce repli. Ce que l'on a appelé la qualité française s'est, en effet, méfié des sentiments et de leur effusion. S'impose un cinéma du désenchantement, qui prendra la perte des illusions comme le principe structurant de ses récits. Le mélodrame est frappé de suspicion. Contre cet assèchement moral et esthétique, il faudra bien les arabesques d'un Max Ophuls qui livre avec Madame de… peut-être son chef-d'œuvre en 1953. Malgré quelques exceptions, le mélo suivra, par ailleurs, un curieux détour, celui des films « de prostitution », mélange étrange et parfois pittoresque d'érotisme léger et égrillard, de récit de « filles perdues » et de fictions moralisatrices. Citons Quai de Grenelle d'Erwin Reinert avec Françoise Arnoul (1950) ou bien Le Long des trottoirs de Léonide Moguy (1956). La modernité n'arrange rien pour le mélo. La distanciation, la déconstruction, s'opposent sans doute radicalement à l'expression des sentiments. Vivre sa vie de Godard (1962) reprend sublimement le récit de la « fille perdue », au cœur de nombreux titres présents dans le cadre de cette programmation, pour s'ingénier à casser à intervalles réguliers une émotion qui ne sait pas disparaître. Et pourtant, le gout du romanesque d'un François Truffaut retrouve, avec un film comme La Femme d'à côté en 1981, une manière d'intense drame de la passion. Et si le mélo était soluble dans le cinéma moderne malgré tout ? Avec Mélo, Alain Resnais, autre pilier de la modernité, ce sont les années 1930 qui reviendront dans cette adaptation de la pièce d'Henri Bernstein.
Mais le mélodrame ressurgira dans le cinéma français avec comme objectif de le ressusciter pour ce qu'il est, dans le projet de retrouvailles avec un passé jamais vraiment oublié, celui du cinéma populaire classique dont il s'agit de fournir un équivalent crédible, nourri tout à la fois du moment moderne mais en quête aussi d'une émotion intacte. C'est sans doute Paul Vecchiali qui s'est, de la façon la plus crédible, attelé à ce travail avec des titres comme Corps à cœur en 1978 et Rosa la rose, fille publique en 1985, dans une volonté de renier le lourd désenchantement d'un certain air du temps.
Le mélodrame est devenu une forme, certes minoritaire, mais qui continue de hanter le cinéma français. Le naturalisme politique d'un Robert Guédiguian peut s'en emparer le temps d'un film, Marie-Jo et ses deux amours (2002). Et Emmanuel Mouret, humoriste et moraliste léger, peut y trouver le terrain d'une expérience particulière avec Une autre vie (2013). Il reste le plus grand, celui qui continue de creuser un sillon qu'il est le seul à tracer, celui qui a saisi du genre les enjeux les plus profonds, qu'ils soient sexuels ou métaphysiques, Jean-Claude Brisseau, dont on montrera le magnifique Noce blanche, tourné en 1987. Durant plus de six semaines c'est une certaine histoire du cinéma français, où les chefs-d'œuvre côtoieront les curiosités, qui s'écrira à la Cinémathèque, celle d'un cinéma qui avait comme ambition de faire pleurer les foules.
Jean-François Rauger
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 15 juin au 31 juillet 2016
Les films
- Amants de Vérone (Les) André Cayatte / France / 1948 Sa 16 juil 14h00
- Angèle Marcel Pagnol / France / 1934 Lu 27 juin 14h30 Di 24 juil 17h30
- Conflit Léonide Moguy / France / 1938 Di 10 juil 17h00 Ve 22 juil 19h00
- Corps à cœur Paul Vecchiali / France / 1978 Me 22 juin 21h30
- Coupable (Le) Raymond Bernard / France / 1936 Je 23 juin 14h30 Lu 25 juil 19h00
- Dame de pique (La) Fedor Ozep / France / 1937 Je 14 juil 20h00
- Dernier amour Jean Stelli / France / 1949 Di 19 juin 20h00 Me 27 juil 20h00
- Des gens sans importance Henri Verneuil / France / 1955 Ve 17 juin 14h30 Sa 9 juil 17h00
- Deux gamines (Les) Maurice de Canonge / France / 1950 Di 26 juin 20h30 Di 31 juil 15h30
- Deux orphelines (Les) Riccardo Freda / France, Italie / 1964 Me 6 juil 21h15 Sa 16 juil 21h30
- Deux orphelines (Les) Maurice Tourneur / France / 1932 Je 7 juil 17h30 Sa 16 juil 19h30
- Donne-moi tes yeux Sacha Guitry / France / 1943 Je 30 juin 17h00 Me 6 juil 19h00
- Enfants de l'amour (Les) Léonide Moguy / France / 1953 Lu 11 juil 21h15 Ve 29 juil 20h00
- Étrange madame X (L') Jean Grémillon / France / 1950 Sa 2 juil 15h00 Me 20 juil 21h30
- Eugénie Grandet Emile Chautard / France / 1910 Ve 1 juil 17h00
- Femme d'à côté (La) François Truffaut / France / 1981 Lu 25 juil 21h15
- Femme perdue (La) Jean Choux / France / 1942 Je 21 juil 17h00
- Feu ! Jacques de Baroncelli / France / 1926 Ve 1 juil 17h00
- Fille perdue (La) Jean Gourguet / France / 1953 Sa 18 juin 15h00 Me 22 juin 17h00
- Fruit défendu (Le) Henri Verneuil / France / 1952 Lu 18 juil 19h00 Ve 29 juil 17h00
- Gueule d'amour Jean Grémillon / France, Allemagne / 1937 Ve 17 juin 20h00
- Hôtel des Amériques André Téchiné / France / 1981 Lu 4 juil 20h00
- Inconnu d'un soir (L') Hervé Bromberger, Max Neufeld / France-Autriche / 1948 Sa 9 juil 20h00 Je 21 juil 20h00
- Long des trottoirs (Le) Léonide Moguy / France-Italie / 1956 Di 17 juil 21h00 Me 20 juil 14h30
- Lutte pour la vie (La) Ferdinand Zecca, René Leprince / France / 1914 Sa 16 juil 20h00
- Madame de... Max Ophuls / France, Italie / 1953 Di 17 juil 14h00 Di 24 juil 20h30
- Maître de forges (Le) Fernand Rivers / France / 1933 Sa 18 juin 20h00 Sa 23 juil 17h30
- Marie-Jo et ses deux amours Robert Guédiguian / France / 2001 Ve 24 juin 14h30 Di 3 juil 19h00
- Mater Dolorosa Abel Gance / France / 1917 Je 16 juin 21h15
- Maternelle (La) Jean Benoit-Levy, Marie Epstein / France / 1933 Lu 11 juil 19h00 Lu 18 juil 21h30
- Mélo Alain Resnais / France / 1986 Je 16 juin 17h00 Sa 25 juin 16h30
- Mélo Paul Czinner / France-Allemagne / 1932 Di 26 juin 16h45 Je 14 juil 17h00
- Mélodie pour toi Willy Rozier / France / 1941 Ve 1 juil 14h30 Me 20 juil 17h00
- Mort du cygne (La) Jean Benoit-Levy, Marie Epstein / France / 1937 Ve 8 juil 20h30 Di 24 juil 15h30
- Noce blanche Jean-Claude Brisseau / France / 1989 Di 17 juil 17h00
- Notre histoire Bertrand Blier / France / 1984 Je 14 juil 14h30
- Paradis perdu Abel Gance / France / 1939 Ve 17 juin 17h00 Me 20 juil 19h30
- Parapluies de Cherbourg (Les) Jacques Demy / France-République fédérale d'Allemagne / 1963 Ve 22 juil 21h00 Je 28 juil 17h00
- Peau de Pêche Jean Benoit-Levy, Marie Epstein / France / 1928 Ve 24 juin 20h30 Sa 23 juil 20h00
- Pierrot-Pierrette Louis Feuillade / France / 1924 Me 22 juin 19h30
- Porteuse de pain (La) Maurice Cloche / France-Italie / 1949 Lu 20 juin 20h30 Me 13 juil 14h30
- Quai de Grenelle Emile Edwin Reinert / France / 1950 Ve 22 juil 17h00 Sa 30 juil 20h00
- Quand tu liras cette lettre Jean-Pierre Melville / France, Italie / 1953 Sa 9 juil 14h30
- Révoltée (La) Marcel L'Herbier / France / 1947 Di 10 juil 20h00
- Rosa la rose, fille publique Paul Vecchiali / France / 1985 Sa 18 juin 17h00 Je 23 juin 21h15
- Sans lendemain Max Ophuls / France / 1939 Ve 1 juil 19h30 Di 17 juil 19h00
- Secret d'une mère (Le) Jean Gourguet / France / 1952 Sa 25 juin 20h30 Lu 25 juil 17h00
- Six et demi, onze Jean Epstein / France / 1926 Me 29 juin 17h00
- Trois rendez-vous Philippe de Broca, Charles Bitsch, Edith Krausse / France / 1953 CM Lu 20 juin 20h30 Me 13 juil 14h30
- Une autre vie Emmanuel Mouret / France / 2012 Ve 24 juin 17h00
- Vénus aveugle Abel Gance / France / 1940 Me 15 juin 20h00 Ve 1 juil 21h30
- Vivre sa vie Jean-Luc Godard / France / 1962 Me 27 juil 17h00 Di 31 juil 21h30
- Voile bleu (Le) Jean Stelli / France / 1942 Di 19 juin 16h30 Ve 15 juil 20h00
- Yamilé sous les cèdres Charles d'Espinay / France / 1939 Je 23 juin 17h00 Me 13 juil 17h00
Rencontres et conférences
- Mélo Alain Resnais
- Les mélodrames apocalyptiques d'Abel Gance Conférence d'Élodie Tamayo

- Mater Dolorosa Abel Gance

- Des gens sans importance Henri Verneuil
- Paradis perdu Abel Gance
- Gueule d'amour Jean Grémillon

- La Porteuse de pain Maurice Cloche
- Trois rendez-vous Philippe de Broca, Charles Bitsch, Edith Krausse CM
- La Fille perdue Jean Gourguet

- Pierrot-Pierrette Louis Feuillade
- Corps à cœur Paul Vecchiali
- Le Coupable Raymond Bernard

- Yamilé sous les cèdres Charles d'Espinay
- Paul Vecchiali, mélodies du mélo Conférence de Matthieu Orléan
- Rosa la rose, fille publique Paul Vecchiali

- Angèle Marcel Pagnol

- Six et demi, onze Jean Epstein

- Donne-moi tes yeux Sacha Guitry
- Mélodie pour toi Willy Rozier
- Eugénie Grandet Emile Chautard
- Feu ! Jacques de Baroncelli

- Sans lendemain Max Ophuls
- Vénus aveugle Abel Gance

- L'Étrange madame X Jean Grémillon

- Marie-Jo et ses deux amours Robert Guédiguian

- Hôtel des Amériques André Téchiné

- Les Deux orphelines Maurice Tourneur

- La Mort du cygne Jean Benoit-Levy, Marie Epstein
- La Maternelle Jean Benoit-Levy, Marie Epstein

- Les Enfants de l'amour Léonide Moguy

- La Porteuse de pain Maurice Cloche
- Trois rendez-vous Philippe de Broca, Charles Bitsch, Edith Krausse CM
- Yamilé sous les cèdres Charles d'Espinay
- Notre histoire Bertrand Blier
- Mélo Paul Czinner

- La Dame de pique Fedor Ozep

- Le Voile bleu Jean Stelli

- Le Fruit défendu Henri Verneuil
- La Maternelle Jean Benoit-Levy, Marie Epstein
- Le Long des trottoirs Léonide Moguy
- Mélodie pour toi Willy Rozier
- Paradis perdu Abel Gance

- L'Étrange madame X Jean Grémillon

- La Femme perdue Jean Choux
- L'Inconnu d'un soir Hervé Bromberger, Max Neufeld
- Quai de Grenelle Emile Edwin Reinert

- Conflit Léonide Moguy
- Les Parapluies de Cherbourg Jacques Demy
- Le Secret d'une mère Jean Gourguet

- Le Coupable Raymond Bernard
- La Femme d'à côté François Truffaut

- Les Parapluies de Cherbourg Jacques Demy
- Le Fruit défendu Henri Verneuil

- Les Enfants de l'amour Léonide Moguy

- Quai de Grenelle Emile Edwin Reinert
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