Le cinéma colombien : hier, aujourd'hui, demain
Du 30 novembre au 10 décembre 2017
Le cinéma colombien hier, aujourd'hui, demain
Pendant très longtemps, pour beaucoup, le cinéma colombien se résumait au regard triste de l'adolescente Monica, la petite marchande de roses du film homonyme de Victor Gaviria en compétition en 1998 au Festival de Cannes. Le cinéma colombien, né pourtant dans les années 1920, s'offrait alors enfin une véritable renommée internationale.
Mais depuis 2003, une volonté politique spectaculaire aboutit en Colombie à une loi du cinéma qui favorise depuis la production de nombreux courts et longs métrages irriguant les festivals du monde entier, et révélant plusieurs réalisateurs talentueux.
À l'occasion de l'Année France-Colombie, la Cinémathèque française invite sept de ces cinéastes contemporains à montrer un de leurs films récents, et à en choisir un autre parmi ceux qui les ont marqués dans l'histoire du cinéma colombien. Une façon pour cette nouvelle génération née dans les années 1980 de transmettre un morceau de l'histoire du cinéma de leur pays et de faire dialoguer des films d'époques différentes. Histoire d'illustrer ce lien si nécessaire entre le cinéma d'aujourd'hui et le cinéma du passé.
Cette programmation donnera bien sûr à voir comment la question politique a imprégné le cinéma colombien depuis très longtemps, qu'il s'agisse de Les Condors ne meurent pas tous les jours de Francesco Norden (présenté à Un certain regard, à Cannes, en 1984), traitant sur le mode d'un film noir tendance Francesco Rosi d'une période extrêmement sombre de la Colombie (la « violencia », guerre civile qui dura de 1948 à 1960), ou encore de films plus récents comme Oscuro animal de Felipe Guerrero, qui travaille formellement la question des conséquences de la guerre, ou Los Abrazos del río de Nicolás Rincón Gille, évoquant les liens entre deux formes de violence, l'une symbolique, mythologique, l'autre beaucoup plus réelle (les crimes impunis des paramilitaires).
Au centre des films aussi, la question du territoire est primordiale, qu'il s'agisse du fleuve (dans le film de Rincón Gille), de la forêt (l'incroyable Étreinte du serpent de Ciro Guerra, film d'aventures sensoriel et halluciné) ou qu'il s'agisse à travers lui de raconter le peuple de la campagne colombienne, les liens entre passé et présent, à l'instar du sublime La Terre et l'ombre de César Acevedo, Caméra d'or 2015 au Festival de Cannes ou du beau Tierra en la lengua de Rubén Mendoza (où deux jeunes gens venus de la ville découvrent le passé de leur grand-père). Mais l'une des questions qui animent le cinéma colombien, passé comme présent, ce sont les rêves et les aspirations de jeunes gens souvent sans espoir et sans argent. De Rodrigo D. No Futuro, le film mythique de Víctor Gaviria au dynamisant Los Nadie de Juan Sebastián Mesa, en passant par Gente de bien de Franco Lolli, conte moral narrant aussi avec finesse les distinctions sociales d'aujourd'hui, et Los Hongos d'Oscar Ruiz Navia, dans lequel le lien entre rêve et réalité se traduit par une forme de récit somnambulique. L'attachement aux personnages, à des acteurs parfois non professionnels, est l'une des récurrences du jeune cinéma colombien qu'on observe aussi à travers les multiples courts métrages découverts chaque année dans les festivals internationaux, preuve ultime d'une cinématographie dynamique dont cette rétrospective se veut l'écho.
Bernard Payen