Week-end Baby Cart

Du 7 novembre 2016 au 25 juin 2017

La série dite des Baby Cart constitue l'adaptation, en six films, entre 1972 et 1974, pour les studios TOHO, d'un célèbre manga signé Kazuo Koike et Goseki Gojima, Lone Wolf and Cub. Victime d'un complot qui a provoqué sa déchéance, Ogami Itto, l'ancien bourreau du Shogun, erre dans tout le Japon poussant son jeune fils dans un landau de fortune. Devenu tueur à gages, dénué de tout code d 'honneur, il accepte toutes les missions qu'on lui propose tout en essayant d'échapper aux hommes du clan Yaigyu qui a juré sa perte. La saga Baby Cart marque une évolution notable, post moderne, du film de sabre (chambara) japonais. Le genre devient hybride et baroque, se nourrissant d'influences exogènes allant du cinéma d'art martiaux chinois aux films de James Bond en passant par le western italien et le cartoon.

Effleurant un certain grotesque décomplexé, flirtant parfois avec le fantastique, la série conjugue volontiers l'outrance avec de fulgurantes idées poétiques (les rapports entre l'homme et son fils) et une authentique beauté plastique. L'enfant, un bébé de deux ans, joue de surcroit, un rôle perturbant et lourd de sens à la fois. Trimballé dans son landau, il assiste parfois à d'insensées tueries. Souvent, un plan montrant une action particulièrement brutale est suivi d'un contrechamp sur le visage du gamin, un regard buté et idiot de bébé, troublant le spectateur par un anti-effet Koulechov, cette expérience de montage conférant une signification différente, projetée par le spectateur, la même expression d'un acteur selon qu'il apparait après tel ou tel plan. Comment mieux signifier le triomphe d'un monde désormais sans morale ? Plongeant lui-même dans l'abjection du meurtre sur commande, le héros de la série, incarné par l'intense Tomisaburo Wakayama, est un samouraï errant, sabrant l'ennemi, tranchant têtes, bras et jambes, provoquant de sanglants et spectaculaires geysers, usant de divers gadgets. Cette débauche graphique n'empêche pas, par ailleurs, une réflexion précise sur l'origine du Mal et la solitude du surhomme, thèmes centraux de l'œuvre de celui qui a réalisé quatre épisodes sur les six, le grand cinéaste Kenji Misumi.

Jean-François Rauger