« Jean Rouch, c'est le moteur de tout le cinéma depuis 1955, bien que peu de gens le sachent... C'est le premier en France à avoir fait coïncider la vérité brute, la vie quotidienne prise, captée à vif, et l'invention cinématographique. » (Jacques Rivette, Cahiers du cinéma, septembre 1968)
Jean Rouch : restaurations, raretés et inachevés
Conduite avec le « Centenaire Jean Rouch 2017 » et les Archives du film du CNC, cette rétrospective réaffirme l'importance du regard de Rouch et la position singulière qu'il occupe dans le cinéma français. Il apparaît comme une figure tutélaire ; son nom est attaché à plusieurs institutions telles que le festival Cinéma du réel, le Musée de l'Homme, le CNRS, la Cinémathèque française ; son cinéma est reconnu pour avoir contribué largement à décloisonner les territoires respectifs du cinéma documentaire et du cinéma de fiction, et pourtant son œuvre foisonnante, tout en bénéficiant d'une certaine pérennité, demeure méconnue du public dans sa diversité.
Quête formelle, utopie et réalisation collective
Initiant sans cesse de nouvelles quêtes formelles, Jean Rouch considère ses films comme un matériau toujours à retravailler, et il a introduit cette conception jusque dans son cinéma le plus fictionnel. Le film n'est pas pour lui un objet fini, et il a souvent refaçonné a posteriori les commentaires en voix off ou opéré des montages différents à partir des rushes. Les « cycles » ethnographiques, du Sigui et du Yenendi, lui ont montré l'intérêt et la nécessité d'un work in progress pour rendre compte pleinement d'une tradition lorsqu'il s'agit de suivre un rite s'échelonnant sur des dizaines d'années. La pratique du cinéma devient alors un geste à perpétuer, éventuellement par d'autres.
L'utopie, à cet égard, est sous-jacente dans la plupart des films, présente formellement dans l'expérimentation, ou en qualité de sujet, dans son aspect politique, ou encore du côté de l'imaginaire. Rouch considérait le cinéma comme un art qui se construit collectivement. Il a développé un principe dit d'« anthropologie partagée », qui situe l'échange à tous les stades de l'élaboration d'un film : il s'agit de partager avec ceux qui apparaissent à l'écran le champ de la parole et celui de la création (dialogues, scénario, etc.), ainsi que l'expérience du tournage. Il a réalisé des portraits de cinéastes amis (Ciné-Mafia, Ciné-portrait de Raymond Depardon) et multiplié les expériences de réalisation à plusieurs, avec Edgar Morin pour Chronique d'un été, Jacques Doillon et Alain Resnais pour L'An 01, en participant à l'élaboration d'un triptyque – Brise-glace, avec Raoul Ruiz –, ou encore de films à sketches (Gare du Nord dans Paris vu par...). La volonté de Jean Rouch de faire du cinéma un lieu de création collective est avérée, ce que souligne Jean-André Fieschi : « Création collective, improvisation, spontanéité, complicité : sans doute sont-ce là les moyens privilégiés par lesquels Rouch, d'observateur de rites, a franchi la ligne par laquelle il devenait, à sa façon, créateur de rites. »
Petite topographie du continent Rouch
Cette programmation sélective, conçue en regard des différentes ressorties et événements accompagnant le centenaire, s'attache à un corpus de films constituant un pas de côté par rapport aux films les plus connus, tels Les Maîtres fous, Moi, un Noir, Petit à petit, Jaguar, Chronique d'un été ou encore La Pyramide humaine. La (re)découverte de films rares ou récemment restaurés permettra de mettre en lumière la diversité des formes narratives et la prolixité de ce cinéaste amoureux de l'Afrique. Depuis Au pays des mages noirs, son premier film, réalisé en 1946 (remonté et distribué par les Actualités françaises contre le gré de Jean Rouch), jusqu'à En une poignée de mains amies, avec Manoel de Oliveira en 1996, ce parcours se veut une invitation à l'exploration de cette filmographie riche de plus de cent cinquante titres.
Le voyage se fait en Afrique d'abord, de rites magiques et rituels de possession (Le Dama d'Ambara, Initiation à la danse des possédés) en séances de chasse à l'hippopotame ou au lion (Bataille sur le grand fleuve, qui a mené Jean Rouch à élaborer sa théorie du feedback après avoir projeté le film aux Sorko), jusqu'aux films sur les danses et expérimentations rythmiques (La Goumbé des jeunes noceurs, Horendi). Avec Cocorico ! Monsieur Poulet, ethno-fiction peut être moins connue que Jaguar mais non moins aventureuse, Les Deux Chasseurs, long métrage inachevé, offre un regard inédit sur cet aspect de la création rouchienne. On redécouvrira également Babatu, les trois conseils, unique essai de « ciné-histoire » dans sa filmographie, reconstitution inspirée des travaux de l'historien, écrivain et homme politique Boubou Hama.
Quant à l'attachement de Jean Rouch à Paris, il s'exprime à travers des films où point une réflexion liée au cinéma-vérité dans Les Veuves de quinze ans et La Punition, qui lui permet de dénoncer le jeu d'acteur classique et les dialogues écrits à l'avance. On le retrouve aussi là où on s'y attend moins, entre mer et terres finlandaise et iranienne (Brise-glace, Ispahan, lettre persane). Le film Dionysos, objet étrange, insaisissable, à tendance surréaliste, complétera ce panorama inachevé de films indisciplinés. « Grande synthèse de Rouch » pour Gilles Deleuze, ce film sur un mythe révèle l'effet d'hybridation qui joue dans son cinéma, mêlant époque contemporaine et antiquité, ouvriers et universitaires, travail et plaisir, etc. C'est le sens du « filmer par plaisir » qui semble l'emporter chez Rouch ; Jean-André Fieschi relève dans son cinéma « un certain goût du canular et de la mystification qui sont autant de signes d'une enfance préservée et reconduite ». Cet esprit « blagueur », comme le qualifie pour sa part Jean-Luc Godard, va de pair avec un esprit de clan, de complicité avec ses acteurs et collaborateurs. Ce cinéma qui précède, accompagne et devance le cinéma moderne français dans ses aspects théoriques, techniques, esthétiques, narratifs, s'exprime par sa nature tout à la fois éthique et pleine d'humour. C'est surtout un cinéma qui demeure enfantin par ce qu'il garde du goût de l'expérience, de l'effronterie et de l'ambition spontanée, en même temps parfaitement conscient de lui-même et des procédures qui le fondent.
Élise Girard
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 22 au 27 novembre 2017
Les films
- An 01 (L') Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch / France / 1972 Lu 27 nov 15h00
- Au pays des mages noirs Jean Rouch / France / 1946 CM Lu 27 nov 19h15
- Babatu, les trois conseils Jean Rouch / France-Niger / 1976 Me 22 nov 20h00
- Bataille sur le grand fleuve Jean Rouch / France / 1950 Lu 27 nov 19h15
- Batteries dogon : éléments pour une étude des rythmes Jean Rouch, Gilbert Rouget / France-Mali / 1966 CM Lu 27 nov 17h00
- Brise-glace : Bateau givre Jean Rouch / France / 1987 CM Sa 25 nov 15h00
- Chasse au lion à l'arc (La) Jean Rouch / France / 1958 10 Di 26 nov 21h45
- Cimetière dans la falaise Jean Rouch / France / 1951 CM Lu 27 nov 21h00
- Ciné-mafia Jean Rouch / France-Pays-Bas / 1980 CM Di 26 nov 15h30
- Ciné-portrait de Raymond Depardon Jean Rouch / France / 1981 CM Di 26 nov 15h30
- Cocorico ! Monsieur Poulet Jean Rouch, Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia / France / 1974 Ve 24 nov 19h30
- Cousin, cousine, pirogue gondole Jean Rouch / France / 1985 CM Sa 25 nov 15h00
- Dama d'Ambara (Le) Jean Rouch et Germaine Dieterlen / France / 1974 Lu 27 nov 21h00
- Deux chasseurs (Les) Jean Rouch / France / 1981 Ve 24 nov 21h45
- Dionysos Jean Rouch / France / 1984 Sa 25 nov 21h00
- En une poignée de mains amies Jean Rouch, Manoel de Oliveira / France, Portugal / 1997 CM Di 26 nov 15h30
- Goumbé des jeunes noceurs (La) Jean Rouch / France / 1965 CM Di 26 nov 17h30
- Horendi Jean Rouch / France / 1972 Lu 27 nov 17h00
- Initiation à la danse des possédés Jean Rouch / France / 1948 CM Sa 25 nov 19h15
- Ispahan : lettre persane Jean Rouch / France / 1977 CM Sa 25 nov 15h00
- Mammy Water Jean Rouch / France / 1956 CM Di 26 nov 17h30
- Mosso Mosso, Jean Rouch comme si Jean-André Fieschi / France / 1998 Je 23 nov 19h00
- Porto Novo, la danse des reines Gilbert Rouget et Jean Rouch / France / 1970 CM Di 26 nov 17h30
- Punition (La) Jean Rouch / France / 1960 Di 26 nov 19h30
- Un lion nommé l'Américain Jean Rouch / France / 1970 CM Di 26 nov 21h45
- Veuves de quinze ans (Les) Jean Rouch / Canada-Japon-Italie-France / 1964 CM Di 26 nov 19h30
- Yenendi de Ganghel Jean Rouch / France / 1968 CM Sa 25 nov 19h15

- Mosso Mosso, Jean Rouch comme si Jean-André Fieschi

- Cocorico ! Monsieur Poulet Jean Rouch, Damouré Zika et Lam Ibrahim Dia
- Les Deux chasseurs Jean Rouch
- Ispahan : lettre persane Jean Rouch CM
- Cousin, cousine, pirogue gondole Jean Rouch CM
- Brise-glace : Bateau givre Jean Rouch CM
- Initiation à la danse des possédés Jean Rouch CM
- Yenendi de Ganghel Jean Rouch CM

- Dionysos Jean Rouch
- Ciné-mafia Jean Rouch CM
- Ciné-portrait de Raymond Depardon Jean Rouch CM
- En une poignée de mains amies Jean Rouch, Manoel de Oliveira CM
- Mammy Water Jean Rouch CM
- La Goumbé des jeunes noceurs Jean Rouch CM
- Porto Novo, la danse des reines Gilbert Rouget et Jean Rouch CM

- Les Veuves de quinze ans Jean Rouch CM
- La Punition Jean Rouch
- La Chasse au lion à l'arc Jean Rouch 10
- Un lion nommé l'Américain Jean Rouch CM
- L'An 01 Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch
- Batteries dogon : éléments pour une étude des rythmes Jean Rouch, Gilbert Rouget CM
- Horendi Jean Rouch

- Au pays des mages noirs Jean Rouch CM
- Bataille sur le grand fleuve Jean Rouch
- Cimetière dans la falaise Jean Rouch CM
- Le Dama d'Ambara Jean Rouch et Germaine Dieterlen
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15h30
- Ciné-mafia Jean Rouch CM
- Ciné-portrait de Raymond Depardon Jean Rouch CM
- En une poignée de mains amies Jean Rouch, Manoel de Oliveira CM
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17h30
- Mammy Water Jean Rouch CM
- La Goumbé des jeunes noceurs Jean Rouch CM
- Porto Novo, la danse des reines Gilbert Rouget et Jean Rouch CM
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19h30
Séance présentée par Gabriela Trujillo
- Les Veuves de quinze ans Jean Rouch CM
- La Punition Jean Rouch
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21h45
Séance présentée par Béatrice De Pastre
- La Chasse au lion à l'arc Jean Rouch
- Un lion nommé l'Américain Jean Rouch CM
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15h00
- L'An 01 Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch
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17h00
- Batteries dogon : éléments pour une étude des rythmes Jean Rouch, Gilbert Rouget CM
- Horendi Jean Rouch
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19h15
- Au pays des mages noirs Jean Rouch CM
- Bataille sur le grand fleuve Jean Rouch
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21h00
- Cimetière dans la falaise Jean Rouch CM
- Le Dama d'Ambara Jean Rouch et Germaine Dieterlen
Partenaires et remerciements
Le Centenaire Jean Rouch 2017, Andrea Paganini, la Fondation Jean Rouch, la Direction du Patrimoine du CNC, CNRS Audiovisuel, Comité du Film Ethnographique, INA, Les Films du Jeudi, Solaris Distribution, Tamasa Distribution.
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