L’inquiétant timide
Parcourir, en cinquante films, la carrière cinématographique de Jean-Louis Trintignant, c’est prendre, en toute conscience, le risque de ne découvrir qu’une seule et partielle dimension d’un homme aux multiples passions : le théâtre, la poésie, la mise en scène, la course automobile, les plaisirs de la campagne. C’est pourtant un risque que l’on prendra tant ce parcours suffirait déjà à susciter une admiration sans limites.
Du théâtre au cinéma
Il naît le 11 décembre 1930 à Piolenc dans le Vaucluse. Sa vocation d’acteur naît à dix-neuf ans, dira-t-il, après avoir vu Charles Dullin dans L’Avare. Il arrive à Paris en 1950 avec le double objectif de devenir comédien de théâtre et metteur en scène de cinéma. Aussi s’inscrit-il, en toute logique, au cours Dullin et à l’IDHEC. Il débute au théâtre en faisant de la figuration au TNP puis obtient des rôles plus conséquents dans les troupes de Raymond Harmentier et Jean Dasté. L’impresario André Bernheim accepte de s’occuper de lui à condition qu’il fasse aussi du cinéma. Après trois rôles, c’est véritablement dans Et Dieu… créa la femme de Roger Vadim (1956) qu’il accède à une notoriété véritable, une notoriété où se mêlaient admiration et curiosité publique en raison de sa liaison présumée avec Brigitte Bardot. Le film, dans lequel une nouvelle manière d’être une actrice inventa, instantanément, une nouvelle star féminine, fut aussi une œuvre où le casting masculin (de Curd Jürgens à Trintignant en passant par Christian Marquand) déployait une gamme de jeux où l’ancien côtoyait le nouveau. Et le nouveau c’était Trintignant. Le jeune acteur ne sera pourtant pas une des recrues de la Nouvelle Vague. « Je l’ai ratée à ses débuts » dira-t-il, même s’il tournera, plus tard, avec Claude Chabrol (Les Biches), Éric Rohmer (Ma nuit chez Maud) ou François Truffaut (Vivement Dimanche !).
Un jeune homme timide
C’est en Italie où il se rend, dira-t-il parce que « l’on ne me propose rien d’intéressant en France » qu’il va s’imposer tout d’abord, dans une poignée de films décisifs où il incarne un jeune homme introverti, voire coincé. Estate violente (Eté violent) en 1959 du calligraphe Valerio Zurlini est une éducation sentimentale doucement morbide alors que Il Sorpasso (Le Fanfaron) de Dino Risi en 1962 est un road movie bouffon, tout autant qu’une confrontation de l’acteur avec son contraire, son négatif absolu, l’expansif Vittorio Gassman, un duel qui allait donner une comédie de mœurs aux accents cruels. Est-ce de cette qualité paradoxale, une timidité dont il pensait, alors comédien débutant, qu’elle allait l’empêcher de faire une carrière, qu’il nourrira ses personnages ? Parce qu’il aura su la dépasser tout en l’exploitant.
Très tôt, Trintignant ne se laisse pas enfermer dans des caractères et un type de jeu. Il sera, alors que le cinéaste lui donne le choix entre deux rôles, un activiste d’extrême-droite, soit un personnage aux antipodes de sa nature, dans Le Combat dans l’île d’Alain Cavalier en 1962. Il se prête aux méthodes de Claude Lelouch, qui demande à ses acteurs d’improviser, avec Un homme et une femme. Le film, grand prix au festival de Cannes en 1966, le propulse véritablement vers le vedettariat. Autre expérience, le pistolero du curieux western de Sergio Corbucci, Le Grand silence, en 1968, dont l’acteur imposa qu’il soit muet.
Ange ou démon
En 1969, dans Ma nuit chez Maud, le deuxième conte moral d’Éric Rohmer, il interprète un ingénieur catholique dont les convictions philosophiques masquaient mal l’indécision du désir. L’auteur de La Collectionneuse, qui dira de Trintignant qu’il est « un acteur dostoïevskien où les zones de lumière succèdent aux zones de ténèbres, et où l’ange succède au démon », n’avait-t-il pas vu, avec son acuité particulière, cette double face du comédien, cette perpétuelle tension entre une souveraineté et une sorte de fragilité ? Si les figures de l’ambigüité morale subsistent (Le Voyou de Claude Lelouch en 1970, Il Conformista/Le Conformiste de Bernardo Bertolucci la même année, L’Attentat d’Yves Boisset en 1972), celles du pouvoir (même menacées) se font plus fréquentes. Il y a le juge intègre de Z de Costa-Gavras en 1969, le Président de la République du Bon plaisir de Francis Girod en 1984.
Une voix faussement douce, un sourire parfois inquiétant caractérisent des personnages avec lesquels Trintignant semblent à la fois s’amuser et auxquels il confère une profondeur non dénuée de mystère, passant de la fragilité (Le Train de Pierre Granier-Deferre en 1973, L’Argent des autres de Christian de Chalonge en 1978) à la cruauté légèrement outrée (Flic story de Jacques Deray en 1975) et à la manipulation perverse (Eaux profondes de Michel Deville en 1981).
Ses relations avec le cinéma, qu’il déclare régulièrement vouloir quitter, s’espacent. Mais ses rôles prennent une densité nouvelle dans Regarde les hommes tomber de Jacques Audiard, Trois couleurs : Rouge de Krzysztof Kieslowski (1994) où il incarne un magistrat retraité misanthrope et récemment, Amour de Michael Haneke qui a obtenu la Palme d’or au dernier festival de Cannes.
Il est également l’auteur de deux films (Une journée bien remplie en 1973, Le Maitre-nageur en 1979) qui lui ressemblent, effleurant plusieurs genres, (la comédie, le film criminel, la fable sociale) sans se laisser réduire à une catégorie existante.
Au cours d’un entretien, Jean-Louis Trintignant, évoquant ce qui motivait une de ses nombreuses passions : la course automobile, avait déclaré : « Ce n’est pas la vitesse que j’aime. Ce que j’aime dans la course c’est freiner le plus tard possible, passer un virage au maximum de vitesse. Si on se trouve à deux cents à l’heure dans une courbe et qu’on a été optimiste sur la vitesse d’entrée, on ne peut plus reculer. Il ne faut surtout pas lever le pied car ce qui tient la voiture, c’est l’accélération ». Il peut paraitre tentant (mais on peut céder à la tentation) de rapprocher cette leçon de conduite (automobile) avec cet art du jeu qui caractérise si bien le comédien Trintignant. Ce qui compte, semble-t-il, ce n’est pas la vitesse, (traduire : la performance) mais, peut-être, le juste rapport entre celle-ci, la distance à franchir et la topographie, c’est-à-dire entre l’émotion et son expression déterminée par le personnage, entre le franchissement de la courbe et la manière la plus efficace de négocier celle-ci.
Jean-François Rauger
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Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 26 septembre au 12 novembre 2012
Les films
- Agression (L') Gérard Pirès / France, Italie / 1974 Me 10 oct 17h00
- Américain (L') Marcel Bozzuffi / France / 1969 Lu 8 oct 17h00
- Amour Michael Haneke / France, Allemagne, Autriche / 2011 Lu 15 oct 19h30 Lu 15 oct 19h30
- Argent des autres (L') Christian de Chalonge / France / 1978 Lu 15 oct 17h00 Me 24 oct 17h00
- Attentat (L') Yves Boisset / France-Italie-République fédérale d'Allemagne / 1972 Di 11 nov 21h30
- Biches (Les) Claude Chabrol / France, Italie / 1967 Sa 6 oct 19h15
- Bon plaisir (Le) Francis Girod / France / 1983 Me 31 oct 17h15
- Ceux qui m'aiment prendront le train Patrice Chéreau / France / 1997 Je 1 nov 21h45
- Combat dans l'île (Le) Alain Cavalier / France / 1961 Sa 29 sep 14h00
- Compartiment tueurs Costa-Gavras / France / 1964 Di 30 sep 19h30
- Conformiste (Le) Bernardo Bertolucci / Italie-France-République fédérale d'Allemagne / 1969 Di 7 oct 21h00
- Course du lièvre à travers les champs (La) René Clément / France-Italie / 1971 Ve 2 nov 16h30
- Défense de savoir Nadine Trintignant / France, Italie / 1973 Me 7 nov 17h30
- Eaux profondes Michel Deville / France / 1981 Sa 3 nov 17h30
- Escapade (L') Michel Soutter / Suisse, France / 1973 Ve 26 oct 21h30
- Et Dieu créa la femme Roger Vadim / France / 1956 Di 11 nov 14h00
- Été prochain (L') Nadine Trintignant / France / 1984 Je 4 oct 17h00
- Eté violent Valerio Zurlini / Italie, France / 1959 Je 27 sep 19h00
- Fanfaron (Le) Dino Risi / Italie / 1962 Je 27 sep 21h15
- Femme du dimanche (La) Luigi Comencini / Italie-France / 1975 Di 11 nov 16h15
- Fiesta Pierre Boutron / France / 1994 Ve 2 nov 14h30
- Flic story Jacques Deray / France, Italie / 1975 Ve 19 oct 16h30
- Grand silence (Le) Sergio Corbucci / Italie, France / 1967 Di 14 oct 14h30
- Liaisons dangereuses 1960 (Les) Roger Vadim / France / 1959 Me 3 oct 17h00
- Ma nuit chez Maud Éric Rohmer / France / 1969 Me 26 sep 20h00
- Maître nageur (Le) Jean-Louis Trintignant / France / 1978 Di 11 nov 19h00
- Malevil Christian de Chalonge / France, République fédérale d'Allemagne / 1980 Lu 12 nov 14h30
- Mort a pondu un œuf (La) Giulio Questi / Italie, France / 1967 Lu 8 oct 19h00
- Mouton enragé (Le) Michel Deville / France, Italie / 1973 Sa 3 nov 15h00
- Passagers (Les) Serge Leroy / France, Italie / 1976 Ve 5 oct 19h30
- Regarde les hommes tomber Jacques Audiard / France / 1993 Sa 27 oct 14h30
- Repérages Michel Soutter / France, Suisse / 1977 Ve 26 oct 19h30
- Sans mobile apparent Philippe Labro / France, Italie / 1971 Me 24 oct 17h00
- Sur la touche Gill Weinstein / Israël / 2012 Sa 20 oct 10h58
- Terrasse (La) Ettore Scola / Italie, France / 1979 Sa 10 nov 16h00
- Train (Le) Pierre Granier-Deferre / France-Italie / 1973 Ve 9 nov 17h30
- Trans-Europ-Express Alain Robbe-Grillet / France / 1966 Me 10 oct 19h30
- Trois couleurs rouge Krzysztof Kieslowski / France, Suisse, Pologne / 1993 Ve 2 nov 19h30
- Un homme est mort Jacques Deray / France, Italie / 1972 Di 28 oct 17h30
- Un homme et une femme Claude Lelouch / France / 1965 Sa 6 oct 21h45
- Under Fire Roger Spottiswoode / Etats-Unis / 1982 Ve 26 oct 14h30 Ve 26 oct 14h30
- Une journée bien remplie Jean-Louis Trintignant / France, Italie / 1972 Di 7 oct 19h00
- Vivement dimanche ! François Truffaut / France / 1982 Di 4 nov 17h00
- Voleur de crimes (Le) Nadine Trintignant / France, Italie / 1968 Me 17 oct 17h15
- Voyou (Le) Claude Lelouch / France, Italie / 1970 Me 10 oct 21h45
- Yeux plus gros que le ventre (Les) Uri Zohar / Israël / 1974 Sa 20 oct 10h58
Rencontres et conférences

- Ma nuit chez Maud Éric Rohmer
- Le Combat dans l'île Alain Cavalier

- Les Liaisons dangereuses 1960 Roger Vadim
- L'Été prochain Nadine Trintignant
- Les Passagers Serge Leroy

- L'Américain Marcel Bozzuffi
- La Mort a pondu un œuf Giulio Questi
- L'Agression Gérard Pirès
- Trans-Europ-Express Alain Robbe-Grillet
- Le Voyou Claude Lelouch
- L'Argent des autres Christian de Chalonge

- Amour Michael Haneke
- Amour Michael Haneke
- Le Voleur de crimes Nadine Trintignant
- Flic story Jacques Deray
- Sans mobile apparent Philippe Labro
- L'Argent des autres Christian de Chalonge
- Under Fire Roger Spottiswoode
- Repérages Michel Soutter
- L'Escapade Michel Soutter
- Regarde les hommes tomber Jacques Audiard
- Un homme est mort Jacques Deray
- Le Bon plaisir Francis Girod

- Ceux qui m'aiment prendront le train Patrice Chéreau
- Fiesta Pierre Boutron
- La Course du lièvre à travers les champs René Clément
- Trois couleurs rouge Krzysztof Kieslowski
- Vivement dimanche ! François Truffaut
- Défense de savoir Nadine Trintignant
- Le Train Pierre Granier-Deferre
- La Terrasse Ettore Scola
- Malevil Christian de Chalonge
Partenaires et remerciements
Jean-Louis Trintignant, Karine Kassathiany, Tamasa, Les Films du Losange, Bloody Mary Productions, MK2, Gaumont, KG productions, Les Films 13, Artedis, Pyramide, Ad Vitam.
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