Histoire permanente de l'Eurospy (partie 2)

Le 5 mai 2023

En accompagnement de l'exposition Top Secret : cinéma et espionnage, des séances de cinéma Bis consacrées à la figure de l'espion.

Retour à ces imitations transalpines et bon marché des films de James Bond avec deux titres rares. Les séances de cinéma bis reviennent aux fondamentaux. Les deux films de ce soir sont signés Terence Hathaway, pseudonyme du productif Sergio Grieco. C'est, paraît-il, le producteur Edmondo Amati qui proposa au réalisateur de prendre un pseudonyme composé du prénom de l'auteur des premiers James Bond (Terence Young) et du patronyme de celui de Peter Ibbetson et des Trois lanciers du bengale. Grieco, né en 1917, a œuvré pour de nombreuses catégories du cinéma populaire, du film d'aventures historiques (La Revanche du prince noir, Le Chevalier de la violence) au polar violent (Ultime violence) en passant par le péplum (La reine de Barbares, L'Esclave de Rome, Jules César contre les pirates) et surtout le film d'espionnage (huit titres entre 1965 et 1968).

FBI contre Lotus Bleu constitue sa première incursion dans le genre. Le film met en scène l'agent Dick Malloy, alias 077, chargé d'empêcher Russes et Chinois de mettre la main sur une ogive nucléaire miniature cachée dans une valise. C'est l'acteur américain Ken Clark qui incarne le héros élégant (il est habillé par Battistoni) et athlétique. Après avoir participé à des films notables (La Dernière caravane de Delmer Daves, Le Temps de la colère de Richard Fleischer), des apparitions dans des séries télévisées et des séries B, voire Z (Attack of the Giant Leeches), Clark se retrouve en Italie où on lui offre de nombreux rôles, essentiellement dans des productions d'espionnage, même s'il sera aussi, furtivement, un héros de western (Arizona Bill de Mario Bava). Il incarnera notamment Coplan, le personnage principal des romans de Paul Kenny dans Coplan, agent secret FX 18 de Maurice Cloche en 1963. FBI contre Lotus Bleu sera un énorme succès commercial. Il est considéré comme une des plus belles réussites de l'eurospy. De nombreuses scènes sont tournées à Paris, l'humour est omniprésent et les starlettes (Helga Liné, Mitsouko, Erica Blanc) parfaites. Notons que le chanteur Nino Ferrer apparaît lors d'une scène de boîte de nuit. La United Artists intenta un procès pour plagiat à la production en raison du matricule de l'agent secret 077, procès qu'elle perdit. 077 n'est pas 007. Il y aura deux autres aventures de Dick Malloy, Fureur sur le Bosphore et Mission spéciale Lady Chaplin, toujours réalisées par Sergio Grieco.

Deux ans plus tard, en 1967, celui-ci signera une autre réussite du genre. Produit par Edmond Amati et coproduit par Jacques Roitfeld, tout comme le précédent titre, Coup de force à Berlin remet en piste Ken Clark, devenu une star de l'eurospy, non plus dans le rôle de l'agent 077 mais dans celui d'un journaliste du Herald Tribune confronté à une conjuration et une série de crimes politiques commis entre Paris et Berlin. L'actrice française Irina Demick (Le Jour le plus long, Un monsieur de compagnie, Ces merveilleux fous volants dans leur drôles de machines, La Métamorphose des cloportes, Le Clan des Siciliens) constitue ici l'intérêt féminin. On l'avait déjà vue, en 1963, dans un titre relevant du genre : OSS 117 se déchaîne ! signé André Hunebelle. Coup de force à Berlin louche davantage, toutes proportions gardées bien sûr, vers La Mort aux trousses d'Alfred Hitchcock ou Charade de Stanley Donen que vers la série des James bond. Les situations de dédoublement sont nombreuses et inattendues, conférant au film une certaine dimension abstraite et maniériste. La mode des films d'espionnage « à la James Bond » touchait à sa fin et le film de Grieco sera un des derniers titres marquants du genre. Au moment de sa sortie en France, le critique de la Saison cinématographique en avait écrit ceci : « Film d'espionnage correctement construit, aux situations emmêlées à souhait, au suspense inviolable [...], il porte les stigmates d'une recherche intéressante dans les voies du baroque, de l'étrange, du fantastique. »

Jean-François Rauger

Cinéma bis

Le vendredi soir, c'est bis ! Des doubles programmes consacrés à des genres supposément mineurs : péplum, horreur, western italien, film d'arts martiaux, giallo, SF bon marché, délires érotiques, et mille autres formes cinématographiques subversives et insolentes, naïves et sophistiquées à la fois. Ou une poésie des extrêmes.

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