50 fois Depardieu
La filmographie de Gérard Depardieu est abondante et boulimique. Déjà plus de deux cents films à son actif. Et la vie continue. Nous faisons le choix de programmer 50 films, qui jalonnent le parcours de cet immense acteur qui a su renouveler son énergie en se mettant au service du cinéma – j’ose dire, des cinémas. Celui des auteurs comme celui du public. Les films de genre alternent avec un nombre incroyable d’œuvres singulières, dessinant une trajectoire unique. Celle de la galaxie Depardieu.
Beaucoup lui reprochent aujourd’hui de ne plus être le Depardieu d’hier. Qu’il aurait renoncé à tout, et d’abord à son art de faire l’acteur. Mais, dans toute l’histoire du cinéma français, quel acteur aura duré autant, en se maintenant au sommet ? Cela fait près de cinq décennies que G. D. occupe le terrain, disparaissant puis réapparaissant là où on ne l’attend plus. Ces derniers temps, il défraie la chronique par ses prises de positions souvent extravagantes, ses choix de vie et ses amitiés scandaleuses (Poutine, etc.). Signe que l’ennui le guette, que l’espace du cinéma français se rétrécit, ce qui l’oblige à avoir recours à des palpitations nouvelles, étrangères au cinéma. Mais l’acteur est toujours présent et permet à des films souvent audacieux de se faire et d’exister (le dernier en date : Valley of Love de Guillaume Nicloux). Ce n’est peut-être plus, comme avant, le goût du risque qui l’anime, mais l’instinct animal de l’homme solitaire à la recherche de nouvelles aventures est toujours présent et le meut comme acteur. Pour lui la routine équivaut à un arrêt de mort.
L’énigme Depardieu
Que la Cinémathèque lui rende hommage à travers cette programmation, « 50 fois Depardieu », n’est que justice. Car il est l’acteur incontournable du cinéma français, génial passeur, d’une rive à une autre. Tantôt côté « auteurs », tantôt côté « commerce ». Depuis quand ? Depuis son apparition magique dans Nathalie Granger de Marguerite Duras. C’était en 1972, un homme, représentant de commerce, frappe à la porte d’une maison de campagne occupée par deux femmes, Lucia Bosè et Jeanne Moreau. Elles ouvrent, lui se tient là, muet, insolite, présence physique inoubliable. On a ressenti, à l’écran, comme un « je suis là, je viens d’un autre monde que le vôtre, mais il vous faut désormais compter avec ma présence. » Drôle d’effet. Là commence l’énigme Depardieu, et le charme : sous l’apparente force ou puissance se dissimulent la fragilité et la grâce.
Gérard Depardieu – il a fallu se familiariser avec cette figure étrange, avant de l’appeler de son seul nom – avait auparavant joué dans quelques films : un court métrage de Roger Leenhardt (Le Beatnik et le minet), un film d’Agnès Varda (Nausicaa), des téléfilms (déjà), sans compter plusieurs apparitions dans des films assez anodins. Sans oublier le théâtre de Claude Régy et les pièces de Peter Handke. À partir de Nathalie Granger, les choses s’enchaînent à grande vitesse. Les Valseuses de Bertrand Blier est une étape cruciale, qui fixe de manière définitive dans notre imaginaire l’image du loubard à l’écran. Loubard poète, mais loubard quand même. On connaît la suite : Sautet (Vincent, François Paul et les autres), Rouffio (Sept morts sur ordonnance, où il est absolument génial en chirurgien provincial fougueux se heurtant violemment au potentat médical incarné par Charles Vanel), Ferreri (La Dernière femme, puis Rêve de singe). Blier encore et Blier toujours (Tenue de soirée, etc.), Pialat (Loulou, en 1980, suivi de Police, Sous le Soleil de Satan et Le Garçu), Truffaut (Le Dernier métro, puis La Femme d’à côté), Corneau, Miller, Rappeneau (Cyrano de Bergerac), Téchiné, Veber, et tant d’autres. Depardieu parcourt tout l’échiquier du cinéma en France. Il ne bouche pas les trous mais les remplit.
Depardieu et Pialat
La rencontre avec Pialat, essentielle, commence par un ratage. Pialat voulait déjà Depardieu dans La Gueule ouverte, mais l’acteur n’est pas libre et joue dans Les Valseuses. La rencontre est retardée de quelques années, jusqu’à Loulou tourné en 1979. Le tournage n’est guère idyllique : « Dans Loulou, il avait son histoire avec Arlette Langmann, qui était sur le tournage et qui avait écrit le film avec lui, et moi qui étais antipathique à souhait, un jeune acteur un peu con ! Mais il faut que jeunesse se passe… Le tournage n’en finissait plus, et moi j’avais le sang qui bouillonnait ! » La relation se bonifie avec Police, et surtout avec Sous le Soleil de Satan. Je me souviens être passé sur le tournage, non loin de Boulogne-sur-Mer. Pialat commençait à tourner lorsque la feuille de travail était épuisée, en fin de journée. Le reste du temps, Depardieu et lui parlaient, riaient, s’amusaient, développant un art de différer le moment de tournage. Ils attendaient la bonne heure qui ne correspondait évidemment jamais avec l’heure prévue. Tard, dans un sursaut d’énergie, l’équipe se mettait en place et la scène prévue se tournait vite, comme arrachée à la morne vie. Pialat avait le don de laisser entrer la vie, mais aussi les crises, les temps morts, sur son plateau. Il avait horreur que les choses se déroulent normalement, dans la routine d’un plan de travail trop prévisible. Lors de la très belle scène au cours de laquelle Menou-Segrais (interprété par Pialat) dit à l’abbé Donissan (Depardieu), au moment où celui-ci s’apprête à partir pour rejoindre la nouvelle paroisse où il est affecté : « Comme je me sens vieux, comme je me sens peu fait pour l’être. Jamais je ne veux savoir être vieux. » Pialat était tendu. Juste avant la prise, Depardieu s’amusait encore, comme à son habitude avant le début des prises. Le cheval attaché à la carriole devant emporter Donissan se met à crotter. La prise faite, l’acteur se crut obligé de dire à son metteur en scène : « Il a chié. – Quoi ? – Le cheval, il a chié. » Manière de faire baisser la tension. Derrière l’anecdote, le plus important était que Depardieu mettait en scène Pialat acteur, tout comme l’inverse.
Un nouvel acteur c’est toujours un corps nouveau qui s’impose. Une présence, une voix (celle de Depardieu est profondément musicale), un silence, un questionnement adressé au spectateur. Depardieu a subtilement joué de ses silences, comme de ses rugissements. Marco Ferreri a génialement saisi l’être-animal, l’homme d’avant le langage. L’homo-infra, composante intime et biographique de l’acteur né en 1948 à Châteauroux. Depuis, l’être animal s’est « éduqué », a vécu et traversé toutes les expériences possibles du cinéma, en France et dans le monde. L’enveloppe s’est épaissie, à tous les sens du terme, mais il y a toujours cette même légèreté, cette douceur « irruptive » qui caractérise Gérard Depardieu acteur. Cette capacité d’être vrai et de se mettre à nu.
Serge Toubiana
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 6 janvier au 27 février 2016
Les films
- 1900 Bernardo Bertolucci / Italie-France-République fédérale d'Allemagne / 1974 Ve 15 jan 19h30 Sa 16 jan 17h00
- Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre Alain Chabat / France / 2001 6 Me 27 jan 16h30
- Barocco André Téchiné / France / 1976 Sa 16 jan 14h30
- Bellamy Claude Chabrol / France / 2008 Sa 9 jan 21h30
- Bon voyage Jean-Paul Rappeneau / France / 2002 Me 10 fév 20h00
- Buffet froid Bertrand Blier / France / 1979 Me 20 jan 19h30
- Camille Claudel Bruno Nuytten / France / 1987 Di 10 jan 19h30
- Camion (Le) Marguerite Duras / France / 1977 Me 13 jan 19h30
- Chèvre (La) Francis Veber / France / 1981 Sa 27 fév 15h00
- Chiens (Les) Alain Jessua / France / 1978 Ve 8 jan 19h00
- Choix des armes (Le) Alain Corneau / France / 1981 Sa 23 jan 21h15
- Colonel Chabert (Le) Yves Angelo / France / 1993 Di 17 jan 20h00
- Compères (Les) Francis Veber / France / 1983 Lu 15 fév 14h30
- Cyrano de Bergerac Jean-Paul Rappeneau / France / 1989 Di 10 jan 16h45
- Danton Andrzej Wajda / France, Pologne / 1982 Di 17 jan 14h15
- Dernier métro (Le) François Truffaut / France / 1980 Je 7 jan 21h15
- Dernière femme (La) Marco Ferreri / Italie-France / 1975 Sa 30 jan 14h30
- Dites-lui que je l'aime Claude Miller / France / 1977 Je 28 jan 16h30
- Drôle d'endroit pour une rencontre François Dupeyron / France / 1988 Di 31 jan 21h30
- Femme d'à côté (La) François Truffaut / France / 1981 Di 10 jan 14h30
- Fort Saganne Alain Corneau / France / 1983 Di 24 jan 19h30
- Fugitifs (Les) Francis Veber / France / 1986 Lu 1 fév 14h30
- Garçu (Le) Maurice Pialat / France / 1994 Me 20 jan 21h30
- Hélas pour moi Jean-Luc Godard / France-Suisse / 1992 Me 24 fév 14h30
- Homme qui rit (L') Jean-Pierre Améris / France-République Tchèque / 2012 Me 10 fév 14h30
- I Want to Go Home Alain Resnais / France / 1988 Ve 29 jan 14h30
- Loulou Maurice Pialat / France / 1979 Ve 8 jan 21h15 Me 20 jan 17h00
- Lune dans le caniveau (La) Jean-Jacques Beineix / France-Italie / 1982 Ve 12 fév 14h30
- Maîtresse Barbet Schroeder / France / 1975 Sa 9 jan 19h00
- Mammuth Benoît Delépine et Gustave Kervern / France / 2009 Sa 13 fév 20h00
- Mon oncle d'Amérique Alain Resnais / France / 1979 Je 21 jan 21h00
- Mon père, ce héros Gérard Lauzier / France / 1991 Me 17 fév 17h00
- Nathalie Granger Marguerite Duras / France / 1972 Je 21 jan 19h00
- Pas si méchant que ça Claude Goretta / Suisse-France / 1974 Sa 23 jan 19h00
- Police Maurice Pialat / France / 1984 Ve 26 fév 17h00
- Potiche François Ozon / France, Belgique / 2009 Ve 19 fév 14h30
- Préparez vos mouchoirs Bertrand Blier / France-Belgique / 1977 Je 11 fév 14h30
- Quand j'étais chanteur Xavier Giannoli / France / 2005 Lu 1 fév 16h30
- Rêve de singe Marco Ferreri / Italie-France / 1977 Me 6 jan 20h00
- Sept morts sur ordonnance Jacques Rouffio / France-Espagne-République fédérale d'Allemagne / 1975 Di 14 fév 20h00
- Sous le soleil de Satan Maurice Pialat / France / 1986 Je 14 jan 21h00
- Temps qui changent (Les) André Téchiné / France / 2004 Je 7 jan 19h00
- Tenue de soirée Bertrand Blier / France / 1986 Je 14 jan 19h00
- Tous les matins du monde Alain Corneau / France / 1991 Me 17 fév 14h30
- Trop belle pour toi Bertrand Blier / France / 1988 Je 18 fév 14h30
- Valley of Love Guillaume Nicloux / France / 2014 Sa 16 jan 19h30
- Valseuses (Les) Bertrand Blier / France / 1973 Sa 9 jan 14h30
- Vincent, François, Paul et les autres Claude Sautet / France-Italie / 1974 Sa 16 jan 20h15
Gérard Depardieu réalisateur
- Tartuffe (Le) Gérard Depardieu / France / 1984 Di 24 jan 16h45
- Un pont entre deux rives Gérard Depardieu, Frédéric Auburtin / France / 1998 Di 31 jan 19h30

- Rêve de singe Marco Ferreri
- Les Temps qui changent André Téchiné

- Le Dernier métro François Truffaut

- Le Camion Marguerite Duras

- Tenue de soirée Bertrand Blier
- Sous le soleil de Satan Maurice Pialat

- 1900 Bernardo Bertolucci
- Loulou Maurice Pialat

- Buffet froid Bertrand Blier
- Le Garçu Maurice Pialat

- Nathalie Granger Marguerite Duras
- Mon oncle d'Amérique Alain Resnais

- Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre Alain Chabat 6

- Dites-lui que je l'aime Claude Miller

- I Want to Go Home Alain Resnais

- La Dernière femme Marco Ferreri

- Préparez vos mouchoirs Bertrand Blier

- La Lune dans le caniveau Jean-Jacques Beineix

- Mammuth Benoît Delépine et Gustave Kervern

- Sept morts sur ordonnance Jacques Rouffio

- Les Compères Francis Veber

- Tous les matins du monde Alain Corneau
- Mon père, ce héros Gérard Lauzier

- Trop belle pour toi Bertrand Blier

- Potiche François Ozon

- Hélas pour moi Jean-Luc Godard

- Police Maurice Pialat

- La Chèvre Francis Veber
Autour de l'événement

Depardieu, une carrière immense
Filmographie, collaborations, box-offices, adaptations littéraires... et un astéroïde. A l’occasion de la rétrospective 50 fois Depardieu, retour sur une carrière immense en une infographie, quelques anecdotes et une montagne de chiffres.
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Les Acacias, Ad Vitam, ARP Sélection, Artedis, Cinémathèque de Grenoble, Diaphana Distribution, Europacorp Distribution, Gaumont, Le Pacte, Le Petit Bureau, Les Films d'Ici, Les Films du Losange, Mars Distribution, Park Circus Limited, Pathé Distribution, Tamasa Distribution.
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