Deux décennies d'érotisme cinématographique
Le 2 juin 2023
Rendez-vous avec deux films qui incarnent exemplairement, chacun, un rapport singulier à l'érotisme. Le premier fait partie d'une vague qui allait, irrésistiblement, parvenir à un horizon désiré, celui de la représentation du sexe non simulé. Le second, en revanche, est typique d'un érotisme « post-pornographique », soit comment, en effet, se distinguer d'une production de flux, et massive, dont la seule raison d'être semble une forme d'hyperréalisme dans la représentation de l'amour physique ? Par davantage de raffinement et de candeur « chic ».
Derek Ford est un des noms les plus illustres de la sexploitation britannique, genre qui allait éclore à la toute fin des années 1960, porté par l'exigence d'un surcroît de liberté dans la représentation du sexe au cinéma. Il est l'auteur d'une série de comédies et d'études de mœurs autour de la vie amoureuse des petits bourgeois anglais. Maris en quête de sensations participe de ce mouvement. Réalisé en 1972, le film place, en une série de sketches humoristiques, la guerre des sexes au centre de ses préoccupations, et tout particulièrement les tentations auxquelles sont soumis les hommes mariés. Le film est sorti en France deux ans après sa réalisation, en plein triomphe du cinéma porno « hard ». Certaines copies circulèrent agrémentées de séquences supplémentaires sexuellement explicites.
Dix ans plus tard, le cinéaste britannique Robert Fuest, qui s'était fait remarquer par L'Abominable Docteur Phibes et La Pluie du diable, signait Aphrodite, vague adaptation d'un roman de Pierre Louÿs. Le film met en évidence la beauté de Valérie Kaprisky (qui se rendra célèbre plus tard dans des films comme L'Année des méduses de Christopher Frank ou La Femme publique d'Andreï Zulawski). Situé en 1914, sur une île grecque, Aphrodite décrit les efforts d'un riche marchand d'armes (Horst Buchholz) pour recréer une fête en l'honneur de la déesse de l'amour que personnifie une jeune et belle orpheline. À ce prétexte à un déploiement de sensualité élégante s'ajoutent les péripéties d'un thriller d'espionnage. Qualifiant le film de « monument de pornographie malsaine », une revue d'extrême-droite écrivit au moment de sa sortie en juillet 1982 « Si vous tenez 96 minutes, vous assisterez au triomphe, sournois mais irrémédiable, du Mal. » Alors...
Jean-François Rauger