Dutch Sex Wave : cinéma néerlandais et révolution sexuelle

Du 6 au 27 juin 2018

La « Dutch Sex Wave » des années 1970

Au début des années 1960, la première génération de cinéastes formée à la nouvelle Académie du cinéma d'Amsterdam – fondée en 1958 – veut bouleverser le paysage cinématographique néerlandais, tout comme l'ont fait les représentants de la Nouvelle Vague en France, dont cette génération se sent très proche. À travers la revue de cinéma Skoop et leurs premiers films, ces cinéastes prônent le renouveau des techniques et de la narration, tout en se démarquant de la génération précédente et de son « cinéma de papa ». On peut voir ainsi des films tels que Joszef Katus Provo (1966) de Wim Verstappen, où les influences de la Nouvelle Vague sont clairement visibles tout en montrant les changements profonds que traversent les Pays-Bas.

Car l'avènement de cette génération coïncide avec un bouleversement des mœurs du pays. En quelques années seulement, la capitale Amsterdam notamment se transforme en un lieu où tout est permis, en particulier dans le domaine de la sexualité. Et le jeune cinéma néerlandais devient le porte-parole par excellence de cette nouvelle mentalité. Cette vague fera connaître dans le monde entier des noms comme Paul Verhoeven, Rutger Hauer et Sylvia Kristel, et attirera aux Pays-Bas des acteurs étrangers comme Eddie Constantine ou Michael York.

Mais avant que cette « sex wave » ne déferle sur le pays, les cinéastes néerlandais doivent d'abord subir l'échec de leurs premières œuvres. Le public boude ces films artistiques et c'est donc presque par nécessité que les cinéastes du pays décident de passer à un registre plus commercial, ne serait-ce que pour pouvoir continuer à travailler. Les porte-drapeaux de ce mouvement sont « Pim & Wim » (Pim de la Parra et Wim Verstappen). En 1965, ils s'associent dans la société de production Scorpio ; le but affiché est de garantir un flux constant de productions dans un pays où le nombre de films de fiction est, jusqu'alors, très limité. En 1971, leurs efforts sont couronnés par Blue Movie, un film où les scènes sexuelles sont très explicites mais qui sort néanmoins dans le circuit non pornographique, après une longue bataille contre la censure. Le film attire 2,3 millions de spectateurs. La Dutch Sex Wave est désormais lancée. La même année, Paul Verhoeven réalise son premier long métrage, la comédie sexuelle Wat zien ik (titre international : Business Is Business, 1971), suivi par son mythique Turkish délices (1973). Même Fons Rademakers, représentant de « l'ancienne génération » de réalisateurs néerlandais, réalise plusieurs films à connotation sexuelle, comme Mira (1971) et Because of the Cats (1973). Parallèlement à la production de longs métrages essentiellement commerciaux, la sexualité apparaît également au premier plan dans le cinéma expérimental, notamment dans les courts métrages de Frans Zwartjes. Ce dernier travaille parfois avec des stars du cinéma commercial comme Willeke van Ammelrooy, mais les intentions de Zwartjes sont très différentes de celles de Pim & Wim.

Vers 1975, le mouvement s'essouffle. Pim & Wim se brouillent et leur société de production fait finalement faillite en 1978. La sexualité continue à jouer un rôle prépondérant dans le cinéma néerlandais mais n'est plus qu'un thème obligé. Les inserts de scènes de sexe dans les films donnent l'impression de coups commerciaux (« money shots ») et le public s'en lasse. Le bilan de ces années reste pourtant extrêmement positif. Pour la première fois depuis les années 1930, le cinéma néerlandais a su attirer un large public à travers une production quantitativement plus importante qu'avant et la valeur émancipatrice de la Dutch Sex Wave ne peut être sous-estimée. Plusieurs talents importants, comme Verhoeven, Jan de Bont et même Robbie Müller, ont commencé leur carrière dans ce contexte.

Harry Bos, programmateur

Partenaires et remerciements

Harry Bos, Eye Film Institute Netherlands, Marleen Labijt, Rommy Alberts, Andre Naus, Marten Rabarts, Han Grooten-Feld, Rob Houwer.

En partenariat avec

Oh Pays bas Eye Filmmuseum