À neuf le cinéma : hommage à « Cinéma 9 »

Pôle de réflexion et de création, Cinéma 9 appartient à une constellation passionnante dans le paysage du cinéma français, l'un de ces rares carrefours où se rencontrèrent et fusionnèrent cinéma d'auteur et cinéma expérimental, grâce auquel une série d'expérimentations narratives et figuratives radicales a pu voir le jour.
À l'origine, se trouve une revue, Cinéma 9 (1969-1971, 17 numéros) ; puis une maison de production, Cinéma 9 (1971-1978) ; ensuite une autre revue, Ça/cinéma (1973– 1980, 19 numéros) ; et parallèlement, une collection homonyme d'ouvrages aux éditions Albatros. Des revues aux films, des films aux livres, les mêmes noms reviennent : Joël Farges, Marguerite Duras, Pascal Kané, Raymonde Carasco-Hébraud, Vincent Nordon, Raoul Ruiz...
La cheville ouvrière de cette constellation, François Barat, raconte : « Après les étranges États généraux du cinéma de mai 68, nous avons pensé que le cinéma ne serait plus tout a fait comme avant. C'est dans cette espérance que notre petit groupe, réuni autour de la revue très indépendante de cinéma, Cinéma 9, a tenté de créer des films de cinéastes au style original et aux modes de productions sensiblement différents. Peu à peu, à Cinéma 9, s'est constituée une géographie cinématographique, un territoire de création globale organisé autour de la fabrication de films : une revue, Ça/cinéma, accompagnée d'une édition de livres sur l'édition de scénarios et de jeunes critiques et de cinéastes avant-gardistes, tout en entraînant dans notre sillage des revues comme L'Avant-scène de Jean- Loup Rivière ou Sorcières, venues du Mouvement de libération des femmes. De ces cinéastes, Cinéma 9 a produit pratiquement leur premier film. À la disparition économique de Cinéma 9, tous ces réalisateurs, que ce soit Pascal Kané, Danielle Jaeggi, Raymonde Carasco-Hébraud, Alain Fleischer, Joël Farges, Vincent Nordon et moi-même (après une descente aux enfers me concernant), tous ont pu réaliser de nombreux films dans des formes différentes. Pour ma part, je me suis reconstruit auprès des jeunes cinéastes de L'IDHEC, puis du G.R.E.C., poursuivant ainsi l'espérance nouvelle qui m'a conduit comme mes camarades à écrire des livres, faire des films singuliers, tenter des expériences à travers la création de structures nouvelles culturelles au service du cinéma de recherches et d'essais, structures toujours en plein essor. Ah, j'oubliais une expérience fondamentale qui inaugure aussi une lumineuse légende cinématographique, la production de deux films de Duras : Son nom de Venise dans Calcutta désert et Le Camion, en sélection officielle au Festival de Cannes 1977. » (François Barat, 4-9 décembre 2019)

Nicole Brenez