Cinéma d'exploitation grec

Le cinéma grec connut un essor (on parle là-bas d'un « Âge d'or ») aussi bref que spectaculaire : de 1957 à 1966, le nombre de billets vendus a plus que doublé pour culminer à 130 millions tandis que la production locale passait de 28 à 143 films par an... Des chiffres vertigineux, si on les rapporte à une population de 8 millions d'habitants. Les films étrangers n'étant pas doublés, il fallait alimenter les 830 salles et 1570 cinémas d'été (en 1965) en films grecs pour toute la population qui comptait encore, exode rural massif oblige, un fort taux d'illettrés. En marge des comédies, mélos et autres drames sociaux, apparut la mode des films noirs urbains teintés de violence et de sexe – avec voyous, gigolos et arrivistes, cabarets louches, saintes-nitouches à pervertir et femmes de petite vertu...

C'est dans ce contexte, et profitant certainement de l'ouverture du pays aux productions étrangères, que débarque Willy Rozier, lequel prend soin de transposer l'action des Chiens dans la nuit de la Turquie des années 1910 vers la Grèce contemporaine. Exit le fatras et l'exotisme orientalisant... excepté les fouets et les cravaches, manifestement une des obsessions de Rozier ! Invisible depuis sa sortie en 1964, Les Chiens dans la nuit mêle habilement une distribution franco-grecque (brève mais spectaculaire scène de flagellation avec la bombe sexuelle Zeta Apostolou) pour se complaire avec un joyeux cynisme dans le marigot sordide d'une faune d'aventuriers combinards, tordus et malsains. Si le coup d'État de 1967 tua dans l'œuf une prometteuse Nouvelle Vague, la junte des colonels ne put endiguer si vite la production de films populaires, qui connut son pic en 1969-70 pour quasi disparaître en 1974. Omiros Efstratiadis fit ses gammes dans ces années-là avec un mondo, des mélodrames, un film de guerre, etc., avant de se spécialiser dans l'érotisme en 1970 puis la pornographie (dès 1972 !) pour une série de films fort bien produits, dotés des vedettes du moment et à l'inspiration variée, qui s'exportèrent dans le monde entier dans des montages plus ou moins corsés. Situé dans les bas-fonds du Pirée, Diamants sur ta chair nue combine sur des rythmes funky le film noir délétère avec une action aussi débridée que la sexualité est décomplexée et intéressée. De cette débauche instable émerge la sensualité insolente et opiniâtre d'Eleni Anousaki, prête à tout pour quitter sa vie minable à la réception d'un hôtel borgne...

Jacques Spohr

Cinéma bis

Le vendredi soir, c'est bis ! Des doubles programmes consacrés à des genres supposément mineurs : péplum, horreur, western italien, film d'arts martiaux, giallo, SF bon marché, délires érotiques, et mille autres formes cinématographiques subversives et insolentes, naïves et sophistiquées à la fois. Ou une poésie des extrêmes.

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