Parcours rêvé dans la nuit des films éclairés par Bruno Nuytten, des Valseuses de Bertrand Blier à Manon des Sources de Claude Berri en passant par Marguerite Duras, André Téchiné, Andrzej Zulawski et tant d'autres.
Les séances seront présentées par Bruno Nuytten.
Bruno, la nuit
C'est l'histoire d'un homme fasciné par la nuit et qui explore le ballet des lumières et des ombres à travers sa vie de cinéma. La nuit fait d'ailleurs partie de son nom, phonétiquement du moins, Nuytten, de son prénom Bruno.
Fin des années 60, ce sont les années-formation à l'INSAS, l'école belge, et la rencontre importante avec Ghislain Cloquet, le directeur de la photo (Tess, Peau d'Âne, Mouchette, etc.) dont il devient assistant, notamment sur Nathalie Granger de Marguerite Duras (1972). Le film marque l'origine de la trajectoire de Bruno Nuytten, signant sa rencontre avec Gérard Depardieu et Marguerite Duras, fixant aussi sans doute son envie définitive d'être directeur de la photographie.
Très vite, Bruno Nuytten commence à faire l'image de quelques courts métrages de jeunes cinéastes débutants (Luc Béraud, Patrice Leconte, Pascal Kané), puis le deuxième long métrage expérimental d'Yvan Lagrange, Tristan et Iseult (1972). En 1974, le vent souffle dans les rues de la banlieue où déambulent Jean-Claude et Pierrot. La caméra est arrimée sur le capot de leur DS turquoise. Et Marie-Ange, dans son manteau rose, leur apparaît dans la nuit : Les Valseuses de Bertrand Blier (1974) est le film qui propulse véritablement Bruno Nuytten dans le monde du cinéma. Il le doit à Gérard Zingg, cinéaste avec lequel il tournera le très singulier La nuit, tous les chats sont gris (1977), et qui, à l'époque assistant, le présente à Blier. La filmographie de Nuytten est faite d'éclats permanents qui dialoguent en secret. Ces plans de Gérard Depardieu marchant seul sur une plage française de La Femme du Gange, « le film monochrome en couleurs » de Marguerite Duras par exemple, réalisé plusieurs mois auparavant, font mystérieusement écho à quelques scènes des Valseuses. Pourtant rien ne lie Blier et Duras, si ce n'est cette vibration infime qui relie et reliera plusieurs fois l'opérateur Nuytten à l'acteur Depardieu.
Duras et Téchiné, compagnonnages
Il existe plusieurs phases dans la vie de cinéma de Bruno Nuytten. Le travail avec Marguerite Duras en constitue une. Elle s'affirme avec India Song en 1975. Dans le crépuscule d'un parc, les scènes dans les salons d'une ambassade où évoluent des fantômes de chair éclairés par des lustres et quelques lampes de chevet se succèdent à l'écran. Ce qu'apportera la sensibilité de Nuytten au cinéma de Duras est au-delà des paroles. Elle orchestre la rencontre entre le mot durassien, le cadre et la lumière, lui donne une chair presque érotique, une envergure cinématographique unique entre plans fixes et travellings lancinants.
Entre 1975 et 1981, Bruno Nuytten poursuit aussi un compagnonnage singulier avec André Téchiné. Tout commence avec son deuxième long métrage, Souvenirs d'en France (1975) avec Jeanne Moreau et Marie-France Pisier. Mais c'est Barocco (1976) qui symbolise le mieux la quintessence de leur collaboration. Nuytten, à l'époque, pour la revue Cinématographe : « André aime la lumière et désirait que tout se constitue à partir de la nuit, de l'obscurité, nous entraînant ainsi à explorer un cauchemar quotidien. La lumière, la mise en formes nous en sauvait comme un réveil. » Le film marque aussi par ses nombreuses arabesques formelles, engageant les acteurs dans une mobilité presque continue. Malheureusement non restauré et pratiquement invisible aujourd'hui, Barocco marque aussi la constitution d'un couple cinématographique, Gérard Depardieu / Isabelle Adjani, que Bruno Nuytten recréera dans son premier long métrage comme réalisateur, Camille Claudel (1988). Le chef opérateur assurera ensuite le passage de témoin entre deux époques de l'œuvre du cinéaste, comme s'il passait de la nuit automnale (Les Sœurs Brontë) à un été lyrique et mélancolique (Hôtel des Amériques).
Nuits de cinéma
Parmi les expériences cinématographiques que Bruno Nuytten a traversées figurent toujours des nuits de cinéma. De la nuit fantasmée, déréalisée, à dominante bleue qui ferait faire à n'importe quel spectateur l'expérience du somnambulisme (Zoo zéro, Alain Fleischer, 1978), à la nuit naturaliste des stations-service encore en activité et des solitudes alcoolisées au rhum (Tchao pantin, Claude Berri, 1983) en passant par la nuit fabriquée en studio, éclairée aux néons (Garde à vue, Claude Miller, 1981). C'est dans la nuit noire aussi que Carol (Maruschka Detmers), cachée dans sa voiture aux côtés de « l'enfant », attend Alma (Jane Birkin), qu'elle retrouve au début de La Pirate (Jacques Doillon, 1984). Comme si tout partait de l'obscurité, en attendant que la lumière jaillisse. Carol attend qu'Alma lui ouvre et son corps entier se détache sur la porte d'entrée éclairée de l'intérieur. Dans Les Sœurs Brontë, Emily est filmée elle aussi dans le vent de la nuit, mais de face, devant une fenêtre allumée. Le feu la dévore peut-être de l'intérieur, au cœur de l'obscurité. De la nuit naît aussi le cauchemar : Possession (Andrzej Zulawski, 1981), par sa caméra en apesanteur, ses ruptures de style, la dominante bleue de son étalonnage, son mélange de réalisme et de fantastique, incarne le film hallucinatoire dévoré par le rêve, hanté par le visage d'Isabelle Adjani filmé avec le passé de Barocco et des Sœurs Brontë, et le futur de Camille Claudel. Au-delà des réalisateurs pour lesquels ils travaillent, les directeurs de la photographie, et Bruno Nuytten en est l'un des plus vifs représentants, créent des rêves secrets à travers les images qu'ils composent d'un film à l'autre, qui restent en mémoire parfois bien des années après, et composent une œuvre intime, parallèle, propre à chaque spectateur.
En 1986, après le diptyque de Claude Berri, Jean de Florette / Manon des sources, Bruno Nuytten décide d'arrêter d'éclairer les films des autres cinéastes. Ses premiers pas de réalisateur se font en deux temps, l'un pour Isabelle Adjani (Camille Claudel, 1988), l'autre pour lui-même (Albert souffre, 1992). Deux autres longs métrages suivront : Passionnément (2000), Jim, la nuit (2002), avant que Nuytten ne découvre qu'il n'a plus le désir de filmer, mais plus simplement celui de voir, à l'œil nu. Alors que Caroline Champetier lui consacre un film magnifique (Nuytten/Film, 2015), il produit en 2016 une installation vidéo au Fresnoy, avant une œuvre inédite présentée à la galerie Cinéma en 2018, Images retrouvées : « Une expérience, une œuvre inédite constituée de captures brutes, organiques où les jeux de lumières, de matières et de couleurs s'apparentent à un retour aux sensations primitives, à un état sauvage dans le rapport à l'image », pouvait-on lire alors dans le texte de présentation.
Bernard Payen
Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 20 mars au 3 avril 2019
Séance d'ouverture
- Mort de Janis Joplin (La) Pascal Kané / France / 1972 CM Me 20 mar 20h00
- Nathalie Granger Marguerite Duras / France / 1972 Me 20 mar 20h00
- Poule (La) Luc Béraud / France / 1970 CM Me 20 mar 20h00
- Quille, bon Dieu ! (La) Gérard Zingg / France / 1971 CM Me 20 mar 20h00
Directeur de la photographie
- Assassin musicien (L') Benoît Jacquot / France / 1974 Je 21 mar 21h45
- Brubaker Stuart Rosenberg / Etats-Unis / 1980 Di 24 mar 18h45
- Camion (Le) Marguerite Duras / France / 1977 Di 24 mar 17h00
- Détective Jean-Luc Godard / France / 1984 Me 27 mar 14h15
- Enfants (Les) Marguerite Duras / France / 1984 Di 31 mar 19h30
- Fort Saganne Alain Corneau / France / 1983 Sa 23 mar 20h30
- Garde à vue Claude Miller / France / 1981 Lu 25 mar 17h00
- Hôtel des Amériques André Téchiné / France / 1981 Lu 25 mar 19h00
- India Song Marguerite Duras / France / 1974 Je 21 mar 19h00
- Jean de Florette Claude Berri / France / 1985 Me 27 mar 19h00
- Manon des sources Claude Berri / France / 1985 Me 27 mar 21h30
- Meilleure façon de marcher (La) Claude Miller / France / 1975 Ve 22 mar 21h45
- Nuit tous les chats sont gris (La) Gérard Zingg / France / 1977 Di 31 mar 17h00
- Pirate (La) Jacques Doillon / France / 1984 Sa 23 mar 18h30
- Possession Andrzej Zulawski / France-République fédérale d'Allemagne / 1980 Lu 25 mar 21h15
- Sœurs Brontë (Les) André Téchiné / France / 1978 Di 24 mar 21h30
- Son nom de Venise dans Calcutta désert Marguerite Duras / France / 1976 Sa 23 mar 15h00
- Tchao pantin Claude Berri / France / 1983 Sa 30 mar 14h30
- Tortue sur le dos (La) Luc Béraud / France / 1977 Me 27 mar 16h45
- Valseuses (Les) Bertrand Blier / France / 1973 Ve 22 mar 19h00
- Zoo zéro Alain Fleischer / France / 1977 Je 28 mar 19h30
Réalisateur
- Albert souffre Bruno Nuytten / France / 1991 Di 31 mar 21h30
- Camille Claudel Bruno Nuytten / France / 1987 Sa 30 mar 19h00
- Jim, la nuit Bruno Nuytten / France / 2002 Me 3 avr 17h00
Autour de Bruno Nuytten
- Nuytten/Film Caroline Champetier / France / 2015 Me 3 avr 19h00
Rencontres et conférences

- Les Valseuses Bertrand Blier
- La Meilleure façon de marcher Claude Miller

- Garde à vue Claude Miller
- Hôtel des Amériques André Téchiné
- Possession Andrzej Zulawski
- Détective Jean-Luc Godard
- La Tortue sur le dos Luc Béraud

- Jean de Florette Claude Berri
- Manon des sources Claude Berri
Autour de l'événement

Exposition éphémère « Personnage paysage »
Galerie Cinema Anne-Dominique Toussaint
Du 05/04/19 au 06/04/19
En partenariat avec la Cinémathèque française
Anne-Dominique Toussaint présente « personnage paysage », une exposition éphémère du travail photographique de Bruno Nuytten à la Galerie Cinema, les vendredi 5 et samedi 6 avril 2019.
En 2016, suite à une proposition d'Alain Fleischer, Bruno Nuytten accompagne des jeunes artistes au Fresnoy et produit dans le même temps une installation vidéo faite de 1000 images, présentée sur 10 écrans numériques. Ces images, matérialisées par des tirages photographiques réalisés par l'artiste, ont fait l'objet d'une exposition personnelle « Images retrouvées » à la Galerie Cinema en 2018. La photographie de Bruno Nuytten est un art de l'instant. Des images abstraites, des portraits flous, comme évanescents, composent cette œuvre inédite. « Revenir aux premiers chocs rétiniens » dit l'artiste dont les images questionnent les représentations du réel. Lumières, matières, cadrages, couleurs... on retrouve la maîtrise technique du cinéaste avec une énergie nouvelle, de l'ordre de la déconstruction. Bruno Nuytten propose un regard différent, moderne et troublant.
Contact : Emeline Chetara / emeline@galeriecinema.com / 06 72 44 47 85
Galerie Cinema Anne-Dominique Toussaint, 26 rue Saint Claude 75003 Paris – 01 40 27 09 22
Partenaires et remerciements
REMERCIEMENTS : Forum des images, G.R.E.C, Gaumont, Le Fresnoy, Le Petit Bureau, Les Films d'ici, Pathé Distribution, Splendor Films, Tamasa Distribution, Gérard Zingg
En partenariat avec l'AFC et la Galerie Cinema Anne-Dominique Toussaint

