Antoine Duhamel : « Un compositeur de musique de film doit d’abord être un compositeur »
Méditerranée, Pierrot le fou, Week-end, Baisers volés, L’Enfant sauvage, L’Acrobate, La Mort en direct, Ridicule… Une large partie des films mis en musique par Antoine Duhamel a déjà accédé au statut de classique, confirmé ou en devenir. Il y développe une écriture immédiatement identifiable, au lyrisme tendu jusqu’à l’abstraction, une exigence de conception musicale qui scelle ses collaborations avec Pollet, Godard et Truffaut, passionnantes mais parfois tumultueuses. « Duhamel n’est pas un compositeur qui se plie au désir du cinéaste mais plutôt qui le rencontre », analyse joliment le metteur en scène Serge Le Péron. Si Eisenstein avait rencontré Duhamel dans les années trente, à une réunion du groupe Octobre ou une soirée chez Tristan Tzara, il lui aurait inévitablement confié un rôle dans l’une de ses fresques, entre Ivan le Terrible et Alexandre Nevski. Car certaines caractéristiques physiques empêchent Antoine Duhamel de passer inaperçu : sa hauteur, son grain de folie douce, son air de planer au-dessus des choses tout en les dominant. Un mélange insolite, dont il serait l’unique prototype : mi-Don Quichotte, mi-Tournesol, empereur de la distraction dont les digressions verbales rivalisent avec un redoutable esprit de synthèse dès qu’il s’agit de noircir du papier à musique. Jetez un œil sur une partition de Duhamel et vous serez frappé par la méticulosité, la précision calligraphique, l’absence de rature. Avec lui, la composition musicale bordure la composition picturale. Voilà qui rappelle le peintre qu’il a failli devenir… mais ne laisse pas entrevoir l’extravagant personnage qu’il est devenu dans la vie.
L’inventaire de ses singularités ne s’arrête pas là. Aujourd’hui, Antoine Duhamel est le seul compositeur du cinéma français à pouvoir aligner soixante longs métrages et neuf opéras. Jamais il n’a renoncé à une expression au profit d’une autre. Musique de concert, chanson, jazz, ballet, rien ne semble avoir échappé à la boulimie de sa plume. De séduisantes comédiennes l’ont interprété (Anna Karina, Jeanne Moreau, Vanessa Redgrave, Françoise Dorléac). Le poil en éveil, il a rencontré la musique au pluriel. D’où quelques profondes interrogations identitaires que le cinéma ne manque pas d’aviver : « Quel compositeur suis-je réellement ? Quand j’écris un twist ou un tango, où se situe la frontière entre l’accomplissement du devoir et la trahison de mes ambitions ? » Car la problématique de la musique contemporaine n’a jamais cessé de hanter Antoine.
Né en 1925, sa formation musicale est bouleversée par la découverte de l’École de Vienne, du dodécaphonisme, tout comme Pierre Boulez, également élève d’Olivier Messiaen et René Leibowitz. Allaités à la même culture, les deux condisciples du Conservatoire connaîtront deux trajectoires différentes (doux euphémisme pour ne pas dire opposées) : l’un restera accroché aux principes du dogme sériel, l’autre s’en éloignera pour éclater son activité et son écriture, tracer une médiane entre musique savante et musique populaire. Sans toutefois laisser au vestiaire un doute qui affleure ici ou là, au détour de la conversation. Je me souviens notamment, il y a quelques années, d’une rediffusion de Pierrot le fou sur Arte, gratifiée d’un beau succès d’audience. Le lendemain, réaction d’un Duhamel songeur : « C’est troublant : en une soirée, j’ai eu plus de public qu’en additionnant les spectateurs de mes neuf opéras… » D’où l’intérêt d’écrire pour l’image.
N’empêche : à jongler avec le jazz et la java, à s’aventurer dans tous les domaines de la musique, notre nomade symphoniste a certainement contribué à brouiller son image. Comment est-il perçu ? En raccourci, les gens de cinéma voient en lui un compositeur contemporain, à la frontière de l’austère, les esthètes de la musique contemporaine un mercenaire de la musique de film. Il est parfois difficile d’appartenir à une seule famille quand on voudrait toutes les revendiquer… Mais c’est peut-être ce qui fait la richesse d’Antoine Duhamel, son originalité sur l’échiquier de la musique d’aujourd’hui. Branchez-le sur Boulez, il vous parlera de Micheline Dax. Évoquez Tintin et les oranges bleues, il vous répondra sur Godard ou Pollet. Aucun sujet ne lui résiste : il sera aussi intarissable sur Bertrand Tavernier, Frank Zappa, Stravinski ou Dave. Tel est Antoine Duhamel : octogénaire aux sourires et caprices d’enfant, créateur fantasque en dehors de tout système ou establishment, auteur d’une œuvre captivante dont les contours restent encore à cerner. La Cinémathèque française rend hommage à un funambule de l’écriture qui, au contact du cinéma, s’en est allé explorer des terres vierges, le cœur libre et l’âme fière.
Stéphane Lerouge
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 14 au 25 février 2007
Les films
- Acrobate (L') Jean-Daniel Pollet / France / 1975 Sa 17 fév 21h15
- Affaire Marcorelle (L') Serge Le Péron / France / 1999 Di 25 fév 19h45
- Baisers volés François Truffaut / France / 1968 Sa 17 fév 19h30
- Belle époque Fernando Trueba / Espagne, France, Portugal / 1993 Me 21 fév 17h00
- Ceux d'en face Jean-Daniel Pollet / France / 2000 Di 25 fév 21h45
- Chanson de Roland (La) Frank Cassenti / France / 1977 Ve 23 fév 17h00
- Corps de Diane (Le) Jean-Louis Richard / France, Tchécoslovaquie / 1968 Di 18 fév 17h30
- Coupe à dix francs (La) Philippe Condroyer / France / 1975 Sa 17 fév 17h30
- Dieu sait quoi Jean-Daniel Pollet / France / 1992 Sa 24 fév 19h30
- Domicile conjugal François Truffaut / France-Italie / 1970 Di 18 fév 19h30
- Enfant sauvage (L') François Truffaut / France / 1969 8 Sa 24 fév 17h30
- Gala Jean-Daniel Pollet / France / 1961 CM Je 22 fév 21h30
- Jour après jour Jean-Paul Fargier / France / 2006 Ve 16 fév 20h00
- Méditerranéenne Lucien Clergue / France / 1969 CM Je 22 fév 21h30
- Mort en direct (La) Bertrand Tavernier / France, République fédérale d'Allemagne / 1979 Ve 23 fév 14h30
- Pierrot le fou Jean-Luc Godard / France-Italie / 1965 Je 15 fév 21h15
- Piste du télégraphe (La) Liliane de Kermadec / France / 1993 Di 25 fév 17h30
- Que la fête commence Bertrand Tavernier / France / 1974 Ve 16 fév 17h00
- Question (La) Laurent Heynemann / France / 1976 Me 21 fév 19h30
- Retour à la bien-aimée Jean-François Adam / France / 1978 Ve 23 fév 20h30
- Ridicule Patrice Leconte / France / 1995 Sa 24 fév 21h30
- Tintin et les oranges bleues Philippe Condroyer / France, Espagne / 1964 Di 18 fév 15h00
- Week-end Jean-Luc Godard / France, Italie / 1967 Di 18 fév 21h45
Rencontres et conférences
- Concert de musiques de films Par Antoine Duhamel

- Pierrot le fou Jean-Luc Godard
- Que la fête commence Bertrand Tavernier

- Jour après jour Jean-Paul Fargier
- Belle époque Fernando Trueba
- La Question Laurent Heynemann
- La Sirène du Mississipi François Truffaut
- La Mort en direct Bertrand Tavernier
- La Chanson de Roland Frank Cassenti

- Retour à la bien-aimée Jean-François Adam
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