Alain Sarde
Alain Sarde est sans aucun doute le producteur français le plus prolifique, mais également le plus discret ou le plus secret. Près de deux cents films à son actif en moins de quarante ans de carrière. Et son parcours est loin d’être achevé.
Né en 1952, Alain Sarde arrive dans le cinéma dès l’adolescence. Il y a grandi, il y a fait sa vie et de nombreuses rencontres qui, au fil des années, dessinent quelques alliances ou fidélités avec des cinéastes tels que Godard, Sautet, Polanski, Téchiné, Blier, Tavernier, Doillon, Nicole Garcia… Sarde le dit lui-même : « Je suis tombé amoureux du cinéma à l’âge de 13 ans. Mon oncle, qui s’appelait Zeitoun, vendait des vêtements sur les tournages, il m’a emmené avec lui sur le tournage de La Princesse de Clèves. J’ai découvert le cinéma à l’ancienne… » Il n’a que dix-sept ans lorsqu’il fait la connaissance de Claude Sautet, un homme dont il dit qu’il fut pour lui une sorte de « père spirituel autoritaire ». La rencontre se fait par l’intermédiaire de Philippe Sarde, le frère aîné, musicien attitré de Sautet depuis Les Choses de la vie (1970).
Des débuts avec Jean-Pierre Rassam et Marco Ferreri
A ses débuts, il a à peine vingt ans, Alain Sarde travaille aux côtés de Jean-Pierre Rassam dont il est le factotum ou l’homme à tout faire. C’est le début des années soixante-dix. Rassam est associé à Jean Yanne, le tandem produit coup sur coup Tout va bien de Godard-Gorin, La Grande bouffe de Marco Ferreri, Général Idi Amin Dada de Barbet Schroeder (1974), et les premiers films réalisés par Yanne : Tout le monde il est beau, tout le Monde il est gentil (1972), Moi y’en a vouloir des sous (1973), puis Les Chinois à Paris (1974). Sarde se souvient de sa rencontre avec Ferreri, lors du tournage de Liza, avec Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. Le film était produit par Robert Danon (Lira Films), et Philippe Sarde en composait la musique. « On mangeait toute la journée, avec mon frère Philippe et Marco. Un dimanche, nous étions attablés chez Prunier, il était déjà cinq heures de l’après-midi. Marco nous a dit : ce soir je vais vous faire des pâtes. Je me suis mis à chercher une épicerie ouverte le dimanche pour trouver du parmesan. On se retrouve le soir chez Marco et j’ai prononcé cette phrase : « Si on continue à manger, on va mourir ». Avec sa géniale intuition, Ferreri réagit aussitôt : « J’ai envie de faire un film avec quatre types qui se suicident en mangeant. Alain, trouve-moi un producteur. » C’est ainsi que très naturellement Sarde organise la rencontre entre Rassam et Ferreri. Le contrat est clair : le film sera coproduit, chacun ayant 50 % des parts et les recettes seront équitablement partagées. Après la houleuse projection à Cannes en mai 1973 (insultes, bousculades et huées), La Grande bouffe sort et connaît un énorme succès commercial. Sauf qu’au lieu de reverser sa part des recettes à Ferreri, Rassam les réinvestit sur deux autres projets qu’il a en chantier : Lancelot du lac de Bresson et son propre film, Les Chinois à Paris, que réalise Jean Yanne. Sarde raconte que Ferreri venait souvent dans les bureaux de la production (Mara Films) pour réclamer ses « pourcentouages ». Rien n’y fera. Rassam tient bon mais Ferreri promet de se venger…
Comment un cinéaste peut-il se venger d’un producteur, sinon en lui faisant perdre de l’argent ! Quelques mois plus tard, en se promenant du côté des Halles (à l’époque un trou gigantesque en chantier, où se construisait le forum que nous connaissons depuis), Ferreri a de nouveau une idée géniale : ce sera Touche pas à la femme blanche. Un western tourné en plein Paris. Avec le général Custer (Mastroianni), Buffalo Bill (Piccoli), le chef indien Sitting Bull (Alain Cuny), quelques agents de la CIA, sans oublier la belle femme blanche (Catherine Deneuve). Plus Philippe Noiret, Darry Cowl, Ugo Tognazzi et Serge Reggiani. Superbe casting et magnifique bouffonnerie ! Sarde ajoute que Ferreri aurait dit cette phrase lourde de conséquence : « Je vais ruiner Rassam ! » Le jour de la sortie, le film est un flop. Ferreri aurait prononcé ces mots : « Pour moi c’est un succès ! »
Des aller-retours entre cinéma « ancien » et « moderne »
Lorsque l’on parcourt l’édifiante filmographie d’Alain Sarde, plusieurs cinéastes reviennent de manière régulière. Si l’on voulait spécifier la « ligne éditoriale » de Sarde, ce serait celle d’un éditeur travaillant au long terme avec des auteurs dont il se sent proche, en confiance. Un éditeur qui signerait avec les mêmes, quels que soient les résultats du film antérieur. Sinon, comment expliquer cette longévité de parcours avec Téchiné (7 films ensemble), Doillon (7 films également), Tavernier (10), Blier (5), Nicole Garcia, Alain Corneau (4) ou encore Laurent Heynemann.. Il faudrait aussi mentionner Pierre Granier-Deferre (un film phare : Une étrange affaire), Jacques Deray ou encore Georges Lautner, ces artisans « à l’ancienne » qui ont également fasciné ou séduit Alain Sarde. Entre le cinéma « ancien » et le cinéma « moderne », Sarde n’a cessé de faire des aller et retours ou des incursions, voire des expérimentations. Le cas de Godard est en effet passionnant, car il est, parmi les nombreux cinéastes produits ou coproduits par Sarde, celui qui revient le plus souvent. La rencontre se fait au moment de Sauve qui peut (la vie), coproduit en 1979 avec Marin Karmitz. Ce film marque le retour de Godard au cinéma après les années vidéo grenobloises. Une réelle complicité s’installe entre les deux hommes, passant par l’amour du tennis, un rapport particulier avec l’argent et… les femmes. C’est à celui des deux qui sera le plus excentrique. La liste des films est éloquente : Prénom Carmen, Passion, Détective (Sarde y est crédité du scénario), Nouvelle Vague, For Ever Mozart, Éloge de l’amour et Notre musique. Le prochain film de Godard (en chantier) a déjà un titre : Le Socialisme.
Un panorama très large et éclectique du cinéma français
Une autre ligne de fidélité relie Sarde à Sautet. Cinq films ensemble : Un mauvais fils, Garçon !, Quelques Jours avec moi, Un cœur en hiver, Nelly et Mr. Arnaud. Le troisième cinéaste important de cette abondante filmographie est Polanski. Sarde le côtoie sur le tournage du Locataire en 1975, dont il n’est que le producteur associé. Aujourd’hui, toujours proches, les deux hommes poursuivent leur collaboration. Un autre point particulier de cette filmographie serait le nombre considérable de films réalisés par des cinéastes femmes : Christine Pascal, Coline Serreau, Nicole Garcia, Christine Carrière, Noémie Lvovsky, Claire Devers, Laetitia Masson, Danièle Thompson, Josée Dayan, Pascale Bailly, Diane Kurys, Anne-Marie Miéville, Anne Fontaine, Sophie Marceau ou encore Jeanne Labrune. Joli trophée du producteur le plus féminin du cinéma français. Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette ligne de production.
Plus généralement, avec et autour de Sarde, c’est un panorama très large et éclectique du cinéma français qui se trouve ainsi traversé et exploré. Il faut dire que l’homme est devenu incontournable durant les années « Canal + ». Le gros du cinéma français, incluant film d’auteur et film de genre (surtout la comédie), + film à visée plus commerciale avec des acteurs vedettes, trouve refuge chez Les Films Alain Sarde, avec un financement assuré par la chaîne cryptée qui a fait du cinéma son principal produit d’appel (avec le football). Autant de films (parfois une dizaine par année !), dont les frontières sont assez larges pour inclure des régimes de production différents sinon opposés, allant du Petit criminel à Place Vendôme.
Accompagner tous les cinémas possibles
Comment prendre la mesure de cette « ligne de production » tous azimuts, sinon en pointant ici ou là les incursions nouvelles ou les audaces, voire les accrocs : Xavier Beauvois (Selon Matthieu), Philippe Garrel (deux films coproduits avec Pascal Caucheteux : Le Vent de la nuit et Sauvage innocence), Arnaud Desplechin (Esther Kahn), Noémie Lvovsky (Oublie-moi), Jean-Claude Brisseau (L’Ange noir), Laetitia Masson, font à un moment donné partie de « l’écurie » Sarde. Même si cela ne dure qu’un temps, ces films minoritaires ont trouvé leur chance dans un système de production mainstream.
Qu’est-ce que produire un film selon Alain Sarde ? C’est accompagner les auteurs (les démarcations ne sont pas très nettes) vers le centre du cinéma, vers un point de visibilité possible, aidé en cela par l’apport financier régulier et stable d’une chaîne cryptée. Sans doute. Mais cela n’explique pas tout. On sent chez Sarde le désir d’accompagner tous les cinémas possibles, des plus risqués ou des plus marginaux, jusqu’à des films pouvant constituer de jolis bibelots sur la « vitrine » de Canal +. Une nouvelle dimension semble succéder à cette « ligne éditoriale », depuis que Sarde a repris son indépendance vis-à-vis de Canal +, celle consistant à accompagner des cinéastes d’envergure internationale, tels que David Lynch (Mulholland Drive), Mike Leigh (Vera Drake) ou Emir Kusturica (La Vie est un miracle). Moins de films en production, léger repli tactique autours des alliances plus ciblées, et toujours la fidélité envers Godard…
Serge Toubiana
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Dans les salles
Films, rencontres, conférences, spectacles
Du 6 mai au 1 juin 2009
Les films
- Adversaire (L') Nicole Garcia / France, Suisse, Espagne / 2001 Je 21 mai 21h30
- All or Nothing Mike Leigh / Grande-Bretagne / 2001 Me 27 mai 21h30
- Beau-père Bertrand Blier / France / 1980 Lu 25 mai 14h30
- Bûche (La) Danièle Thompson / France / 1999 Ve 22 mai 14h30
- Buffet froid Bertrand Blier / France / 1979 Sa 9 mai 17h00
- Chaos Coline Serreau / France / 2000 Lu 18 mai 19h30
- Choix des armes (Le) Alain Corneau / France / 1981 Je 28 mai 21h30
- Détective Jean-Luc Godard / France / 1984 Di 31 mai 19h30
- Éloge de l'amour Jean-Luc Godard / Suisse, France / 1999 Di 24 mai 19h30
- Esther Kahn Arnaud Desplechin / France-Grande-Bretagne / 1998 Me 13 mai 21h30
- Etoile du Nord (L') Pierre Granier-Deferre / France / 1981 Lu 11 mai 17h00
- Femme flic (La) Yves Boisset / France / 1979 Je 7 mai 21h30
- For Ever Mozart Jean-Luc Godard / France, Suisse / 1995 Je 21 mai 19h30
- Gouttes d'eau sur pierres brûlantes François Ozon / France, Japon / 1999 Me 20 mai 19h30
- Happy End Amos Kollek / France / 2002 Ve 29 mai 19h30
- Harem Arthur Joffé / France / 1985 Lu 11 mai 14h30
- L. 627 Bertrand Tavernier / France / 1991 Lu 1 juin 14h30
- Locataire (Le) Roman Polanski / France / 1975 Sa 9 mai 21h00
- Lunes de fiel Roman Polanski / France, Grande-Bretagne / 1991 Sa 16 mai 21h30
- Mois d'avril sont meurtriers (Les) Laurent Heynemann / France / 1986 Me 13 mai 19h30
- Mulholland Drive David Lynch / France-Etats-Unis / 2000 Di 24 mai 14h30
- Nelly et Monsieur Arnaud Claude Sautet / France-Italie-Allemagne / 1994 Di 17 mai 21h30
- Nettoyage à sec Anne Fontaine / France / 1997 Ve 22 mai 17h00
- Notre histoire Bertrand Blier / France / 1984 Lu 11 mai 19h30
- Notre musique Jean-Luc Godard / France / 2003 Sa 30 mai 19h30
- Nouvelle vague Jean-Luc Godard / France, Suisse / 1989 Di 17 mai 19h30
- Petit criminel (Le) Jacques Doillon / France / 1990 Sa 23 mai 19h30
- Petite prairie aux bouleaux (La) Marceline Loridan / France, Pologne, Allemagne / 2002 Je 28 mai 19h30
- Pianiste (Le) Roman Polanski / France-Russie-Pologne / 2001 Di 10 mai 21h00
- Place Vendôme Nicole Garcia / France / 1997 Lu 18 mai 17h00
- Ponette Jacques Doillon / France / 1995 Sa 16 mai 19h30
- Prénom Carmen Jean-Luc Godard / France / 1983 Me 6 mai 20h00
- Sauvage innocence Philippe Garrel / France / 2001 Sa 23 mai 21h30
- Sauve qui peut (la vie) Jean-Luc Godard / France, Suisse / 1979 Sa 9 mai 19h00
- Selon Matthieu Xavier Beauvois / France / 2000 Me 20 mai 21h30
- Un dimanche à la campagne Bertrand Tavernier / France / 1983 Di 10 mai 19h00
- Un mauvais fils Claude Sautet / France / 1980 Lu 25 mai 17h00
- Une étrange affaire Pierre Granier-Deferre / France / 1981 Di 10 mai 17h00
- Une histoire simple Claude Sautet / France-République fédérale d'Allemagne / 1978 Je 7 mai 17h00
- Vent de la nuit (Le) Philippe Garrel / France-Italie / 1998 Me 27 mai 19h30
- Vera Drake Mike Leigh / Grande-Bretagne, France / 2004 Sa 30 mai 21h30
- Vie est un miracle (La) Emir Kusturica / Serbie, France / 2003 Di 31 mai 21h30
- Harem Arthur Joffé
- L'Etoile du Nord Pierre Granier-Deferre

- Notre histoire Bertrand Blier
- Les Mois d'avril sont meurtriers Laurent Heynemann

- Esther Kahn Arnaud Desplechin

- Gouttes d'eau sur pierres brûlantes François Ozon
- Selon Matthieu Xavier Beauvois
- La Petite prairie aux bouleaux Marceline Loridan

- Le Choix des armes Alain Corneau
- Happy End Amos Kollek
- L. 627 Bertrand Tavernier
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