« Feu ! » Deux mélodrames de Baroncelli

Marion Langlois - Antonella Rotolo - 7 juillet 2016

Avant de se tourner définitivement vers le cinéma en 1915, Jacques de Baroncelli (1981-1951) a d’abord suivi une carrière de journaliste, puis rédacteur en chef du quotidien conservateur L’Éclair. Jusqu’à sa disparition, à l’âge de 70 ans, il réalisera plusieurs dizaines de films : adaptations littéraires, épopées héroïques, drames bourgeois, films marins, mélodrames populaires.

Alors à la tête de sa propre société de production, il tourne Feu ! en 1926. Respectant les codes du mélodrame, le film narre les amours impossibles d’une femme fragile, Edwige (Dolly Davis) et du lieutenant Fremiet (Charles Vanel), commandant d’un torpilleur durant la guerre du Rif. Les ressorts du cinéma muet amplifient le drame : les expressions des acteurs sont magnifiées, les dialogues tragiques (lisibles sur le scénario manuscrit) sont mis en exergue par les intertitres. La catastrophe devinée répond aux attentes des spectateurs. Ici, la jeune héroïne meurt sous le feu de son aimé. Ce film français fut néanmoins exploité à l’étranger avec une fin optimiste, dans laquelle la jeune femme est sauvée par une ordonnance du commandant.

L’avènement du parlant alimente la pratique déjà courante du remake, permettant de perpétuer l’exploitation d’un film à succès, tout en utilisant les techniques modernes. Le réalisateur peut aussi saisir l’opportunité de revoir son œuvre : on parle alors d’auto-remake. En 1937, Feu ! ressort en parlant. Jacques de Baroncelli a profité de ce nouveau tournage pour donner plus de corps au rôle féminin. Edwige n’est plus une femme fragile esseulée, elle devient une trafiquante d’armes sous les traits d’Edwige Feuillère. Le commandant Fremiet, interprété par Victor Francen, est lui aussi plus mystérieux et ténébreux. La fin tragique du mélodrame reste la même.

Le fonds Baroncelli retrace la carrière et l’œuvre du cinéaste, au gré de documents uniques : les scénarios de tournage, manuscrits, offrent des exemples remarquables d’archives de la période muette. Le fonds comprend également de précieux carnets très bien conservés, dans lesquels le cinéaste collait les articles de presse soigneusement collectés sur son œuvre (ici, celui de la version de 1927, qui atteste de la fortune critique du film). Confiées par Jacques de Baroncelli à la Cinémathèque française juste avant sa disparition, ces archives ont été enrichies par un dépôt du fils du cinéaste en 1997.

Le fonds Baroncelli est disponible à la consultation à l’Espace chercheurs.


Marion Langlois est médiathécaire à la Cinémathèque française.

Antonella Rotolo est chargée du traitement documentaire des archives à la Cinémathèque française.