Une certaine histoire du cinéma flamand

4 février 2025

Il y a précisément 70 ans, un trio de cinéphiles flamands réalise le film noir Les mouettes meurent au port (1955). Roland Verhavert, Ivo Michiels et Rik Kuypers imaginent l'histoire d'un anti-héros, joué par Julien Schœnaerts – le Marlon Brando flamand – qui, dans l'attente de sa fuite, erre dans la ville et le port d'Anvers. Cette œuvre explicitement cosmopolite s'inspire du Mauvais Œil (1937) du pionnier belge Charles Dekeukeleire, et fait tout à la fois esthétiquement écho au Troisième Homme (1949), rompant radicalement avec une tradition de cinéma local, folklorique, en dialecte anversois, très populaire en Flandre après la Deuxième Guerre mondiale. C'est aussi le premier long métrage de fiction belge et flamand à figurer en sélection officielle au Festival de Cannes, en 1956, et qui marque le début d'une histoire du cinéma flamand aux aspirations artistiques internationales.

Ce programme, présenté en collaboration avec la Cinémathèque Royale de Belgique (CINEMATEK), le Fonds audiovisuel flamand (VAF), le Royal Institute for Theatre, Cinema & Sound (RITCS) et la Délégation de la Flandre en France, ne prétend pas donner un panorama exhaustif de l'histoire du cinéma flamand. Nous aimerions simplement offrir aux publics du Festival de la Cinémathèque quelques films emblématiques qui, pendant différentes décennies, jusqu'à la fondation du Fonds audiovisuel flamand en 2002/2003, incarnent une qualité et une diversité, aussi bien dans le fond que dans la forme, du cinéma flamand.

Dix ans après Les mouettes meurent au port, André Delvaux réalise L'Homme au crâne rasé (1965), film magico-réaliste flamand par excellence, d'après le roman autofictionnel de Johan Daisne. Avec Les Lèvres rouges (1971) et Malpertuis (1972), le cinéaste culte Harry Kümel anime un cinéma fantastique extraordinaire en Flandre et en Belgique. Stijn Coninx adapte Pieter Daens, le roman documentaire flamand de Louis Paul Boon, pour sa fresque historique, Daens (1992), qui est nommée aux Oscars et devient aussitôt un classique du cinéma flamand. En 2002, Dorothée Van Den Berghe tourne Meisje, beau portrait intimiste et émouvant de trois générations de femmes qui vivent des situations compliquées. Un des premiers films subventionnés par le VAF est le film choral très poétique et personnel Any Way the Wind Blows (2003) du musicien Tom Barman. Comme compléments de programme sont également présentés deux courts métrages d'animation fabuleux. Harpya (1979) de Raoul Servais, Palme d'Or du court métrage et Une tragédie grecque (1985) de Nicole Van Gœthem, qui remporte l'Oscar, le Grand Prix et le Prix du public du Festival d'Annecy.

Tous ces hommes et ces femmes ont créé un cinéma flamand inspiré et inspirant pour le XXIe siècle.

Wouter Hessels

Enseignant et programmateur