Marleen Gorris, silences brisés

Caroline Maleville - 3 février 2025

Marleen Gorris est surtout connue pour son film Antonia et ses filles, le portrait de quatre générations de femmes dans la campagne hollandaise, qui a remporté l'Oscar du meilleur film étranger en 1996. C'est pourtant lors de la décennie précédente qu'elle a construit une œuvre singulière et forte, autour d'une trilogie sur la violence d'une société dominée par les hommes.

Dans Le Silence autour de Christine M. (1982), trois femmes assassinent, apparemment sans raison, le gérant d'une boutique de vêtements ; Miroirs brisés (1984) s'attache en parallèle à un groupe de prostituées et à un homme qui kidnappe et torture des femmes ; la production internationale The Last Island (1990) montre les survivants masculins d'un crash aérien harceler une femme, puis s'entretuer.

Ces trois films s'inscrivent dans le cadre de la deuxième vague féministe qui dénonce la société patriarcale et la violence genrée. On y remarque aussi déjà des traces de la notion d'intersectionnalité, avec la présence de femmes noires et l'allusion à l'homosexualité féminine (qui deviendra explicite dans Antonia et ses filles). Mais, contrairement à beaucoup de films féministes de l'époque, qui s'affirmaient expérimentaux ou contre la narration, le cinéma de Marleen Gorris est à la fois réaliste, métaphorique et attaché à des genres traditionnels (film de procès, drame social, thriller...), dans des mises en scène affirmées et stylisées qui donnent aux films une dimension crue et brutale.

Caroline Maleville

Après diverses expériences dans la distribution et des institutions de cinéma, Caroline Maleville rejoint la Cinémathèque française en 2005. Responsable de programmation depuis 2009, elle organise notamment des rencontres dédiées à la jeune création cinématographique contemporaine. Elle a conçu et organisé la rétrospective "Semaine du cinéma chilien contemporain".