Présentation de Madame porte la culotte (George Cukor, 1949)

Yola Le Caïnec - 27 septembre 2024

Durant la rétrospective des films de George Cukor, la Cinémathèque française a proposé à Yola Le Caïnec, auteure d'une thèse sur Le féminin dans le cinéma de George Cukor à l'Université Paris 3, de présenter 5 films. Nous vous proposons la restitution sous forme d'articles de chacune de ces présentations.

Madame Porte La Culotte Adam S Rib

Méli-melo de titres

Partons du titre du film. Ou plutôt de ses titres : Adam's Rib, à sa sortie aux États-Unis en novembre 1949, et Madame porte la culotte un an plus tard en France. Le fait que les deux titres privilégient un point de vue opposé en dit long sur le film. Quand la tradition biblique dans le titre américain réduit la femme à être une partie de l'homme, le titre français parle du couple dominé par la femme.

Le premier titre prévu par le couple de scénaristes, Ruth Gordon et Garson Kanin, était bien orienté vers la conjugalité : Man and Wife. La bande-annonce du film va d'ailleurs dans ce sens mais n'en présente pas moins le film comme une comédie romantique.
Cukor n'était pas attaché lui-même à ce type de codes ou de conventions, ou alors juste pour en faire la « description critique » selon la formule de Jean Domarchi.

Un couple, des couples

Toutes ces informations contradictoires sur le titre, le genre du film, appartiennent surtout au battage promotionnel que fait la Metro-Goldwyn-Mayer autour du couple de stars Hepburn/Tracy, couple d'écran constitué par ce même studio en 1942 avec La Femme de l'année de George Stevens (Stevens que Hepburn avait alors préféré à Cukor, non sans fâcherie, car il fallait selon elle un point de vue masculin et non « féminin » pour ce film...). Les performances remarquables du couple Hepburn/Tracy tiennent aussi sûrement au fait qu'il s'agissait d'un couple dans la vie, de façon beaucoup plus discrète cependant, car Tracy, fervent démocrate catholique, était marié, avait deux enfants et ne voulait pas divorcer.

Home Movie

Tout le projet de Madame porte la culotte s'appuie cependant sur cette double réalité du couple, au point que c'est le sujet même du film. La fusion entre vie professionnelle et vie privée est aussi la situation du couple de scénaristes : Garson Kanin co-écrit le film avec sa femme Ruth Gordon ; ils se sont eux-mêmes mariés en 1942, la même année que la rencontre entre Tracy et Hepburn, et le frère de Garson Kanin était scénariste de La Femme de l'année. Le couple Kanin venait d'être nominé aux Oscars pour Othello, leur premier film écrit ensemble, leur premier aussi avec Cukor et début d'une collaboration fructueuse de sept films au tournant du renouveau réaliste des années 1940-1950.

Ruth Gordon et Garson Kanin étaient proches de Cukor, ils s'étaient rencontrés chez lui. Spencer Tracy et Katharine Hepburn étaient également des amis de Cukor, au point que Spencer Tracy, au moment du tournage de Madame porte la culotte, vienne s'installer dans un des pavillons de la propriété de Cukor, là où Katharine Hepburn venait le retrouver.

Ainsi, Madame porte la culotte est, d'une certaine façon, un film de famille, un home movie – vous entendrez le terme dans le film. Et cette famille « cukorienne » va précisément démontrer toute sa force solidaire dans Madame porte la culotte car c'est un film dévoué à la cause d'un de ses nouveaux membres, une actrice, Judy Holliday, dont il s'agit de montrer le talent à l'écran afin que Harry Cohn, patron de de Columbia, lui donne au cinéma ce même rôle qu'elle avait joué au théâtre dans la pièce (de Garson Kanin !) Comment l'esprit vient aux femmes, dont le même Cohn venait de racheter les droits...


Yola Le Caïnec est professeure agrégée de français enseignante en classes préparatoires, lettres, philosophie et cinéma à Rennes. Elle a écrit une thèse sur Le féminin dans le cinéma de George Cukor (1950 à 1981) à l'Université Paris 3.