Dans le prolongement des découvertes et de l'identification des films anciens et des nouveaux enrichissements, la Cinémathèque française s'engage dans la restauration de films devenus quasi invisibles, dans une démarche de sauvegarde patrimoniale mais aussi afin d'offrir un regard nouveau, curieux, sur des œuvres souvent rares et fragiles. On pense aux titres qui font la richesse de notre collection, ceux tournés à la belle époque du muet, mais aussi aux réalisations plus contemporaines et insolites qui persistent à nous interroger. Cette vocation est partagée avec d'autres cinémathèques du monde, et encourage de nombreuses collaborations.
Ainsi, la Cinémathèque française et la Cinémathèque suisse ont restauré La Vase, à partir d'une copie unique (particulièrement abîmée, aux couleurs virées) de notre collection. Véritable curiosité, cet autoportrait mélancolique saisissant est adapté d'un scénario d'Eugène Ionesco, qui tient ici son unique grand rôle au cinéma. Il met en scène dans une démarche anticonformiste et absurde le délabrement d'un homme face à sa décomposition inéluctable.
Avec la Cinémathèque Afrique de l'Institut français, et grâce au mécénat Hiventy, nous avons restauré avec beaucoup de passion et d'attention deux films malgaches, L'Accident (l'une des premières productions de l'île) et Tabataba. Tous deux traitent frontalement de l'injustice, et de la violence qui en découle, à travers des sujets trop souvent tabous comme la corruption et la colonisation.
Dans le cadre de l'exposition « Objectif mer : l'océan filmé », conçue par le Musée national de la Marine et dont la Cinémathèque française est partenaire, seront projetés deux longs métrages emblématiques : Vent debout (premier rôle au cinéma de Madeleine Renaud) et la version courte de Surcouf (avec Antonin Artaud). Ils seront précédés d'une série de courts métrages documentaires captivants, remémorant l'univers fascinant des ports français d'un autre temps, encombrés de trois mâts amarrés en masse avant le départ pour le grand large. Ces images soulignent aussi la dure réalité – que vivent les hommes sur les bateaux et les femmes dans les usines sur la terre ferme – d'une pêche en voie d'industrialisation.
Parmi les trésors de la Cinémathèque, Conte Cruel constitue certainement l'un des films les plus étranges. Avec cette unique réalisation dans sa carrière, Gaston Modot (acteur dans L'Âge d'or, Fièvre et La Règle du jeu) révèle, sans concession, son goût pour les personnages inattendus et les histoires improbables.
Le Festival est ainsi une occasion magnifique de faire revivre ces images tournées par des artistes qui n'ont cessé de contribuer aux renouvellements des formes cinématographiques tout en offrant un regard critique sur une humanité parfois cruelle.
Hervé Pichard