Née dans le Bronx de parents émigrés d'Argentine et d'Italie, Nancy Savoca décide très jeune de devenir cinéaste, après des études à New York University. À la même époque, elle rencontre son époux, Richard Guay, qui deviendra son producteur, et travaille avec les cinéastes Jonathan Demme et John Sayles dont elle restera proche.
Son film de fin d'études, Renata, portrait d'une jeune femme italo-américaine décidée à divorcer, se passe essentiellement dans la cuisine où elle peine à faire accepter sa volonté à sa mère et à sa tante, au milieu des cris d'enfants. Le film frappe par son sens du rythme, celui des échanges animés, et la belle capacité de Savoca à faire exister ses personnages.
True Love, son premier long métrage, est lui aussi centré sur la communauté italo-américaine. Là encore, la cinéaste s'intéresse à des événements ordinaires et au devenir des femmes, à travers l'histoire du mariage de deux très jeunes gens, Donna et Michael. Sans verser dans la comédie romantique, Savoca observe à la loupe tout ce qui dans les préparatifs de la cérémonie annonce une catastrophe : l'immaturité du marié et de ses amis, et la résistance farouche de Donna face aux mauvais traitements qu'il lui fait subir. Savoca excelle dans les changements de ton, quand elle passe de la comédie au drame et du drame à la comédie, montre une réelle faculté à dépeindre des personnages tous attachants et vivants, et dirige merveilleusement ses acteurs, Annabella Sciorra et Ron Eldard.
Son deuxième long, produit par Warner, est interprété par River Phœnix et Lili Taylor. Dogfight raconte une romance d'une nuit à la veille de la guerre du Vietnam, entre deux jeunes gens que beaucoup de choses séparent : une serveuse de restaurant éprise de folk et un Marine bravache en partance pour le front. Savoca livre un teen movie à l'ambition réaliste, celle de dire la force et la fragilité des premiers émois amoureux, la brutalité d'une société machiste et les désillusions de l'âge adulte. Le film s'ouvre sur un « dogfight », concours de la jeune fille la plus laide organisé à l'insu des participantes. Mais il semble que c'est toute leur vie que les jeunes gens devront affronter ce qui s'annonce comme un véritable combat de chiens.
Deux ans plus tard, elle réalise Household Saints, qui retrace la destinée de trois femmes, sur trois générations. Adapté d'une nouvelle de Francine Prose, le récit réserve bien des surprises au spectateur. Il raconte d'abord l'histoire d'un homme qui gagne une femme lors d'une partie de cartes, puis s'intéresse à la belle-mère de cette femme et à ses croyances, et enfin à sa fille – de nouveau un très beau rôle pour Lili Taylor. À travers la question de la foi, Savoca semble s'interroger sur les élans dont nos existences sont faites. Elle utilise souvent la métaphore des plantes qui déclinent et renaissent dans l'appartement du couple pour dire les mouvements psychiques de ses personnages. Et observe avec poésie, humour, mais aussi gravité, les déterminismes familiaux et sociaux à l'œuvre dans le destin de ces trois femmes.
Grâce à plusieurs restaurations, le public pourra découvrir les premiers films d'une cinéaste qui aura eu à cœur de raconter les désirs, les convictions et les combats de ses personnages féminins dans leur quotidien.
Pauline de Raymond