À la fin des années 1940, la mise en scène de cinéma est devenue l’activité principale de Jean Cocteau. Il entreprend l’écriture d’Orphée en décembre 1947, entre la fin du tournage de L’Aigle à deux têtes et le début de celui des Parents terribles. Après le succès de La Belle et la bête en 1946, il pense bénéficier d’un certain crédit auprès des institutions du cinéma français. En 1949, confronté au difficile montage financier d’Orphée, Cocteau découvre avec amertume que son statut de cinéaste est en réalité précaire, et qu’il redevient très vite un marginal lorsqu’il ambitionne de réaliser un projet qui touche au plus intime de son inspiration poétique.
Son premier long métrage, Le Sang d’un poète, a été en 1930 une expérience de cinéma en liberté qu’il rêvera toute sa vie de renouveler. L’œuvre était une commande du Vicomte de Noailles, l’un de ses mécènes, qui l’a laissé entièrement libre quant au sujet et à la mise en scène. Vingt ans plus tard, l’échec commercial d’Orphée (sorti en 1950), dans lequel il s’est totalement investi, est pour Cocteau une grande désillusion. Son style apparaît de plus en plus en décalage avec le « cinéma commercial » de son époque, dont il se détourne définitivement.
Défense du 16 mm
Désireux de se débarrasser de la lourdeur inhérente à l’industrie cinématographique, Jean Cocteau cherche à retrouver la spontanéité et la légèreté d’un cinéma plus libre en se tournant vers un format « amateur », le 16 mm. En 1948, il publie deux textes en faveur du 16 mm, l’un dans le The New York Times, l’autre, plus engagé, dans le numéro unique de la revue Saint-Germain-des-Prés (juin 1948). Cocteau tourne en 1950 dans les jardins de sa demeure de Milly-la-forêt, un film en 16 mm (non exploité commercialement), Coriolan, avec Jean Marais, Josette Day et lui-même. Puis, l’année suivante, La Villa Santo Sospir, un moyen métrage de 36 minutes, également en 16 mm, tourné lui aussi en équipe réduite dans la propriété de sa dernière amie et mécène, Francine Weisweiller, ombragée de pins et de cyprès au-dessus de Saint-Jean-Cap-Ferrat et Villefranche-sur-Mer, dont il a décoré, (« tatoué » selon ses mots), les murs avec des scènes mythologiques. C’est la première fois que Cocteau tourne en couleurs, et choisit de se filmer en personne, comme une sorte de guide du domaine et de ses œuvres, donnant à son film l’allure décontractée d’un « home movie ».
Texte de Jean Cocteau explicitant les intentions artistiques qui ont présidé au tournage de La Villa Santo Sospir. Fonds Yves Kovacs. Collection Cinémathèque française
Lettre de Jean Cocteau à Véra Clouzot, datée de 1935. Fonds Henri-Georges et Inès Clouzot. Collection Cinémathèque française
Jean Cocteau manipulant une pellicule 16 mm pour le film La Villa Santo Sospir (1951). Cette photographie témoigne de l’importance que Jean Cocteau attribuait au côté artisanal du cinéma.