Revue de presse de « Rashōmon » (Akira Kurosawa, 1950)
Hélène Lacolomberie
- 4 août 2021
Avis unanime : Rashōmon est bien évidemment un chef-d'œuvre, LA révélation de la Biennale de Venise où le film obtient le Lion d'Or en 1951. Tel un « aérolithe tombé d'une autre planète », comme l'a reçu Jean-Louis Tallenay de Radio Cinéma Télévision, il frappe par son universalisme mais aussi par sa nouveauté formelle et dramatique, faisant figure de « révélation esthétique et philosophique » selon André Bazin.
Kurosawa fait montre d'une « sobriété austère et belle », admire Henri Pevel dans L'École Libératrice. De fait, l'œuvre, plastiquement exceptionnelle, touche par son extrême modernisme et son dépouillement, par le « style poétique et tragique de la mise en scène ». Sa lenteur est voulue, calculée, d'une grande poésie et au service de ce récit en quatre temps. La critique évoque ainsi Pirandello, mais admet aussi que « la construction rappelle certains films de Welles, ou Eisenstein et ses conceptions de l'image » (André Bazin). Kurosawa s'appuie avec intelligence sur Toshirō Mifune et Machiko Kyo, deux des plus fameux acteurs japonais, dont le jeu, aux limites du Nō, est « à l'opposé du flegme que nous prêtons aux Orientaux » (Radio Cinéma Télévision).
À travers Rashōmon, on peut déjà découvrir l'univers profondément humain de Kurosawa, la thématique qui lui est chère, celle de la double vision de l'homme infime et infini et son interrogation sur l'humanité. « C'est une magistrale étude de caractères qui nous est présentée. Rarement un film a eu des notations humaines aussi aigues », apprécie Henri Pevel. L'impact de Rashōmon est donc considérable, comme l'explique Bazin : « C'est le retentissement de ce film qui a ouvert le marché international au cinéma japonais qui, jusque là, malgré une production quantitativement très importante, se limitait à une exploitation intérieure ».
Hélène Lacolomberie est rédactrice à la Cinémathèque française.