Revue de presse de « L'Idiot » (Akira Kurosawa, 1951)

Hélène Lacolomberie - 4 août 2021

L'Idiot (A. Kurosawa)


Pour marquer la sortie de L'Idiot, la critique dans son ensemble s'indigne et se réjouit à la fois, à l'image de Claude-Marie Trémois dans Télérama, qui explique : « Tourné en 1951, massacré par la distribution japonaise, qui avait réduit à trois les quatre heures de la version originale, méconnu par la critique dans son propre pays, ce film arrive à Paris avec vingt-deux ans de retard. Et mutilé un peu plus. Tel quel, c'est un film étrange... et bouleversant ». Kurosawa nous plonge dans « un des récits les plus violemment lyriques que nous ait donnés le cinéma de l'après-guerre », note Jean Rochereau dans La Croix. « On se laisse peu à peu envahir par le lyrisme et l'expressionnisme halluciné d'un Japon quasi sibérien » ajoute L'Express.

De fait, il s'agit ici, selon les critiques unanimes, de la meilleure des trois adaptations cinématographiques connues de Dostoïevski. Dans Combat, Michel Pérez estime que Kurosawa nous livre « un souvenir de lecture, mais un souvenir passionné, brûlant, d'une impitoyable précision et pur de toute complaisance au pittoresque russifiant, de toute tendresse envers les facilités de reconstitution du passé ». En effet, il n'a pas hésité à prendre des libertés avec l'espace, l'époque et l'environnement social. « De même a-t-il supprimé tous les personnages secondaires, condamnant au huis clos les quatre héros de ce drame », précise Télérama. « Relié à la littérature occidentale par un sorte d'affinité élective, Akira Kurosawa convenait mieux que personne pour fondre deux cultures, pour rester fidèle à l'esprit de l'écrivain » (L'Express).Il joue sur une théâtralité voulue, privilégie un jeu d'acteurs appuyé – France Soir salue « une interprétation de premier ordre » – mais aussi un rythme particulier et une belle profondeur de champ, se rapprochant au mieux de l'univers de Dostoïevski.

Mêlant « le baroque et le mélo », analyse encore L'Express, Kurosawa marque d'un sceau volontiers solennel ce cinéma qui souvent touche au sublime ». Pour lui, un film « doit émouvoir le public et créer une sympathie. Le cinéma doit être humain », confie-t-il au Monde. Claude Beylie, cité par Télérama, l'a bien compris, et salue « une histoire pleine de silence et de douceur, contée par un idiot, et qui signifie le monde ». En définitive, « L'Idiot est un film que ne peuvent manquer ni les admirateurs de Kurosawa, ni ceux de Dostoïevski », conclut France Soir.


Hélène Lacolomberie est rédactrice web à la Cinémathèque française.