Revue de presse de « Entre le ciel et l'enfer » (Akira Kurosawa, 1963)
Hélène Lacolomberie
- 4 août 2021
Un accueil enthousiaste ou mesuré, c'est selon, marque la sortie d'Entre le ciel et l'enfer. Le film aura attendu treize ans pour sortir en exclusivité, treize ans après sa première projection à la Mostra de Venise de 1963.
Kurosawa réalise ici « un policier, mais un policier qui sort de l'ordinaire », précise Michel Mohrt du Figaro. Le scénario est tiré d'un roman d'Ed MacBain, le résultat est donc naturellement « un film plus américain que japonais, par sa facture, le jeu des acteurs, le drame en question », poursuit Michel Mohrt. C'est ce qui a gêné Michel Perez, qui apporte un bémol dans Le Quotidien de Paris : « la lecture d'Entre le ciel et l'enfer se fait malheureusement toujours au premier degré, c'est la rançon du trop grand prix que son auteur attache aux techniques du récit policier et de son envie évidente de faire une œuvre américaine ». Le Monde préfère savourer simplement « un film hétérogène, qui commence comme une satire des milieux d'affaires, se poursuit sous forme de série noire et s'achève sur une réflexion évangélique ». Les critiques évoquent par ailleurs Bresson, Bernanos, mais aussi et à plusieurs reprises Lang ou Hitchcock et leurs « complots fatidiques » (Le Point). On pense « à la vérité reconstituée fragmentairement par le héros de Blow-up, au Losey de Temps sans pitié » (id.). Robert Chazal explique ces échos dans France Soir : « mieux que tout autre cinéaste japonais, Akira Kurosawa sait prendre dans la littérature occidentale ce qui convient à son cinéma ».
Mais le film n'est pas qu'un simple policier. Il s'apparente à « un document sur la jungle des milieux d'affaires » note La Croix. Même avis pour Le Figaro qui a apprécié le « tableau de la vie à Yokohama, avec ses foules grouillantes, ses trafics, ses terrains vagues, le bruit des moteurs et des sirènes ». « Le plus passionnant, c'est l'étude des caractères et des comportements », renchérit Robert Chazal, tandis que Jean-Paul Grousset salue dans Le Canard Enchaîné « la méticulosité toute asiatique des enquêteurs ». Il faut encore mentionner « l'interprétation fulgurante de l'illustre Toshirō Mifune » (La Croix), et l'esthétique du film, qui est à la mesure de ses intentions sociales et morales. « En effet, explique L'Humanité, il y a la vision atroce, exprimée en images presque expressionnistes, du quartier des bouges et de la drogue ». C'est encore Jean de Barconcelli du Monde qui cerne le mieux le film : « Entre le ciel et l'enfer apparaît comme mineur si on le compare aux chefs-d'œuvres du grand cinéaste. Mais il n'en porte pas moins la marque de son auteur ».
Hélène Lacolomberie est rédactrice à la Cinémathèque française.