Revue de presse du « Faux coupable » (Alfred Hitchcock, 1956)

Hélène Lacolomberie - 12 novembre 2019

Oui ou non, s’agit-il d’un « vrai Hitchcock » ? C’est la principale question qui affleure dans la presse à la sortie du Faux coupable. Car même si le film est pour beaucoup excellent, dans son genre, « il déconcerte les admirateurs du grand Maître du suspense [qui a pris] le contrepied de ses méthodes habituelles » prévient France Catholique.

Le Faux Coupable

Une fois n’est pas coutume, Hitchcock sort des sentiers battus pour livrer un « film honnête » selon Radio Cinéma Télévision. Cette étude psychologique recèle une certaine intensité dramatique et confine au réalisme, allié à un suspense le moins policier qui soit et pourtant le plus haletant possible. Mais ce suspense consiste uniquement et simplement en l’évocation et la résolution d’une erreur judiciaire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si plusieurs journalistes convoquent Bresson et établissent un parallèle avec Un condamné à mort s’est échappé.

« Le scénario du Faux coupable est le récit fidèle d’un fait relevé par le metteur en scène dans le magazine Life » explique La Croix, qui poursuit : « au début et à la fin du film, Hitchcock prévient lui-même les spectateurs de l’authenticité de l’histoire ». La clé du suspense réside dans le titre même du film, et sans aucune équivoque, ce que déplore Le Parisien Libéré quelque peu frustré : « Hitch aurait pu, en trichant un peu, nous laisser entendre que ce malheureux était au fond un vrai coupable tout en jouant à la perfection les innocents ». La transposition à l’écran s’avère par ailleurs périlleuse selon Radio Cinéma Télévision : « tout cela est peut-être arrivé, mais passe difficilement au cinéma » estime l’hebdomadaire.

Pourtant, il s’agit-là du développement d’un des sujets de prédilection d’Alfred Hitchcock. « Le déploiement inexorable, sans complaisance, et ses effets, du thème de l’accusation, de l’innocence et de la culpabilité » rappelle France Observateur. François Truffaut dans Arts prolonge l’analyse : « Hitchcock nous offre un film sur la fonction d’accusé, sur le rôle d’accusé, sur l’homme accusé, et sur la fragilité des témoignages humains et de la justice ».

Malgré la rigueur de la narration, Le Parisien Libéré tempère cet enthousiasme et juge le tout « insuffisant pour un film signé Hitchcock. La qualité de la mise en scène proprement dite ne peut suppléer à cette insuffisance fondamentale ». C’est faire peu de cas du travail technique « comme de coutume remarquable » évoqué par France Catholique, et de l’interprétation particulièrement appréciée d’Henri Fonda. « Merveilleux directeur d’acteurs, Hitchcock a dû comprendre que le regard de Fonda dirait ce que son scénario garde prudemment secret » note Henry Magnan dans Les Lettres Françaises.

« Jamais Hitchcock ne fut plus près de lui-même », écrit encore François Truffaut, c’est son film « le plus pur depuis Lifeboat ». Peut-être même, avance France Observateur, Hitchcock nous donne-t-il à voir « pour la première fois l’envers tragique de son humour ».


Hélène Lacolomberie est rédactrice web à la Cinémathèque française.