Revue de presse de « L'Ultime Razzia » (Stanley Kubrick, 1956)

Hélène Lacolomberie - 4 septembre 2019

Premier film de Stanley Kubrick présenté en France, L'Ultime Razzia marque la grande entrée du réalisateur dans le cinéma. Histoire d'un hold-up minutieux qui a pour toile de fond les milieux hippiques, le film affiche selon la critique un certain déséquilibre entre un début brillant et trépidant et une fin quelque peu bâclée et précipitée.

Sterling Hayden dans L'Ultime Razzia

Scénario vs. distribution

Le principal bémol porte sur la faiblesse du scénario. « Banal, tiré d'une quelconque Série Noire » pour La Croix, il souffre de son « intrigue parcellaire » (Témoignage Chrétien). Le Monde s'interroge d'ailleurs : « cette construction en forme de puzzle est-elle indispensable à l'action ? ». Le magazine Noir et Blanc est plus sévère et tranché, qui écrit : « M. Kubrick et ses collaborateurs, ignorance et maladresse aidant, ont accumulé les erreurs de construction tout en employant les procédés les plus usés et, comme la réalisation ne vaut pas mieux que le travail littéraire originel, le résultat est assez affligeant ». Les critiques reconnaissent cependant que les personnages sont intéressants et crédibles. Devant la caméra, l'interprétation efficace est dominée par un Sterling Hayden sobre et solide. L'Humanité juge les acteurs impeccables, et Les Lettres Françaises souligne « l'excellence d'une distribution de second plan ». C'est finalement « moins l'histoire que le procédé narratif qui retient notre attention », temporise Jean de Baroncelli dans Le Monde.

Une réalisation déjà brillante

Car la réalisation de Kubrick est adroite et enlevée. Le Dauphiné Libéré s'attarde sur la construction originale et le rythme : « à un train d'enfer, le film est mené tambour battant jusqu'au coup de théâtre final ». Kubrick maîtrise ellipses et flash-back, et Radio Cinéma Télévision apprécie « le soin apporté à la fois au découpage et au montage », mentionnant aussi une photographie qui « fait penser aux œuvres de série noire, avec la répartition des noirs et des blancs et ces lampes, au premier plan, qui burinent les visages ». « C'est excellent, précis, implacable, et d'une dextérité cinématographique très rare », admire également Les Lettres Françaises. Pour L'Humanité, ce sont des « trésors d'ingéniosité » que déploie Kubrick. « L'histoire est bien mise en scène, poursuit le journal, on retient son souffle pendant les trois quarts du film ». Et pour Témoignage Chrétien, la réalisation de L'Ultime Razzia tient en trois mots : jeunesse, efficacité et vitalité.

Prestigieuses paternités

Par sa forme, le film abonde en références. Outre le roman américain moderne, la critique évoque aussi bien Ophuls et ses longs travellings que John Huston et Asphalt Jungle. Mais c'est bien entendu la parenté avec Jules Dassin et son Rififi chez les hommes qui domine. Kubrick a forcément vu le film « ou bien la coïncidence est ahurissante » remarque Les Lettres Françaises. « On songe à Du rififi, bien sûr, note encore Le Monde, et à quantité de films américains basés sur un thème analogue ». Ce qui contribue à faire de L'Ultime Razzia un film prometteur, « qui apporte un sang neuf » se réjouit Radio Cinéma Télévision.

« Le nom de Kubrick est à retenir », s'enthousiasme Jean de Baroncelli. « Tous les amateurs de vrai cinéma aimeront L'Ultime Razzia », renchérit Le Dauphiné Libéré qui conclut : « il n'en faut pas plus pour savoir que nous venons de découvrir l'un des réalisateurs les plus doués de la nouvelle génération Outre-Atlantique ».


Hélène Lacolomberie est rédactrice web à la Cinémathèque française.