Le lien entre la presse populaire et Federico Fellini (lui-même ancien caricaturiste) a toujours été étroit, qu’elle soit sujet de ses films, ou qu’elle s’empare des films du maestro pour les « novelliser » sous forme de films racontés ou de romans-photos. Paparazzo, le personnage du photographe de presse de La dolce vita, a même directement inspiré le terme générique de paparazzi.
Extrait du roman-photo de La dolce vita dans Nous deux Film (n°81, 1960)
Dans Le Cheik blanc (Il sceicco bianco, 1952), le premier film que Fellini réalise seul, une jeune femme fausse compagnie à son époux lors de son voyage de noces pour partir à la rencontre du « Cheik blanc » (joué par Alberto Sordi), héros d’un roman-photo du même nom qu’elle lit assidûment. Elle découvre un homme lâche, ordinaire, vulgaire, à mille lieux du héros romanesque dont elle s’est éprise à travers ses lectures compulsives.
Affiche italienne pour Le Cheik blanc
L’idée du film vient de Michelangelo Antonioni, qui a réalisé en 1949 L’Amoureux mensonge (L’Amorosa menzogna), un documentaire d’une dizaine de minutes sur le roman-photo, et sur la place prépondérante qu’il occupe dans l’Italie populaire d’après-guerre. En effet, le succès de publications telles que Il Mio Sogno ou Bolero Film est phénoménal. Il s’agit d’une nouvelle forme de récits dans lesquels les photographies des situations et personnages sont agrémentées de dialogues disposés dans des « bulles » (ou phylactères) sortant de la bouche des personnages, ce qui vaudra à ces revues le nom commun de « fumetto » (petite fumée), terme également utilisé pour la bande dessinée.
Les histoires, en général créées sur mesure pour ces « fumetti », brassent largement tous les poncifs et figures du roman populaire et du mélodrame (jeunes filles séduites et abandonnées, orphelines, enfants illégitimes, châteaux, secrets de famille, cœurs purs…).
Ornella Vanoni en roman-photo dans Bolero Film (n°174, 10 janvier 1965)
Lorsqu’il est consacré à un film, le roman-photo renouvelle et modernise la tradition plus ancienne du « film raconté », dans lequel le texte, émaillé de quelques photos du film, reste toujours prépondérant.
Les films de Fellini, avec leur lot de personnages simples et naïfs se heurtant à la cruauté et à la veulerie (comme ceux incarnés par Giuletta Massina dans La strada, Les Nuits de Cabiria, Il bidone, Fortunella), se prêtent plutôt bien à l’exercice de leur retranscription en films racontés, romans-photos et autres imprimés bon marché (partitions de chansons des films également), issus d’une presse populaire très dynamique dans les années 1950, et pas seulement en Italie.
Il Bidone raconté dans Amor Film Hebdo (n°117, 16 mai 1956)