Jean-Pierre Beauviala (1937-2019)

9 avril 2019

Jean-Pierre Beauviala - lors du Colloque consacré au numérique, à la Cinémathèque française (2011)

C'est avec beaucoup de tristesse que nous apprenons le décès de Jean-Pierre Beauviala. Génial inventeur de caméras, fondateur d'Aaton, interlocuteur privilégié de nombreux cinéastes, dont Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Beauviala avait un rapport intime au cinéma, aussi poétique que technique. Les outils qu'il a inventés et mis au service des cinéastes ont radicalement transformé l'écriture cinématographique elle-même.

La Cinémathèque française perd un ami et un très généreux donateur, qui lui a fait confiance quand il s'est agi de conserver en lieu sûr les archives et les appareils de l'incroyable aventure artistique et industrielle que fut Aaton. Nous nous engageons à en poursuivre le travail d'inventaire, de classification et de divulgation auprès des chercheurs, travail entrepris sous le regard attentif et bienveillant de Jean-Pierre.

Costa-Gavras et Frédéric Bonnaud


JPB, fin du voyage.
Les obsèques de Jean-Pierre Beauviala auront lieu au cimetière de Mens (Isère) mardi 16 avril à 14h30.
Parapluies bleus, fleurs bleues.


Jean-Pierre Beauviala, ingénieur, inventeur, fondateur de la société Aaton est mort ce lundi 8 avril à 16h30, à son domicile parisien.

Né à Alès le 22 juillet 1937, second d'une fratrie de cinq, il a été un enfant fragile et surdoué construisant son propre agrandisseur à 16 ans. Détourné des études d'architecture par sa mère qui craignait pour sa santé, il fait des études d'électronique à Grenoble et soutient sa thèse sur l'analyse et la synthèse de la parole avant de devenir maître-assistant et se passionner pour la politique et le cinéma. En 1967, il a deux enfants, Julien et Camille.

Cherchant à faire un film lui-même sur la Villeneuve de Grenoble, il achète une caméra et conçoit seul dans son grenier le moteur quartz qui permet le synchronisme de l'image et du son. Quand il expose son invention au directeur de la société Éclair, Charles Matot, celui-ci lui fait immédiatement déposer un brevet et l'engage comme ingénieur conseil à la tête du bureau d'études d'Éclair.

À la suite du rachat d'Éclair par les Anglais, il quitte la société et fonde Aaton en 1971, au cœur de la vieille ville. Il se félicitait tous les jours d'aller à pied rejoindre ses collaborateurs qui travaillaient en vitrine de part et d'autre de la rue de la Paix.

La première caméra LTR 16 mm Aaton sort en 1973 et devient le symbole de liberté des documentaristes du monde entier. La Paluche, première caméra vidéo de main, a inspiré nombre de vidéastes et permis à Claude Lanzmann de filmer à leur insu les nazis présents dans son film Shoah.

Suivront les XTR, l'Aaton 8/35 initiée par Jean-Luc Godard, l'A-Minima, la Pénélope 35, que les jeunes directeurs photo s'achètent aujourd'hui quand ils veulent continuer à tourner en film, et enfin la Pénélope Delta, qui rencontrera une impossibilité de fabrication industrielle. Par ailleurs, dans les pas de Stefan Kudelski, l'inventeur du Nagra, il crée le Cantar X1 en 2002, premier enregistreur numérique que les plus grands ingénieurs du son internationaux utiliseront.

Au-delà des outils de tournage, le rapport poétique et passionné de JPB au temps lui a fait, après l'invention décisive du marquage du temps (timecode), inventer beaucoup de liens entre l'image et le son, qui ont facilité le synchronisme des différents éléments permettant le télécinéma, le montage et le mixage.

Absolument visionnaire, il avait décrit dès les années 80 le mouvement vers le numérique et les outils de reports image/son d'Aaton ont accéléré cette mutation. Ces derniers mois, il travaillait à une caméra ultra-légère, la Libellule.

Architecte dans l'âme, écologiste avant l'heure, il enrageait que l'hydrogène ne soit pas la source d'énergie de la voiture d'aujourd'hui et pleurait la disparition des abeilles.

Caroline Champetier, directeur de la photographie
Julien Beauviala