Bernardo Bertolucci (1941-2018)

27 novembre 2018

Costa-Gavras et Bernardo Bertolucci, à la Cinémathèque française le 16 septembre 2013, pour l'avant-première de Moi et toi.

C'est avec beaucoup de tristesse que la Cinémathèque française a appris le décès de Bernardo Bertolucci. Costa-Gavras, son président, et l'ensemble de son conseil d'administration s'associent à la peine de son épouse, Clare Peploe.

Bernardo Bertolucci était un grand ami de la Cinémathèque, il y avait été souvent accueilli et honoré. Elle avait beaucoup compté dans sa formation cinéphile et politique, et il lui a rendu hommage dans Innocents: The Dreamers (2003) en faisant revivre le temps insurrectionnel de « l'affaire Langlois » et de Mai 68.

En mars dernier, c'est encore à la Cinémathèque, dans le cadre du festival Toute la mémoire du monde, que Stefania Sandrelli est venue présenter la version restaurée de 1900, l'un des films les plus amples de Bertolucci (1976), une véritable épopée où il faisait preuve d'un génie proprement viscontien dans la représentation de l'Histoire.

Fils du poète Attilio Bertolucci, assistant de Pier Paolo Pasolini (Accattone), co-scénariste pour Sergio Leone (Il était une fois dans l'Ouest), Bertolucci a secoué le cinéma italien dès son deuxième film, Prima della rivoluzione (1964), qui fait de lui un cinéaste phare du renouveau cinématographique des années soixante.

Bertolucci savait mêler l'intime et la fresque comme personne et même ses aventures les plus lointaines et les plus coûteuses, comme Le Dernier empereur ou Un thé au Sahara, demeuraient à la hauteur de ses personnages et plaçaient les clivages et les désirs de l'individu au centre de son cinéma. Ses voyages étaient autant d'occasions de déplacer ses obsessions et d'éprouver son cinéma au contact de nouveaux paysages et d'autres façons de penser. C'était aussi une façon de continuer à être en mouvement et réfléchir alors que le succès et le scandale du Dernier tango à Paris auraient pu le condamner aux pièges de la notoriété et de la provocation systématique.

Son dernier film, Moi et toi (2012), avait démontré avec éclat que le cinéaste, encore et toujours, prenait d'instinct le parti de la jeunesse et de l'amour absolu contre une société toujours prompte à censurer le désir au nom de l'ordre.

La Cinémathèque française était l'une des maisons de Bernardo Bertolucci, son point d'ancrage en France, et elle continuera inlassablement de montrer à de nouvelles générations de spectateurs les films de cet ami trop tôt disparu.