1/POPEYE DOYLE (French Connection, William Friedkin, 1971)
Popeye, aka Jimmy Doyle, dans la réalité Eddie Egan, qui fut, avec son partenaire Sonny Grosso, en charge de l’enquête pour le NYPD. Violent, alcoolique, obsédé par les femmes : tous les clichés dans un personnage. Aux antipodes du Gene Hackman de l’époque, qui sur le plateau a du mal à se jeter dans les scènes de violence physique. L’acteur sera pendant tout le tournage poussé à bout par William Friedkin, pour devenir un des flics les plus emblématiques de la période. French Connection lui vaudra l’Oscar du meilleur acteur, et sera le premier film classé R de l’histoire du cinéma américain.
2/HARRY CALLAHAN (L’Inspecteur Harry, Don Siegel, 1971) (et ses suites)
Harry Callahan est ….. dirty donc.
.44 Magnum, réplique cinglante aux lèvres, Harry est le justicier pour qui rien d’autre ne compte que rétablir la vérité et l’équilibre, parfois au mépris des ordres, de la loi, et de son propre insigne. Dans une époque de transition, où la mafia s’installe aux commandes du crime dans tous les États-Unis, Eastwood et Siegel, au scénario, plantent le décor à San Francisco : acte symbolique et politique, tant la ville est alors gangrénée par la criminalité. Du choix de Don Siegel à la production par sa société Malpaso, en passant par la réalisation du quatrième opus, Eastwood insuffle à son personnage une bonne part de sa personnalité, et lui prête le réalisme qui l’avait séduit dans le premier script. Des méthodes musclées, peu orthodoxes, un flic nerveux et dans l’action : Harry reste encore aujourd’hui l’archétype du flic bad, mais libre.
3/ALONZO HARRIS (Training Day, Antoine Fuqua, 2001)
Trouble, flirtant avec des limites qu’il conteste, Alonzo Harris a un plan. Le spectateur embarque avec le rookie Ethan Hawke pour un premier jour pas comme les autres dans les méandres de la vie des narcs de Los Angeles. On sait que la théorie se confronte durement avec la réalité du terrain, mais quelle est la marge d’adaptation ? Où est la limite ? Baladé de bout en bout comme le jeune héros du film, le spectateur reste suspendu à la verve d’un Denzel Washington séducteur, ambigu et carnassier, et voit ses repères moraux constamment mis à mal. Alonzo joue selon les vraies règles, et c’est la seule vraie façon de jouer. C’est en tous cas ce qu’il dit…
4/RAY DONLAN (Cop Land, James Mangold, 1997)
À Garrison, toute la ville est corrompue, tous les flics sont corrompus. Sauf le Shérif Heflin/Stallone qui, dans un parfait contre-emploi de flic empoté, oscille tant bien que mal entre son besoin de reconnaissance, l’admiration qu’il porte à ses collègues et son devoir de représentant de la loi. Malgré, ou grâce à son esprit simple et naïf, il s’oppose seul à tout le système. Au milieu d’un casting de ripoux de haute volée émerge le personnage de Ray Donlan, joué par Harvey Keitel. Retors, pervers, sans complexe, il incarne la quintessence du flic qui use et abuse, et fait régner la loi du silence. Mais Sylvester reste Stallone, et la pourriture, même érigée en principe de vie, a ses limites.
5/HANK QUINLAN (La Soif du mal, Orson Welles, 1958)
Orson Welles, filmé en contre-plongée pour mieux accentuer une déchéance morale et physique, la sienne, wellesienne, et celle de tout un milieu. Entre corruption et racisme, drogue et violences, Quinlan est LE flic fasciste aux méthodes douteuses et controversées, le substantifique Mal, qui a lui seul stigmatise toute une Amérique dégénérescente.
6/LE DOTTORE (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Elio Petri, 1970)
Chez Elio Petri, le policier est anonyme. Seule sa fonction importe et parle pour lui : il est le chef de la brigade criminelle. Un habit confortable qui le place donc « au-dessus de tout soupçon ». Et pourtant, c’est bien lui l’assassin, le manipulateur, qui contrôle et oriente l’enquête. Mais la corruption s’étend bien au-delà, jusqu’au plus hautes sphères de l’institution policière, qui refuse de voir les indices criants qu’il laisse délibérément derrière lui. La fonction aura eu raison de l’homme.
7/RICHARD CHANCE (Police fédérale Los Angeles, William Friedkin, 1985)
Véritable tête brûlée, Richard Chance n’a plus qu’une seule obsession : venger son coéquipier. À n’importe quel prix. Quitte à braquer un agent du FBI infiltré pour assouvir sa soif de revanche, et commettre la bavure suprême. Longtemps à la lisière entre Bien et Mal, c’est malgré lui qu’il bascule d’abord, mais il choisit délibérément de continuer. Son seul garde-fou est son nouveau partenaire, qui prendra de toute façon la relève. Toutes références entre loi et transgression sont désormais brouillées. Un seul arbitre : la ville de Los Angeles, comme un troisième personnage, vivante, vénéneuse et souveraine.
8/LE LIEUTENANT (Bad Lieutenant, Abel Ferrara, 1992)
Tous les vices s’additionnent chez le lieutenant de Ferrara. Alcool, drogue, corruption, jeu, perversion sexuelle. Il n’est plus immoral mais amoral. Le film fait grand bruit car Harvey Keitel ne joue pas. Aucun trucage, aucune simulation, l’acteur habite son rôle. Ferrara accompagne son bad cop sur le chemin d’une rédemption au-delà de la violence, au-delà du Mal, dans une descente aux enfers en piqué. Risquée, inoercible, et fatale.
9/ELDON PERRY (Dark Blue, Ron Shelton, 2003)
Avril 1992, Los Angeles et l’Amérique entière attendent l’issue du procès des policiers du LAPD qui ont passé à tabac Rodney King un an plus tôt. En cas d’acquittement, la ville menace de s’embraser. 10 ans plus tard, c’est ce contexte explosif qui sert de toile de fond à James Ellroy (auteur du synopsis) et David Ayer (scénariste) pour créer Eldon Perry. Brutal, porté sur les blagues racistes et la bouteille, il est l’archétype classique du pourri ordinaire. Pas le machiavélique salopard amoral ou le justicier frustré par un système corrompu, non. Juste un bon petit soldat un peu bas du front, grande gueule qui cache, derrière le respect d’une hiérarchie plus discutable qu’il ne l’est lui, un rapport au droit complètement fucked up. Quand on est un bon flic on pratique des petits arrangements, on emprunte des raccourcis et on laisse les chefs décider. Jusqu’au jour où.
10/BUD WHITE (L.A. Confidential, Curtis Hanson, 1997)
Cette fois, c’est un Film Noir – on est chez Ellroy – classique remanié à la sauce 90’s, qui met en scène une brigade de Los Angeles dans les années 50. Trafic, prostitution, règlements de compte, les tentations sont partout. Dans le trio d’inspecteurs, Russell Crowe incarne la face violence et brutalité. Le flic au grand cœur cogne les cogneurs, pour panser son trauma. S’amourache d’une prostituée, et n’hésite pas à affronter son rival et néanmoins collègue. Cette limite floue fait tout le sel de l’intrigue, et Bud White se débat entre une nature intègre, sa soif de revanche, et l’envie d’en finir avec un système pourri jusqu’à la moelle.
11/AZUMA (Violent Cop, Takeshi Kitano, 1989)
Il est instable, violent, individualiste, ne respecte pas les ordres ni sa hiérarchie… Il y a du Harry Callahan chez Azuma. Mais pas seulement. Il y a aussi beaucoup de noirceur. C’est un flic qui cherche avant tout à assouvir une vengeance personnelle, familiale. Pris en tenaille entre la violence des gangs et un système policier qu’il rejette, il va rendre justice, mais à sa manière, explosive. Dans cette société où chaque strate est malade, du gangster à l’État, le respect de la loi passe par les coups, la transgression, et la mort. « Attention, cet homme est violent », telle est la traduction littérale du titre original. CQFD.
12/ La Brigade de motards (Electra Glide in Blue, James William Guercio, 1973)
John Wintergreen est un jeune policier qui n’a qu’une ambition, celle de devenir un vrai enquêteur. Mais ses collègues sont stupides, corrompus, sans scrupules, sans aucune morale.
John Ford n’est pas loin, Monument Valley voit défiler des motos au lieu des chevaux : Electra Glide in Blue est d’abord un western moderne. Mais quand se déchire le voile du western, il révèle un road-movie désabusé et désenchanté, façon nouvel Hollywood, avec musique ad hoc. Et une charge contre une police corrompue de la base au sommet, une police en perdition, à l’unisson d’une Amérique déliquescente en pleine crise identitaire après la déroute du Vietnam. Un peu comme un négatif d’Easy Rider, où les hippies se confrontent à l’ordre faussement établi de flics violents, à une société dans laquelle l’avènement de l’individuaslisme est imminent.