Hollywood Boulevard

samedi 4 mars 2017, 23h00

Salle Henri Langlois

23h00

Joe Dante, Allan Arkush
Etats-Unis / 1976 / 83 min

Avec Paul Bartel, Mary Woronov, Jonathan Kaplan.

La belle et ingénue Candy Wednesday débarque à Hollywood pour y tenter sa chance. D'abord embauchée comme cascadeuse, elle devient rapidement une des têtes d'affiche des studios Miracle Pictures.

Copie 35 mm issue des collections de Sally Cruikshank et Jon Davison à l'Academy Film Archive.


« Miracle Films. Si c’est un bon film, c’est un miracle. » (carton d'ouverture)

Il y a quelque chose de joyeux dans les débuts de Joe Dante derrière une caméra, une forme de bravade rigolarde et bienveillante dont le réalisateur de Gremlins ne se départira jamais vraiment par la suite. Combien de cinéastes ont-ils inauguré leur carrière avec un pari absurde, de ces gageures qu’on se lance, tête-brûlée, en sachant pertinemment qu’elles sont une fausse bonne idée ? Au moins un. Joe Dante…

Nous sommes en 1977. Modeste monteur de bandes annonces pour les studios New World Pictures, Dante convainc son patron, Roger Corman, de lui confier une caméra pour réaliser son premier film. Tout en précisant qu’il souhaiterait si possible se lancer avec le plus petit budget de l’histoire du studio. Le débutant hérite de 60.000$, de stockshots et de chutes de pellicules, rogatons de celluloïd abandonnés par les autres réalisateurs de l’écurie Corman, sur lesquels Dante va imprimer ses premiers délires loufoques. Ce n’est pas la moindre des surprises que réserve Hollywood Boulevard : le saisissement devant ces premiers bricolages, qui disent tout autant l’humilité du cinéaste en devenir que l’exaltation quasi-enfantine des premières fois. On pensait regarder une simple sexy comédie potache, et on découvre entre deux fous rires émus les prémices d’une œuvre. Car tout Joe Dante est déjà là, caché dans les collures de son premier film : l’impétuosité burlesque des productions maison mais aussi l’érudition cinéphage, les amitiés (Hollywood Boulevard est la première collaboration d’une longue série avec son acteur fétiche, Dick Miller), les œillades affectueuses à la série B et cette verve féroce qui, déjà, dessinent les contours d’un univers. Il faut donc revoir ces premiers pas à l’aune de l’œuvre qui suivra, mais aussi des projets à venir de Joe Dante. Cette année 2017 marquera son retour aux affaires, avec un biopic de… Roger Corman. Le cinéma de Dante, et ce n’est pas la moindre de ses qualités, est aussi affaire de fidélités.

Xavier Jamet


Joe Dante
Etats-Unis / 1968 / 270 min / VO

Une compilation de films des années 1950-60, comprenant aussi des clips, des réalisations promotionnelles, remontés et mis bout à bout...

Numérisé à partir de la copie originale en 16mm. Version originale.


Montage effréné de bandes-annonces, publicités et extraits de films, The Movie Orgy fit à la fin des années 1960 la joie des étudiants américains, pour qui le film était projeté sur les campus lors de séances semi-clandestines.

Le montage présenté est la dernière version de ce projet dantesque, réduit à une durée de 4h30, numérisé à partir de la copie originale en 16 mm. Dans les années 1920, Man Ray et André Breton papillonnaient au hasard des cinémas, quittaient un film en son milieu pour s’engouffrer dans la salle voisine et prendre une séance en cours. Trait d’union assumé entre cet héritage surréaliste et le VJing moderne, The Movie Orgy est un OVNI au titre programmatique, une expérience dingue, 4h30 de collages dadaïstes qui font se croiser L’Attaque de la femme de 50 pieds, séries B, Z, publicités des années 1950, cours d’éducation sexuelle, extraits d’Abbott et Costello et clips de prévention antiatomique. Tout en juxtapositions loufoques, c’est surtout un film qui invite à la flânerie hilare et au marabout-bout-de-ficelle cinéphile. Joe Dante : « Vous pouvez quitter la salle, sortir acheter du popcorn ou une bière, revenir dix minutes plus tard, un peu plus gai. L’essentiel, c’est de vivre cette expérience folle en public, et en salle. » L’invitation est rare, presque unique : le film n’a été projeté que deux fois en Europe ces vingt dernières années.

Xavier Jamet


Piranhas Piranha
Joe Dante
Etats-Unis / 1978 / 93 min

Avec Bradford Dillman, Heather Menzies, Kevin McCarthy.

Des piranhas génétiquement modifiés sont déversés par erreur dans une rivière américaine très fréquentée.

Dans l’énorme sillage de son succès, le requin mâle de Steven Spielberg est vite devenu femelle, soit la matrice de beaucoup de petits films, et très vite parmi ses plus notables rejetons cette ribambelle de poissons carnivores qui, eux-mêmes, auront une descendance (de Piranha 2 de James Cameron à Piranha 3D et même 3DD…).

Deuxième long métrage de fiction de Joe Dante produit par le boulimique Roger Corman, Piranhas ne se résume pourtant pas à un avatar des Dents de la mer. D’abord parce que le film se prépare à nourrir les siens, le piranha apparaissant rétrospectivement comme l’ancêtre quasi préhistorique du Gremlin dans sa version mouillée. De même, le surgissement dans le laboratoire du savant fou d’une bestiole hybride inconnue des zoologues (sauf de Ray Harryhausen), filmée en stop motion, annonce le croisement de prises de vues réelles et d’animation des Looney Tunes passent à l’action. Mais Piranhas, d’un appétit insatiable, se gave aussi d’autres références que de celle du seul Spielberg, aussi bien Orson Welles que Jacques Tourneur, Jack Arnold ou Mario Bava en passant par Les Oiseaux. Du plan du poisson dans la poêle en guise de déjeuner du héros à toutes les séquences où les piranhas passent à table en boulottant sans distinction hommes et femmes, grands et petits, c’est comme dans le film de Hitchcock tout un ordre « naturel » et la chaîne alimentaire habituelle qui s’inversent brutalement. Dans son déchaînement, le film procède à une autre inversion, toute darwinienne, qui ne relève pas cette fois du combat entre espèces différentes (lutte interspécifique) mais entre individus de la même espèce (lutte intra-spécifique) : le carnage final et la vision de ces corps de vacanciers gisant sur les bords du plan d’eau, morts, blessés, mutilés, font « sous-venir » sous ces images celles des expéditions punitives des soldats américains qui ensanglantèrent les rizières vietnamiennes – le film imagine ouvertement qu’à l’origine des militaires ont fait muter ces poissons mangeurs d’homme pour en faire des machines de guerre contre la guérilla. Piranhas, trois ans après la fin de ce conflit meurtrier, c’est un retour à l’envoyeur, et un retour qui vient de l’intérieur.

Bernard Benoliel