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En 1980, après des mois d'un conflit intérieur qui manque de le laisser au tapis (« Il fallait que je me cogne contre le mur que j'avais devant moi »), grâce aussi à De Niro, son acteur fétiche, qui non seulement va délivrer une de ses plus grandes performances, mais encore sait le convaincre de la valeur d'un projet qu'il a initié et coécrit, Martin Scorsese, cinéaste italo-américain hanté par le religieux, raconte la vie du boxeur Jake LaMotta. Ou plutôt, il transfigure certains épisodes d'une biographie tumultueuse. Résultat : un film survolté et rigoureux, tantôt cadré à l'épaule et tantôt en longs plans fixes, alternant ralentis et accélérations, d'une intensité telle que le spectateur en sort comme boxé à son tour, épuisé d'avoir participé depuis sa place. Il rejette et blâme LaMotta, ce bloc de colère paranoïaque, il compatit et voudrait l'aider, comme son frère dévoué ou son épouse aimante, tous battus par un homme qui aura travaillé dur à tout perdre, l'amour des siens et l'estime de soi. Le filmage des combats – d'une puissance à l'image et au son inconnue jusque-là –, précipite tous ces enjeux émotionnels, ceux des personnages et du spectateur. Et c'est à force d'exagération stylistique dans ces moments de tension extrême, à force d'une figuration presque expressionniste d'un drame humain que Raging Bull accède au réalisme, tant extérieur (l'horreur d'un coup porté et reçu) que psychique : « Il n'est vraiment question que de ce qui se passe en Jake LaMotta. » Scorsese l'a dit à maintes reprises : ceci n'est pas un film sur la boxe – un sport auquel il n'entend rien. Davantage l'histoire de la chute d'un homme né « aveugle », luttant dans le noir et qui entrevoit une petite lumière au bout du compte.
Bernard Benoliel