Sans dot

Sans dot Бесприданница

Yakov Protazanov
URSS / 1936 / 86 min

Avec Olga Pyjova, Nina Alissova, Anatoli Ktorov.

Une jeune fille refuse de se marier à un vieillard afin d'obtenir une dot. Elle tombe amoureuse d'un bel homme qui la trahit en un rien de temps.

Copie du Gosfilmofond.


Yakov Protazanov est le seul de sa génération à avoir travaillé avec un égal succès en Russie prérévolutionnaire, en France, en Allemagne et en Union soviétique. Il a adopté différents styles et réalisé des miracles d’intégration psychologique et sociale. Une telle faculté d’adaptation requiert non seulement une grande habileté, mais aussi une grande aptitude au conformisme. Protazanov était considéré comme l’exact inverse d’un auteur. Un professionnel, un artisan, un cynique… Et pourtant, il y a quelque chose de partagé dans ses meilleurs films, son sens de l’ironie.

Sans dot est adapté d’une pièce classique d’Alexandre Ostrovski, l’un des textes préférés de la scène russe, interprété différemment à chaque époque. Lorsque l’un des personnages compare l’innocente jeune fille, désirée par tous les hommes de son entourage, à un objet onéreux, celle-ci s’exclame dans un élan hystérique : « Oui, je suis un objet ! Enfin un nom m’a été trouvé ! ». Protazanov dépeint effectivement son héroïne comme un objet onéreux : il y a plus de gros plans de son décolleté que de son visage. Les séquences mélodramatiques sont traitées avec autant de cynisme, notamment la fin du film. Il en est de même pour l’utilisation abusive qui est faite de la Sixième Symphonie de Tchaïkovsky. Protazanov s’en moquait d’ailleurs dans une lettre à son fils : « Tout le monde admirait […] Tchaïkovsky (ah !, un grand merci à Tchaïkovsky) ». Malgré tout, Sans dot fut un énorme succès au box-office, et le public le prit entièrement au premier degré. Et non seulement en Russie, mais aussi à Paris où le film reçut la Médaille d’or à L’Exposition universelle de 1937.

Peter Bagrov