Centenaire des studios de la Victorine

Du 25 mars au 7 avril 2019

La Victorine : un siècle de cinéma

Né de la migration progressive, à partir des années 1910, de l'industrie cinématographique d'est en ouest, Hollywood avait su devenir l'un des symboles de la puissance américaine. Quelques industriels français rêvent, au sortir de la Grande Guerre, de bâtir au Sud un Hollywood national. De ce rêve en partie abouti sont nés, à Nice, il y a cent ans, les studios de la Victorine.

Seul exemple d'une telle longévité hors de la région parisienne, le studio niçois jouit aujourd'hui encore d'une notoriété enviable dans l'histoire de la production cinématographique, de La Sultane de l'amour (1919) aux Vacances de Mr. Bean (2006), en passant par les emblématiques Enfants du Paradis (1943-44), Lola Montès (1955) ou La Nuit américaine (1972). Aux quelques centaines de films qui ont bénéficié, peu ou prou, des moyens mis en œuvre à la Victorine, il faut ajouter les productions pour la publicité et la télévision (y compris la téléréalité, puisque c'est là que fut réalisée la première édition de l'émission Loft Story en 1996).

Un projet industriel et artistique

Tissée de stratégies industrielles, financières et artistiques, l'histoire de la Victorine l'est aussi de considérations politiques, de plus en plus prégnantes à partir de 1940. Cette histoire débute en fait dès 1917, dans l'esprit de deux entrepreneurs épris d'art cinématographique, l'un et l'autre issus de la galaxie Pathé. Serge Sandberg, le financier du couple, vient de l'exploitation cinématographique sur laquelle il a bâti une enviable fortune lui permettant de racheter, en 1918, la société Éclair et les studios d'Épinay-sur-Seine. Louis Nalpas quant à lui vient de la production. Il a dirigé le prestigieux « Film d'Art » à partir de 1912 et s'associe à Charles Pathé en 1918 pour produire une « superproduction à la française », La Sultane de l'amour. Les firmes Gaumont et Pathé se sont implantées à Nice dès le début des années 1910 et y ont installé des studios. C'est cependant à partir d'entreprises nouvelles, Ciné-Studio et Les Films Louis Nalpas, que Sandberg et Nalpas décident de développer leur projet industriel et artistique en achetant la propriété de La Victorine, qui doit son nom à l'ancien propriétaire du terrain, Victor Masséna, héritier du célèbre maréchal d'Empire. Conçus pour réaliser les productions de Sandberg et Nalpas, les studios de la Victorine, avec leurs quatre plateaux de prise de vues (deux théâtres couverts et deux de plein air), leur atelier de construction de décors, leur magasin de pellicule, sont en mesure d'offrir leurs services en location à d'autres producteurs. C'est ainsi que dès 1919, on filme à la Victorine des productions Louis Nalpas (La Montée vers l'Acropole de Le Somptier, Tristan et Yseult de Mariaud) et des productions externes (La Fête espagnole de Dulac, Matthias Sandorf de Fescourt). En 1920, Sandberg et Nalpas se séparent et le premier reste seul maître des studios. Il engage un nouveau directeur artistique, l'acteur et réalisateur René Navarre, par ailleurs directeur artistique de la Société des Cinéromans (dont Sandberg possède 30% des parts), fondée pour faire pièce à l'envahissement des écrans français par le serial américain. Pour ce genre populaire par excellence, Navarre produira entre 1920 et 1928 huit cinéromans, notamment écrits par Gaston Leroux, dont Impéria (Jean Durand, 1920), Tue la mort (Émile Keppens, 1920), Sept de trèfle (Lino Manzoni, 1921) et Il était deux petits enfants (Lino Manzoni, 1922).

Et pourtant ça tourne...

Avec la crise qui frappe la production cinématographique entre 1921 et 1923, Sandberg décide de développer le secteur des locations au détriment de ses productions propres. C'est alors qu'entrent en jeu des réalisateurs comme Léon Poirier (Geneviève, d'après Lamartine, 1923), Albert Dieudonné (Catherine ou Une vie sans joie, sur un scénario de Jean Renoir avec Catherine Hessling, 1924), Léonce Perret (La Femme nue, 1926) et surtout l'Américain Rex Ingram, dont les superproductions vont marquer l'influence américaine à la Victorine (Mare Nostrum, 1925 ; Le Magicien, 1926 ; Le Jardin d'Allah, 1927 ; Les Trois Patients, 1929).

Avec la vente de Ciné-Studio à la société Franco-Film en 1927 s'ouvre une nouvelle page. Une série de remaniements dans l'actionnariat conduit aux créations successives de Aubert-Franco-Film puis, en 1930, de Gaumont-Franco-Film-Aubert (G.F.F.A.) sous l'égide de qui les studios se modernisent pour s'adapter au parlant. La production cinématographique à Nice dans les années 1930 s'inscrit donc sous le signe de G.F.F.A. On y tourne, entre autres, Don Quichotte de Pabst (1933), Pension Mimosa de Feyder (1934) ou Macao, l'enfer du jeu de Delannoy (1939). Venu de la décoration avant de passer à la mise en scène, Christian-Jaque devient un habitué de la Victorine où il réalise Un de la légion (1936), À Venise, une nuit et Les Pirates du rail (1937), puis Ernest le rebelle (1938).

Si le repli des activités cinématographiques vers le Sud suite à l'Occupation allemande est favorable à la Victorine, qui peut y voir tourner quelques chefs-d'œuvre des années 40 (Dernier Atout, Becker, 1942 ; Les Visiteurs du soir, Carné, 1942 ; La Vie de bohème, L'Herbier, 1943 ; Les Enfants du Paradis, Carné, 1943-44), c'est au prix de multiples interventions politiques. En effet, la Banque nationale de crédit est devenue propriétaire des terrains et bâtiments en 1939, ce qui conduit l'État à intervenir dès 1940 pour créer une nouvelle société placée sous la direction du producteur André Paulvé. En 1942, la Cinecittà fasciste prend le contrôle du capital pour créer la CIMEX. À la Libération, les studios sont mis sous séquestre. En 1950, la CIMEX est dissoute par décision de l'État qui crée une nouvelle société, la SOVIC, avec l'implication financière d'UGC. C'est dans ce contexte que l'on tourne à la Victorine dans les années 1950 La Vérité sur Bébé Donge, La Main au collet, Lola Montès, Et Dieu créa la femme, Bonjour tristesse, Mon Oncle. En proie à des difficultés financières, les studios risquent de devenir la proie de promoteurs immobiliers. La ville de Nice décide d'intervenir en rachetant les terrains qu'elle concède à la SOVIC, permettant ainsi à la Victorine de continuer d'écrire de nouvelles pages de l'histoire du cinéma, des années 1960 à nos jours.

Joël Daire

Partenaires et remerciements

Archives Françaises du Film, Carlotta Films, Ciné-Sorbonne, Cinémathèque Suisse, Europacorp Distribution, Gaumont, Les Acacias, Les Éditions René Chateau, Park Circus Limited, Swashbuckler Films, Tamasa Distribution, Warner Bros. Picture France.


Première partie de la rétrospective : à la Cinémathèque française du 25 mars au 7 avril
Deuxième partie : Festival Victorine à la Cinémathèque de Nice et dans tous les cinémas de Nice du 29 mars au 7 avril

Un événement de la Ville de Nice et de la Cinémathèque française

I Love Nice - Ville de Nice L'Odyssée du cinéma - Nice 2019

Un événement avec

Musées de Nice Cinémathèque de Nice