Don Jean-Paul Rappeneau : sur la piste du « Sauvage »

27 janvier 2015

En prévision de la restauration du Sauvage (Studio Canal et La Cinémathèque française, avec le soutien du Fonds Culturel Franco Américain), Jean-Paul Rappeneau a déposé à la Cinémathèque, en 2011, un ensemble de documents liés au film. Ce don, constitué de scénarios, de documents de préparation et de tournage, ainsi que de deux carnets de notes de travail, éclaire la création d’un film lumineux.

Le Sauvage (Jean-Paul Rappeneau)

Les carnets de notes

Deux carnets de notes constituent les pièces maîtresses de ce don (143 pages pour le premier, 49 pour le second). Tous les plans du film y sont recensés avec pour chacun soit un dessin indiquant une valeur de plan, un mouvement de caméra, un angle de prise de vue, soit un aide-mémoire pour le tournage, par exemple : « Peut-être installer un trav. [travelling] latéral à la rambarde du balcon » pour le plan 80. Lors d’un entretien inédit donné à la Cinémathèque, Jean-Paul Rappeneau commente ces carnets et dévoile un peu de ses méthodes de travail :

« Quand le découpage technique est terminé, je rédige pour moi ces carnets, ou plutôt je les dessine. Ce sont des croquis grossiers de cadrages, ou un rappel de ce que seront les déplacements de la caméra et les places des acteurs. C’est une sorte de story-board personnel, un pense-bête que je suis le seul à consulter quand il m’arrive d’oublier sur le tournage ce à quoi nous avions pensé avec ma scripte, des mois auparavant, pendant l’écriture du découpage. Car, avant chaque film, une fois les repérages terminés, les plans des décors établis, les acteurs distribués, quand je sais tout ce qu’il y aura sur l’écran, je m’enferme avec ma scripte pendant trois semaines dans un bureau pour concevoir le découpage et le rédiger. Assise devant l’ordinateur, elle me regarde aller et venir dans la pièce, lisant les dialogues, essayant d’anticiper les mouvements des acteurs, réfléchissant à la meilleure façon de les filmer dans leurs déplacements. Tout reste ouvert cependant. Si plus tard sur le plateau une meilleure solution se présente, je saute dessus. Les personnages bougent beaucoup dans mes films. Je repense souvent à cette phrase de Max Ophuls à qui on demandait pourquoi ses acteurs s’agitaient tant : « J’ai remarqué, répondait-il, qu’un acteur qui court ne peut pas être mauvais ». C’est vrai que le mouvement, s’il n’est pas gratuit, empêche les acteurs de se poser trop de questions. Je me sens moins à l’aise quand deux acteurs se retrouvent face à face en plan fixe. Quand on demandait à Romain Gary : “Qu’est-ce que la grâce ?”, il répondait : “C’est le mouvement.” »

Carnet de notes de Jean-Paul Rappeneau

Carnet de notes préparatoires

Les scénarios

Ce don est aussi constitué de trois scénarios : une première version – entre traitement et continuité – écrite par Jean-Paul et Élisabeth Rappeneau dans laquelle ne figurent pas, entre autres, les premières scènes du mariage ni les personnages américains ou les scènes new-yorkaises. Les deuxième et troisième scénarios sont les scénarios définitifs. Le premier est un découpage simple, le second – en deux volumes – un découpage technique avec les différentes variétés de plans. Ce dernier comporte notamment des annotations manuscrites ainsi que des plans dessinés sous forme de mini story-boards. Se trouve également, à la fin du scénario, un certain nombre de plans barrés : la fameuse scène dont parle Rappeneau dans son entretien, à savoir celle de la conférence de presse ou Martin fait scandale. Cette scène coupée au montage apparaît bel et bien dans le scénario.

Les documents de préparation et de tournage

Une pochette « documents divers » rassemble des documents préparatoires : quelques pages manuscrites de dialogues (présents dans le scénario), des notes manuscrites sur les personnages américains en vue du casting aux États-Unis, mais aussi quelques dialogues en italien et en anglais, dont le discours de la scène de la conférence de presse. On y trouve aussi des documents de production permettant de donner un aperçu de la préparation du film : quelques feuilles de services, plan de tournage, feuilles de modification d’organisation du tournage ou de préparation d’une scène, un plan de travail, etc. Une feuille attire plus particulièrement l’attention : une liste d’acteurs pour l’interprétation de Martin Sanders (au final, joué par Yves Montand). Les plus grands noms y cohabitent, jetés pêle-mêle. Marqués d’un point vert, quelques noms se détachent, sans doute les candidats les plus sérieux, dont celui de Montand.

 

Liste d’acteurs pour l’interprétation de Martin Sanders

Liste d'acteurs pour l'interprétation de Martin

 

Le dossier de presse

Le dossier de presse (ou matériel publicitaire) est typique des années 1970, en noir et blanc et avec peu d’iconographie. Outre les habituelles fiches technique et artistique et le synopsis, celui-ci propose des présentations et filmographies du réalisateur et des acteurs principaux, des notes sur les principaux collaborateurs et autres interprètes ainsi que des propos extraits d’un entretien avec Jean-Paul Rappeneau publié dans la revue Le Film français, le 23 mai 1975. La couverture du dossier de presse reprend la photo de l’affiche du film.

Les photographies

Vingt-sept photographies du film (cinq de repérage, huit de plateau et treize de tournage, dont une dizaine signées Daniel Simon) complètent la trentaine de photographies déjà présentes dans les collections.

Rappeneau Deneuve Sauvage        Rappeneau Montand Sauvage
Jean-Paul Rappeneau avec Catherine Deneuve et Yves Montand sur le tournage, en 1975