Dans un marché international redevenu très concurrentiel dans l'après-guerre et où domine le procédé américain Technicolor, cette production de la bien nommée société « Films de France » sert à nouveau un projet national : gagner une autonomie technologique et économique en matière de pellicule couleur. On sait aujourd'hui qu'il faudra attendre 1952 pour obtenir des résultats satisfaisants quant à la qualité des procédés, des équipements de studios et de fabrication des lampes à incandescence. Le Mariage de Ramuntcho, réalisé pour partie avec de la pellicule Agfa abandonnée par les Allemands chez Éclair, marque toutefois une étape forte dans cette histoire : le film (tourné en 1946 et sorti en 1947) devait permettre de « doter notre industrie cinématographique d'un laboratoire-pilote pour la couleur et [de] former des équipes de techniciens français susceptibles de réaliser d'autres films du même ordre ».
Le film de Vaucorbeil est en effet présenté comme le « premier film en couleurs de la production française » et le Comité d'attribution estime à ce titre que le résultat doit être « une incontestable réussite ». Or, le sujet (« quelconque »), le plan de financement (« ne couvre pas la totalité du devis ») et la pellicule (« pas assurée ») suscitent de vives réserves : le Crédit National refuse d'abord son concours, puis l'accorde en seconde lecture, en août 1946, alors que le tournage est commencé. L'ensemble du dossier confirme les craintes de départ. Le film connaît des problèmes de production : retards et dépassements liés à des intempéries au Pays Basque et à la construction conséquente d'une place de village dans les studios de la Victorine à Nice. Les difficultés d'approvisionnement en pellicules Agfacolor gênent ensuite son exploitation, lancée malgré tout à l'automne 1948. En effet, l'impossibilité de faire tirer des copies en nombre suffisant alors que le film est déjà dans les cinémas français « arrête pratiquement l'exploitation et empêche l'exécution des contrats Etranger » analyse Pierre Chéret en février 1949.
Près d'un an plus tard, un courrier de C.E.W. Makintosh de la société londonienne Five Ocean Film Company Ltd fait état, lui, de « la mauvaise qualité de la couleur […] très inférieure à ce qu'on est en mesure d'exiger en cette matière » et de ses répercussions négatives sur la vente du film. En vertu de quoi, le groupe anglais refusera de régler à Films de France le forfait prévu pour l'exploitation du film en Grande-Bretagne et en Amérique. Cette appréciation sur la qualité de la pellicule est étayée par d'autres témoignages, comme celui sur ces 92 000 mètres de pellicule Agfa en provenance de la zone soviétique occupée de Berlin, dont plus de 10% s'avère « inutilisable ». Les archives attestent ainsi des grandes difficultés techniques et économiques à conduire un projet comme celui du Mariage de Ramuntcho dans la période de l'immédiat après-guerre : tournage en décor naturel imposé par l'absence de procédés d'éclairages artificiels adéquats en France, montage financier précaire avec mise en participation des techniciens et des acteurs jusqu'à la fin du tournage, problèmes de douanes et de frais pour l'importation de la pellicule depuis l'Allemagne, difficultés de recouvrement, etc. Le Crédit National, en dépit de fortes réserves pour le projet, soutient le film sans faillir une fois donné son accord (réévaluation à la hausse de l'avance pour couvrir les dépassements) et engage, par l'intermédiaire de Pierre Chéret, des négociations commerciales au-delà des frontières françaises, dans un décalque de la géopolitique du monde d'après-guerre.
Six ans après l'expérience de Ramuntcho, l'année même de la sortie en salle de la Bergère et le Ramoneur, le Crédit National étudiera la demande d'un film couleur réalisé pour la première fois avec des matériaux français : Lucrèce Borgia, une production des Films Ariane réalisée par Christian-Jaque ; une société et un réalisateur qui ont eu l'occasion de donner auparavant à la banque des garanties autrement sérieuses que celles présentées par Films de France.