Histoires de films

Les Passagers de la Grande Ourse : encourager un dessin animé en période d'Occupation

Alors que son champ d'intervention exclusif est au départ le format long, le Crédit National engage dès 1942 le financement de courts métrages de la société Les Gémeaux (André Sarrut et Paul Grimault), encourageant ainsi de façon déterminante un cinéma français d'animation en couleur à l'existence alors incertaine. La demande de prêt présentée par « Les Gémeaux, groupe de techniciens de la publicité » pour Go chez les oiseaux excède le cadre de la présentation usuelle : elle déroule 14 pages de développements techniques et artistiques sur les procédés de dessins employés et les spécificités propres à l'exploitation des films d'animation. Le film, expliquent les producteurs, a été interrompu le 2 septembre 1939 par la déclaration de guerre et nécessite 400 000 francs pour sa finition - les dessins colorés sur cellophane devant, en particulier, être refaits. Les directeurs des Gémeaux précisent encore que leur société détient son propre matériel et emploie une quarantaine de personnes (dessinateurs, coloristes, photographes et dactylos), leur « groupe de production de films de dessins animés » ayant été constitué, depuis 1936, sur le modèle de groupes américains. Le « but cherché » est « d'Ouvrir le marché International aux films de dessins animés Français et assurer ainsi la Vie d'Une Industrie Française du Dessin animé », conclue la demande. Le Comité d'attribution des avances se montre sensible à cet argument « national » et donne un avis favorable pour « encourager les efforts » de la « seule entreprise française spécialisée dans la réalisation de dessins animés ». Le sérieux et les compétences des gérants sont salués, ainsi que la « bonne qualité humoristique et artistique » des bandes de 1939, projetées pour appuyer la demande.

Le dossier de ce film dessiné par Grimault et sorti en salle sous le titre Les Passagers de la Grande Ourse, forme, comme d'autres dossiers de ce fonds d'archives, un bon prisme pour étudier les ambivalences de la période. On relève par exemple que, pour le Crédit National, un financement allemand de Go chez les oiseaux présente un « risque politique » à « éviter », la Continental ayant financé en août 1941 Le Marchand de notes, deuxième dessin animé (et premier à sortir en salle) des Gémeaux. Si bien que le Service du cinéma - par un engagement à rembourser le Trésor à la place du producteur si l'avance n'était pas recouvrée au 1er janvier 1944 - et la Vice présidence du Conseil - par une subvention - décident ensemble d'une intervention expresse de soutien au film commencé en 1939. De leur côté, André Sarrut et Paul Grimault, se trouvent au contraire placés dans une situation de dépendance nouvelle vis-à-vis de l'Occupant puisqu'ils doivent désormais utiliser de la pellicule Agfa en lieu et place du procédé Technicolor qu'ils avaient pris l'habitude de commander auprès de laboratoires à Londres.

Après Les Passagers de la Grande Ourse (1942), et trois autres courts métrages (L'Epouvantail à Moineaux, en 1943, Niglo reporter, en 1945 et La Flûte magique, en 1946), le Crédit National aidera une nouvelle production des Gémeaux, quitte à rompre l'équilibre (risque/garantie) requis en matière de prêt bancaire. Il s'agit de La Bergère et le Ramoneur, qui doit être le premier film d'animation de long métrage français couleur. Le fonds d'archives couvre vingt années de travail (1944-1963) sur ce film, de la préparation à la sortie en 1952 : il y est question du montage qui déplut à Paul Grimault et Jacques Prévert, de la rupture des deux artistes avec André Sarrut et de leurs démarches pour racheter les droitsdu film. L'épilogue s'écrit hors du Crédit National : la version remontée, qui obtient le prix Louis-Delluc en 1979 sous le titre Le Roi et l'Oiseau, est coproduite par la Société films Paul Grimault avec la nouvelle banquière du cinéma français : la télévision (Gébé-Antenne 2).

La Malibran : une interdiction d'exploitation à la Libération

La Malibran, tourné en 1943 avec l'aide du Crédit National (4 000 000 F pour un devis de 9 514 998 F), est interdit à l'exploitation en décembre 1944, après la sanction prononcée par la Direction générale du cinéma à l'encontre de Sacha Guitry. Les remboursements de l'avance par la société Sirius se trouvent suspendus à la décision politique jusqu'au mois d'octobre 1947, date de levée de l'ensemble des interdictions frappant les productions du cinéaste. Dans l'intervalle, le directeur adjoint du Crédit National et le chef du service des actes s'accordent avec le producteur Sirius pour éviter le transfert en contentieux du dossier de La Malibran : les intérêts échus sur ce film seront réglés par imputation sur une autre avance du Crédit National (7 500 000 F), reçue par Sirius pour la préparation des Aventures de Casanova (Jean Boyer, 1947). Le 1er février 1947, les trois semestrialités d'intérêts dus sur La Malibran étaient ainsi soldées. Avec la remise en exploitation du film de Guitry en octobre 1947, l'amortissement en capital et intérêt se poursuivra avec rapidité : le capital, qui courrait depuis 1945 (3 690 897, 90 F), est soldé en quatre mois.

Dans cette affaire, la coopération entre le Crédit National et le producteur n'a toutefois pas été immédiate. Le Comité d'attribution des avances va estimer tout d'abord, en décembre 1944, « qu'il ne peut que s'en tenir aux prescriptions de la loi » et rejette la demande de Sirius de suspendre la course des intérêts sur un film dont Sacha Guitry est auteur, metteur en scène et principal interprète. En février 1945, le Comité accède à la requête du producteur après avoir assoupli sa position : il constate la « suspension » d'exploitation pour des « raisons d'opportunité », et non plus en raison d'une « interdiction définitive ». Le 10 janvier 1946, la société Sirius faisait savoir qu'elle avait intenté un recours devant le Conseil d'État pour excès de pouvoir de la Direction générale du cinéma et pointait les contradictions de celle-ci : après avoir subventionné le film en 1943, la Direction l'interdisait en 1944. Le Crédit National lui-même n'échappait pas aux revirements de la période. Il prêtait d'abord 4 millions en 1943 (en raison de la « classe intellectuelle et artistique » d'un film « susceptible d'exercer sur le goût du public une influence plus heureuse que la plupart des films actuels »), puis se retranchait derrière un point réglementaire (engagement de la responsabilité du producteur en cas d'interdiction) pour refuser tout arrangement avec Sirius après l'arrestation de Sacha Guitry. La reprise du dialogue en février 1945 s'apparente donc au retour à la position solidaire vis-à-vis d'une société de production qui avait su, jusqu'à La Malibran, conduire trois opérations satisfaisantes auprès du Crédit National.

Le Mariage de Ramuntcho : un laboratoire pilote pour les films couleurs après-guerre

Dans un marché international redevenu très concurrentiel dans l'après-guerre et où domine le procédé américain Technicolor, cette production de la bien nommée société « Films de France » sert à nouveau un projet national : gagner une autonomie technologique et économique en matière de pellicule couleur. On sait aujourd'hui qu'il faudra attendre 1952 pour obtenir des résultats satisfaisants quant à la qualité des procédés, des équipements de studios et de fabrication des lampes à incandescence. Le Mariage de Ramuntcho, réalisé pour partie avec de la pellicule Agfa abandonnée par les Allemands chez Éclair, marque toutefois une étape forte dans cette histoire : le film (tourné en 1946 et sorti en 1947) devait permettre de « doter notre industrie cinématographique d'un laboratoire-pilote pour la couleur et [de] former des équipes de techniciens français susceptibles de réaliser d'autres films du même ordre ».

Le film de Vaucorbeil est en effet présenté comme le « premier film en couleurs de la production française » et le Comité d'attribution estime à ce titre que le résultat doit être « une incontestable réussite ». Or, le sujet (« quelconque »), le plan de financement (« ne couvre pas la totalité du devis ») et la pellicule (« pas assurée ») suscitent de vives réserves : le Crédit National refuse d'abord son concours, puis l'accorde en seconde lecture, en août 1946, alors que le tournage est commencé. L'ensemble du dossier confirme les craintes de départ. Le film connaît des problèmes de production : retards et dépassements liés à des intempéries au Pays Basque et à la construction conséquente d'une place de village dans les studios de la Victorine à Nice. Les difficultés d'approvisionnement en pellicules Agfacolor gênent ensuite son exploitation, lancée malgré tout à l'automne 1948. En effet, l'impossibilité de faire tirer des copies en nombre suffisant alors que le film est déjà dans les cinémas français « arrête pratiquement l'exploitation et empêche l'exécution des contrats Etranger » analyse Pierre Chéret en février 1949.

Près d'un an plus tard, un courrier de C.E.W. Makintosh de la société londonienne Five Ocean Film Company Ltd fait état, lui, de « la mauvaise qualité de la couleur […] très inférieure à ce qu'on est en mesure d'exiger en cette matière » et de ses répercussions négatives sur la vente du film. En vertu de quoi, le groupe anglais refusera de régler à Films de France le forfait prévu pour l'exploitation du film en Grande-Bretagne et en Amérique. Cette appréciation sur la qualité de la pellicule est étayée par d'autres témoignages, comme celui sur ces 92 000 mètres de pellicule Agfa en provenance de la zone soviétique occupée de Berlin, dont plus de 10% s'avère « inutilisable ». Les archives attestent ainsi des grandes difficultés techniques et économiques à conduire un projet comme celui du Mariage de Ramuntcho dans la période de l'immédiat après-guerre : tournage en décor naturel imposé par l'absence de procédés d'éclairages artificiels adéquats en France, montage financier précaire avec mise en participation des techniciens et des acteurs jusqu'à la fin du tournage, problèmes de douanes et de frais pour l'importation de la pellicule depuis l'Allemagne, difficultés de recouvrement, etc. Le Crédit National, en dépit de fortes réserves pour le projet, soutient le film sans faillir une fois donné son accord (réévaluation à la hausse de l'avance pour couvrir les dépassements) et engage, par l'intermédiaire de Pierre Chéret, des négociations commerciales au-delà des frontières françaises, dans un décalque de la géopolitique du monde d'après-guerre.

Six ans après l'expérience de Ramuntcho, l'année même de la sortie en salle de la Bergère et le Ramoneur, le Crédit National étudiera la demande d'un film couleur réalisé pour la première fois avec des matériaux français : Lucrèce Borgia, une production des Films Ariane réalisée par Christian-Jaque ; une société et un réalisateur qui ont eu l'occasion de donner auparavant à la banque des garanties autrement sérieuses que celles présentées par Films de France.

Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir : l'aide temporaire à l'industrie cinématographique de 1948

Ces deux adaptations de l'œuvre de Gaston Leroux, réalisées l'une par Henri Aisner (Le Mystère de la chambre jaune) et l'autre par Louis Daquin (Le Parfum de la dame en noir), sont préparées la même année 1948 par Alcina, productions cinématographiques. Certains dossiers d'avance du Crédit National, à l'image de celui-ci, sont forgés par « productions groupées » plutôt que par titre de film. Par ailleurs, à partir de 1948, le Crédit National reçoit des demandes d'acompte sur l'aide automatique à la production par le Centre national de la cinématographie (CNC), si bien qu'un même producteur, comme ici Alcina en mars 1949, peut faire l'objet de plusieurs instructions par la banque. Dans ce document, le CNC présente au Comité des avances à l'industrie une demande d'acompte de 20 000 F à réinvestir dans trois films Alcina : deux en finition (Le Mystère de la chambre jaune et Le Parfum de la dame en noir) et l'un à démarrer (Plaisir d'amour, d'Henri-Georges Clouzot). Manon, film Alcina terminé et en exploitation depuis le 11 février 1949, sert de base à l'établissement de l'assiette de cet acompte (estimation des recettes, récapitulation des minimum-garanti de distribution obtenus à l'étranger, liste des ventes fermes et des pays restant à démarcher). Après la loi du 19 mai 1941 l'autorisant à procéder à « des avances aux entreprises intéressant l'industrie cinématographique française », cette loi du 23 septembre 1948 instituant « l'aide temporaire à la production » va donc renforcer le rôle du Crédit National comme trésorier des producteurs de films de longs métrages des années cinquante.

Manon des sources : un producteur refuse une avance

Le fonds du Crédit National rassemble tous les dossiers de films ayant sollicité une avance à la production, qu'un contrat de prêt ait été signé ou non (refus du Comité d'attribution ou abandon du projet par le producteur). Manon des sources, film tardif de Marcel Pagnol (1952), offre un exemple original de ce deuxième type de dossier. Ici, le réalisateur-scénariste-dialoguiste-producteur renonce au bénéfice de l'avance un mois après l'accord du service de prêt, sur ce constat amer : « Je croyais que le Crédit National était le philanthropique bienfaiteur du cinéma. Je m'aperçois qu'il coûte beaucoup trop cher, comme d'ailleurs la plupart des bienfaiteurs ». La demande de la Société nouvelle des films Marcel Pagnol avait été acceptée en première lecture en mai 1952 (« le renom et l'expérience de l'animateur de cette production […] autorisent une avance ») et assortie des conditions habituelles (« délégation de 75% des recettes françaises ») et d'une plus exceptionnelle (« la caution de M. Marcel Pagnol »).

Dans son courrier d'annulation, M. Pagnol reproche au Crédit National de ne pas prendre de risque (remboursement au premier rang des recettes et caution personnelle) et d'imposer des frais qui portent, selon ses calculs, à 32,40% l'an les intérêts du prêt (Pagnol ajoute au taux d'intérêt annuel, le coût de l'assurance et de l'expertise-comptable Chéret imposés par la banque). Le contrôle exercé par Pierre Chéret est jugé « intolérable » : « parce qu'il représente les 15 millions du Crédit National, il a le droit de surveiller les 25 que j'apporte [sur un devis de 51 216 000 F], et de donner son avis sur tout. » Le Comité répond, laconique, prendre « acte du désistement du producteur qui n'accepte pas de se conformer aux conditions habituelles destinées à assurer la sécurité des Fonds du trésor ». Le film sort le 16 janvier 1953 et, avec 4 278 000 entrées en fin d'année, se place en neuvième position du box-office. En pointant le caractère « onéreux » de l'aide du Crédit National, Marcel Pagnol a pu, en juin 1952, formuler des critiques partagées par d'autres producteurs - des producteurs renonçant à l'avance sans en expliquer les motifs ou dédaignant même d'engager la procédure. Son argumentaire n'est pas en effet sans préfigurer les raisons du repli du Service des prêts sur ses autres secteurs industriels quand, à la fin des années cinquante, les sources de financements privées et publiques se diversifient pour les producteurs de cinéma.

L'analyse de Pagnol forme pourtant l'exact contraire de celle de Pierre Braunberger, qui sollicitait en 1950 pour Le Tampon du Capiston une avance plus importante que celle obtenue en premier examen (voir Correspondance du Tampon du Capiston). Le dossier de Manon des sources rappelle ainsi comment chaque opération d'avance conduite au Crédit National se situe à la croisée de l'histoire générale du financement du cinéma et de l'histoire particulière d'une maison de production. Les conditions fixées à la société nouvelle Les Films Marcel Pagnol relèvent en fait de ce que le Service des prêts appelle « un dur » (pourcentage sur la délégation des recettes très élevé, contrôle total des comptes du film par Pierre Chéret et caution personnelle), quand d'autres avances sont consenties avec plus de souplesse. Le Comité d'attribution dispose ainsi d'un volet de conditions permettant de signifier encouragement ou découragement au producteur, et traduisant la plus ou moins grande part de risque que l'organisme est disposé à prendre.

Dans ce cas précis, la position du Crédit National s'éclaire également par les démarches de l'associé de Marcel Pagnol à Paris, Frédéric Heldt. Celui-ci s'est rendu dans les bureaux de la rue Saint-Dominique quelques jours avant la réunion du Comité d'attribution et a « ordonn[é] confidentiellement à Chéret des instructions ». Si bien qu'il paraît établi - à la lecture de notes manuscrites glissées dans le dossier - que si « Chéret a envoyé un « dur » », c'est « à la demande de Frédéric Heldt ». Les échanges entre Marcel Pagnol et la banque, accessibles à livre ouvert dans les archives, doivent donc être remis en perspectives avec les discrètes différences de vues des deux associés de la Société nouvelle des films Marcel Pagnol, récemment approchée par Gaumont

Non aux Cousins, oui au Canard en fer blanc : les dernières années du Crédit National

Le deuxième film de Claude Chabrol, produit en 1958 par sa société AJYM, n'est pas financé par le Crédit National, qui rejette sa demande de 35 000 000 F sur un devis semi-définitif de 75 248 000 F. Aucun autre producteur phare de la Nouvelle Vague française (groupe Cahiers du cinéma ou groupe Rive gauche) ne sollicite de financement de cet organisme, qui apparaît bien étranger à la culture et au mode de production du mouvement. On remarque l'observation sèche du président du Comité pour motiver l'avis du 29 juillet : « non vu le sujet », et le type de financement singulier proposé par Chabrol (plus de 80% du plan de financement provient de l'argent public). Dans les documents préparatoires, AJYM conçoit en effet un montage tripartite entre le Crédit National, les crédits (studios, laboratoires et assurances) et son apport producteur, lequel est constitué à 78 % par la prime à la qualité obtenue pour Le Beau Serge.

Les archives enregistrent ainsi des informations relatives aux changements qui se font jour dans les années cinquante, permettant de reconstituer les limites de l'espace dans lequel la banque souhaite désormais intervenir. La Tête contre les murs (Georges Franju), produit la même année 1958 que Les Cousins, obtient l'avance du Crédit National et désigne le jeune cinéma qui peut être aidé par la rue Saint-Dominique : celui qui peut donner des gages de « qualité » par ses scénarios et par la renommée et le sérieux de ses équipes techniques et artistiques. L'inscription dans une tradition préexistante semble donc impérative ; le Comité d'attribution doit pouvoir reconnaître les pratiques professionnelles, voire corporatives. Les producteurs (ici, Artistes et techniciens de l'industrie cinématographique associée, Sirius Films et Elpénor Films) ayant été sous contrat avec le Crédit National dans le passé et ayant remboursé l'avance, se trouvent avantagés.

Louis Malle, qui bénéficie d'une avance pour son premier long métrage, Ascenseur pour l'échafaud, puis pour son second, Les Amants, pourrait faire figure d'exception ; encore que son associé dans la Nef, Jean Thuillier, apporte l'expérience et la notoriété de ses années de direction au sein de l'UGC, une société habituée aux opérations d'avance avec le Service de prêt du Crédit National. L'année 1959 forme en fait un pivot dans l'histoire du Crédit National : à partir de 1960, il n'est plus l'interlocuteur privilégié dans le financement des entreprises cinématographiques. Le service de prêt de la rue Saint-Dominique continue néanmoins de travailler en collaboration avec le comité n°12 du Fonds de développement économique et social (FDES) et enregistre encore 106 demandes. Il finance de nombreux films d'auteurs de « qualité française » (Henri Decoin, Jean Delannoy, Julien Duvivier, André Hunebelle, Denys de la Patellière) ou de ceux qui en forment une certaine relève (George Lautner, Edouard Molinaro, Henri Verneuil).

Les dossiers de cette dernière partie du fonds du Crédit National, jusqu'au dernier constitué par Christine Gouze-Rénal pour Le Canard en fer blanc (Jacques Poitrenaud, 1967), présentent une moindre dimension dialogique entre producteur et banque. L'arbitrage devient plus exclusivement financier (hauteur du prêt et capacité de remboursement) et le projet lui-même ne fait plus l'objet des attentions et discussions des périodes précédentes : la dimension de politique publique, très présente dans les engagements du Crédit National entre 1941-1945 et 1946-1959, est moins patente. Demeure une source précieuse pour la connaissance du cinéma commercial hors Nouvelle Vague, et pour les films négligés par les dictionnaires du cinéma.