Programme de recherche ANR Cinémarchives

Serge Pimenoff
Les techniques du décor de cinéma

Archives et décor de cinéma

La collection des dessins

Les fonds des décorateurs

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Introduction

Tout fonds d'archives consacré à un décorateur peut nous renseigner sur l'évolution de ce métier et participer ainsi à une histoire du décor au cinéma. Les méthodes et les matériaux employés, les sources d'inspiration et les styles sont à la fois singuliers - propres à chaque décorateur - et sont en même temps les traces d'une continuité dont le savoir-faire s'est transmis de génération en génération. Travail d'équipe par excellence, la décoration réunissait au sein d'un même atelier menuisiers, artistes-peintres, « mouleurs », staffeurs, régisseur, ensemblier, assistants, stagiaires, etc. De plus, le métier de décorateur impliquait un parcours initiatique de type compagnonnage, auprès d'un « maître », et ce jusqu'à la promotion éventuelle pour devenir chef décorateur (lorsque l'« élève » est finalement reconnu pour son propre style). Avant d'en arriver là, beaucoup de films sont nécessaires en tant qu'assistant, parfois des dizaines. Certains décorateurs ne font jamais ce grand saut, parfois par choix, comme l'omniprésent Jacques Brizzio, resté dans l'ombre toute sa carrière et qui reste pourtant une référence pour des décorateurs confirmés. Ces années de formation et de collaboration sont significatives pour comprendre les méthodes employées par un chef décorateur. Malgré cela, cette partie de carrière est aujourd'hui ignorée par l'histoire du cinéma, qui ne retient de l'histoire du décor cinématographique que les grandes figures de chefs décorateurs.

Le fonds Lazare Meerson

Dans des archives de la Cinémathèque française, les fonds de décorateurs ont une place assez importante, car dès la création de l'institution, son cofondateur Henri Langlois a su porter un intérêt particulier à ce métier. Le fonds Lazare Meerson, par son ampleur (36 boîtes d'archives et 350 maquettes), et par le rôle que cet artiste hors pair a joué auprès d'autres décorateurs, est incontournable. Le goût de ce décorateur pour la recherche systématique de documentation en vue de nourrir ses projets de maquettes a été un modèle pour Alexandre Trauner, mais aussi pour Serge Pimenoff, Jean Perrier, Georges Wakhévitch, Lucien Aguettand, Jean D'Eaubonne, Robert Gys, Max Douy, André Barsacq, Pierre Schild, ou encore Eugène Lourié. De même, le principe selon lequel un décor d'ambiance doit passer inaperçu aux yeux du public pour renforcer la scène sans dénaturer le sens et la portée du découpagetooltip a été une source d'inspiration pour ses nombreux assistants, mais aussi pour les décorateurs de plusieurs générations. Sa minutie et sa rigueur sont à l'image des pièces qu'on retrouve dans le fonds permettant de suivre l'évolution de son travail depuis la recherche documentaire jusqu'à la réalisation des maquettes. Ses archives personnelles sont également très importantes : de la correspondance témoignant de ses liens étroits entre sa vie privée et sa vie professionnelle en passant par les factures des livres qu'il achetait avec une régularité surprenante, jusqu'aux listes des frais de subsistance. Alberto Cavalcanti, qui avait engagé Lazare Meerson pour l'assister dans les décors du film Feu Mathias Pascal de Marcel L'Herbier, lui rend hommage en écrivant : « Non seulement Meerson était doté d'une imagination et d'une inspiration hors pair ; de plus, c'était aussi un décorateur précis et consciencieux, qui ne s'épargnait aucun effort et veillait à une exécution correcte de l'ensemble de travail, conforme à ses exigences élevées. Cette supervision personnelle de chaque détail est, pour un architecte, un des grands secrets de la réussite. »tooltip

Des documents très précieux (correspondance, croquis, recherches iconographiques) conservés dans le fonds Lazare Meersontooltip retracent aussi les débuts du décorateur Alexandre Trauner, qui fut assistant de Lazare Meerson. Des débuts difficiles, occultés par les biographies officielles, au cours desquels on peut observer le décorateur à l'affût de la moindre commande pour s'introduire durablement dans le milieu du cinéma. Entre 1929 et 1931, il est officiellement stagiaire volontaire, sans rémunération, auprès de Lazare Meerson pour les Films sonores Tobistooltip. Il ne survit que grâce à l'aide financière de Meerson lui-même. Les années qui suivent sont marquées par des hauts mais bien souvent par des bas, durant lesquels le renouvellement de sa carte de travail semble être son principal souci d'exilé hongrois, même s'il participe en tant qu'assistant de Meerson à plusieurs films de René Clair et Jacques Feyder. Entre 1936 et 1937, sa longue correspondance avec Meerson - au moment où celui-ci séjournait à Londres - frappe par les lamentations répétées de Trauner, toujours aux prises avec ses soucis financierstooltip. La manière dont le parcours d'Alexandre Trauner est détaillé dans les documents d'archives de son Maître éclaire la méthode indirecte qui a aussi permis de retracer le parcours de Serge Pimenoff (notamment les fonds d'archives consacrés à Nicolas Wilcke et Paul Minine).

crédits

Le programme de recherche ANR Cinémarchives regroupe la Cinémathèque française, l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, l'université Paris Diderot - Paris 7, le Centre national de la Recherche scientifique et l'université Paul Valéry - Montpellier 3, avec le co-financement de l'Agence nationale de Recherche.

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