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Histoires de films

La Malibran : une interdiction d'exploitation à la Libération

La Malibran, tourné en 1943 avec l'aide du Crédit National (4 000 000 F pour un devis de 9 514 998 F), est interdit à l'exploitation en décembre 1944, après la sanction prononcée par la Direction générale du cinéma à l'encontre de Sacha Guitry. Les remboursements de l'avance par la société Sirius se trouvent suspendus à la décision politique jusqu'au mois d'octobre 1947, date de levée de l'ensemble des interdictions frappant les productions du cinéaste. Dans l'intervalle, le directeur adjoint du Crédit National et le chef du service des actes s'accordent avec le producteur Sirius pour éviter le transfert en contentieux du dossier de La Malibran : les intérêts échus sur ce film seront réglés par imputation sur une autre avance du Crédit National (7 500 000 F), reçue par Sirius pour la préparation des Aventures de Casanova (Jean Boyer, 1947). Le 1er février 1947, les trois semestrialités d'intérêts dus sur La Malibran étaient ainsi soldées. Avec la remise en exploitation du film de Guitry en octobre 1947, l'amortissement en capital et intérêt se poursuivra avec rapidité : le capital, qui courrait depuis 1945 (3 690 897, 90 F), est soldé en quatre mois.

Dans cette affaire, la coopération entre le Crédit National et le producteur n'a toutefois pas été immédiate. Le Comité d'attribution des avances va estimer tout d'abord, en décembre 1944, « qu'il ne peut que s'en tenir aux prescriptions de la loi » et rejette la demande de Sirius de suspendre la course des intérêts sur un film dont Sacha Guitry est auteur, metteur en scène et principal interprète. En février 1945, le Comité accède à la requête du producteur après avoir assoupli sa position : il constate la « suspension » d'exploitation pour des « raisons d'opportunité », et non plus en raison d'une « interdiction définitive ». Le 10 janvier 1946, la société Sirius faisait savoir qu'elle avait intenté un recours devant le Conseil d'État pour excès de pouvoir de la Direction générale du cinéma et pointait les contradictions de celle-ci : après avoir subventionné le film en 1943, la Direction l'interdisait en 1944. Le Crédit National lui-même n'échappait pas aux revirements de la période. Il prêtait d'abord 4 millions en 1943 (en raison de la « classe intellectuelle et artistique » d'un film « susceptible d'exercer sur le goût du public une influence plus heureuse que la plupart des films actuels »), puis se retranchait derrière un point réglementaire (engagement de la responsabilité du producteur en cas d'interdiction) pour refuser tout arrangement avec Sirius après l'arrestation de Sacha Guitry. La reprise du dialogue en février 1945 s'apparente donc au retour à la position solidaire vis-à-vis d'une société de production qui avait su, jusqu'à La Malibran, conduire trois opérations satisfaisantes auprès du Crédit National.

  • La Malibran, une interdiction d'exploitation à la Libération (20 octobre 1947) (1)
  • La Malibran, une interdiction d'exploitation à la Libération (20 octobre 1947) (2)
  • Tableau de prêt pour La Malibran