Une image chargée de sens

Introduction

L’effet d’image clos, recherché par le cinéma allemand de cette période, se sert de la stylisation et de la conception picturale pour communiquer une atmosphère, et à travers elle un sens spécifique. Ce sens inscrit dans l’image par le travail plastique produit un lien fort entre l’espace, l’action et le personnage, comme le souligne Fritz Lang en 1926. Quelques années plus tôt, dans une revue d’architecture, on trouve cette idée formulée à propos d’un plan célèbre du Caligari :

«Le prisonnier. Impression la plus forte que l’on puisse imaginer d’un geste enfermant de l’espace. Des murs courant obliquement vers le haut entourent l’homme. Leur intention est violemment soulignée par des surfaces colorées, en forme de coin, qui ont toutes une même tendance. Elles descendent de la pointe (invisible) de la pièce, touchent le sol et de là elles vont vers le centre. Au centre l’homme, à la fois prisonnier de son destin et de l’espace. Synthèse indissoluble de l’homme, de l’espace et du destin(1)Heinrich de Fries, «Raumgestaltung m Film», Wasmuths Monatshefte fürBaukunst, nos1-2, 1920/1921.

Inscription du sens dans l’image

Selon les architectes-peintres, leur tâche consiste à déterminer l’«optique artistique d’un film», et il est évident à leurs yeux que celle-ci ne dépend pas de la Kunst des Schneidens, c’est-à-dire du montage(2)C’est en ces termes que Robert Herlth, décorateur, entre autres, de Faust, décrit la hiérarchie des moyens expressifs du cinéma. «Die Aufgabe des Malers beim Film», Gebrauchsgraphik, n°6, 1924/1925.. Et, en effet, ni la fonction ni le moment du montage ne semblent recevoir beaucoup d’attention dans les textes écrits par des théoriciens ou des techniciens du cinéma en Allemagne à cette époque(3)Il semble que ce soit le réalisateur qui, dans un premier temps, détermine la longueur et l’emplacement des plans, et que, par la suite, ce soit la Filmkleberin («colleuse de film») qui monte le film selon ses indications. La dénomination Filmkleberin suggère en effet qu’il s’agit d’une fonction peu valorisée dans la chaîne du travail de création.. Contrairement au cinéma soviétique, qui cherche à créer des effets de sens à travers le «choc» du contact entre deux plans, la conception «expressionniste» de l’image prévoit tout au contraire que le sens se trouve en quelque sorte inscrit dans chaque plan, grâce au travail, notamment, des architectes-peintres.

Effets de montage

Le montage, bien évidemment, est une étape importante et incontournable dans le processus de production de quelque film que ce soit, mais, dans l’organisation pratique du travail dans les studios allemands de cette époque, il paraît occuper un rang inférieur. On trouve cependant de nombreux exemples d’une utilisation astucieuse du montage pour établir un lien entre différentes scènes.

Ainsi, dans Nosferatu, quand le jeune homme subit l’attaque du vampire, sa fiancée est en proie à une crise de somnambulisme. Le montage crée alors une sorte de communication spirituelle entre la femme et l’homme, qui, un peu plus tard, culmine en un croisement de regards entre elle et le vampire - lien fatal pour la jeune Ellen, future victime de Nosferatu.

Photogramme: Le Cabinet du docteur Caligari Photogramme:
Le Cabinet du docteur Caligari
de Robert Wiene, 1919

Photogramme de Metropolis Photogramme de
Metropolis
de Fritz Lang, 1926

Extrait de Nosferatu Extrait de Nosferatu
de F. W. Murnau, 1921

Photogramme: Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene, 1919

Photographie de tournage, Die Nibelungen: Siegfrieds Tod

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Photogramme de Metropolis de Fritz Lang, 1926

Photogramme de Metropolis

L’ouvrier, épuisé, tente dans un dernier effort de régler les aiguilles. Il est comme crucifié sur le cadran. Le sens de l’image est inscrit dans la composition du plan.

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Extrait de Nosferatu de F. W. Murnau, 1921

Droits: Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung;
Distributeur: Transit Film GmbH

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