Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

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Caméra réversible film 35 mm

N° Inventaire : CNC-AP-19-1350

Collection : Centre national du cinéma et de l'image animée

Catégorie d'appareil : Prise de vues cinématographiques

Nom du modèle : Kinétographe de Bedts

Numéro de fabrication : n° 23

Lieu de fabrication : Paris, France

Année de fabrication : 1896

Brevet : George William de Bedts, B.F. n° 260 841, déposé le 29 octobre 1896, "Système d'appareil chronophotographique et de projectio... +

Fiche détaillée

Type de l'appareil

entraînement du film 35 mm par deux disques dentés disposés l'un au-dessus de l'autre verticalement ; celui du haut, plus petit, ne porte que trois dents sur la circonférence, divisée en trois parties égales ; ces trois dents pénètrent une à une, au fur et à mesure de la rotation, dans chacun des dix groupes de dents disposés sur la circonférence du deuxième disque, d'un diamètre plus grand ; ce grand disque (6 cm de diamètre), donc entraîné de façon intermittente, est relié sur le même axe à un débiteur denté qui va entraîner le film, et à l'obturateur à une pale ; deux axes pour deux chargeurs débiteur et récepteur à 20 m. de film ; trois galets en bois ; manivelle ; objectif Darlot de projection

Auteurs

George William de Bedts
Paris, 368 rue Saint-Honoré

Fabricants

George William de Bedts
Paris, 368 rue Saint-Honoré

Utilisateurs

George William de Bedts
Paris, 368 rue Saint-Honoré

Distributeurs

George William de Bedts, The Anglo American Photo Import Office
Paris, 368 rue Saint-Honoré

Sujet du modèle

Informations non disponibles

Objectif

Darlot, Paris, (projection)

Taille de l'objet

Ouvert :
Informations non disponibles

Fermé :
Longueur : 26 cm
Largeur : 23.5 cm
Hauteur : 23.5 cm

Diamètre :
Informations non disponibles

Taille de la boîte de transport

Informations non disponibles

Remarques

Voir le "Kinétographe pour amateurs" fabriqué également par George William de Bedts : CNC AP-99-888.

Autres exemplaires du Kinétographe de Bedts : Musée des arts et métiers ; Société française de photographie ; Cinémathèque portugaise ; Eastman Museum, Rochester.

"Projection mouvementée. le Kinétographe de Bedts pour projections théâtrales, exploitation, etc. Cet appareil est le plus simple, le plus robuste, le plus rationnel de ceux qui aient été construits. Son emploi est des plus faciles. Toutes les parties et toutes les pièces qui sont susceptibles d'être maniées pendant les opérations, sont bien à portée de la main et on ne peut plus accessibles. La pellicule, pendant les clichés successifs qu'il s'agit de projeter, est d'abord enroulée d'avance sur le magasin, d'où elle est amenée sous le rouleau-guide qui la déroule régulièrement avec l'aide du rouleau presseur sur lequel elle passe, avant de s'introduire dans la chambre où se fait l'exposition des clichés, de là elle vient s'engager sur les roues entraîneurs, dont les dents correspondent à ses perforations et où elle est maintenue par le rouleau cannelé ; son extrémité est ensuite arrêtée sur la pince du magasin où elle doit se réenrouler pendant l'opération ; les rouleaux sont mobiles et maintenus seulement par des ressorts, ce qui rend la mise en place de la pellicule très rapide et commode, de même que la chambre qui s'ouvre à volonté. Le mouvement intermittent nécessaire est produit par la roue dont la circonférence ne porte que trois dents également espacées qui produisent le mouvement, les autres parties non dentées maintiennent les entraîneurs à l'arrêt ; tout ce mécanisme est mis en mouvement par la roue dentée dont l'axe porte une manivelle. Le même appareil, mis en boîte fermée, sert à la photographie des pellicules pour obtenir des négatifs qui servent d'originaux. L'appareil pèse 5 kg, mesure 21 cm x 21 cm x 16 cm et est muni de deux objectifs dont l'un sert de viseur. L'appareil est composé d'un mécanisme très simple, mais bien conditionné et sérieusement fait. L'appareil forme par sa combinaison deux appareils distincts : un appareil à prendre des vues de 35 mm de 30 m de long ; un appareil à projection mouvementée. L'appareil coûte 350 francs net. Accessoires : bandes papier négatif Wellington pour prises des négatifs, largeur 35 mm, longueur 21 m, 12 fr. Bandes de film (pellicule) mates ou transparentes, les 21 mètres en 35 mm de large toutes perforées, 21 fr. Bandes de films négatives ou positives, extra fortes et transparentes 35 mm, 22 m, 50 toutes perforées, 29 fr. Films positifs tout impressionnés pour la projection, longueur du film de 18 à 21 mètres, mat ou transparent, 37,50 fr. Les mêmes sur film extra fort et transparent, 45 fr. Lanterne avec condensateur et cuve à eau avec saturateur oxyéthérique, de 160 à 275 fr. La même avec lampe à arc électrique, de 275 à 325 fr. [...] Les projections mouvementées, animées. C'est grâce à la concurrence que le public a été à même d'apprécier la supériorité de notre Kinétographe de Bedts breveté S.G.D.G. Il ne détériore jamais la pellicule. Fonctionne mieux que tous les appareils similaires. C'est le meilleur. C'est le moins cher. L'appareil sert à faire des négatifs et à faire la projection mouvementée jusqu'à grandeur naturelle. Ateliers pour la fabrication des films, leur tirage, leur développement et leur perforage. Scènes amusantes et dernières actualités. Films de la Collection de l'Anglo-American Photo-Import Office, 310 sujets" (Projection mouvementée Le Kinétographe de Bedts pour projections théâtrales, exploitation, etc., s.d. [1897], archives John Barnes).

"Pour la projection des positifs et la synthèse du mouvement, l'appareil peut se disposer sur une table allongée, solidement fixée pour éviter toute vibration. Elle supporte, en plus de l'appareil dérouleur de bandes, la lanterne de projection contenant la source lumineuse et recevant la cuve à glaces parallèles remplie d'eau alunée et destinée à absorber les rayons caloriques tout en laissant passer les rayons lumineux, afin d'éviter la destruction des films par excès de chaleur" (J. L. Breton, "La Chronophotographie", Revue scientifique et industrielle de l'année, Paris 1897, p. 203-205).

"Le kinétographe de M. de Bedts est un des premiers qui aient paru : inspiré directement par l'instrument d'Edison, il a introduit dans le système américain l'arrêt de la pellicule, et cela non par une griffe et un excentrique comme dans l'appareil de Lumière, mais par une roue à dents inégales et un cylindre à chevilles, disposition qui a été imitée dans beaucoup de modèles venus après coup. [...] Le kinétographe est monté pour les projections sur un banc lourd et rendu plus stable encore par des poids posés sur la planchette qui relie les pieds ; on place l'appareil muni de son objectif ; en arrière la lanterne éclairante porte à l'avant du condensateur une cuve verticale remplie d'eau alunée qui arrête (en partie) les rayons calorifiques et empêche l'inflammation de la pellicule" (Eugène Trutat, La Photographie animée, Paris, Gauthier-Villars, 1899, p. 79-81).

George William de Bedts est un pionnier belge (né à Gand le 30 juillet 1857 ; il décède vers 1905) du cinéma qui a tenu un rôle de première importance dans le domaine des photographies animées et dans la vulgarisation de la chronophotographie. D'abord simple vendeur, il va devenir ensuite fabricant de ses propres appareils. Il correspond avec la firme Eastman, évoquant en 1891 la possibilité de diriger une succursale à Paris. Finalement il ouvre une boutique à Paris, en 1893, au numéro 368 de la rue Saint-Honoré. Baptisé "Anglo-American Photo-Import Office", ce magasin est le dépôt général en France des pellicules et appareils photographiques fabriqués par l'European Blair Camera Company. Cette société, fondée en 1893, et dont le siège social se trouve à Londres, 9 Southampton Street, High Hilborn, était la succursale européenne de la Blair Camera Company, créée en 1881 aux Etats-Unis par Thomas Henry Blair. Cette firme américaine tient une grande place, comme celle de George Eastman, dans l'histoire : en effet, les premiers films du Kinétoscope Edison, montrés aux Etats-Unis à partir d'avril 1894, étaient tirés sur une pellicule 35 mm fabriquée par la Blair Camera Company. En Angleterre, Robert William Paul et Birt Acres réalisent leurs premiers films en 1895 grâce au matériel de l'European Blair Camera Company. Devenir le représentant, pour la France, des pellicules fabriquées par cette société, est déjà un avantage considérable pour de Bedts. En 1894 et 1895, il propose dans sa boutique de la rue Saint-Honoré toutes sortes d'appareils photographiques anglais et américains, du papier sensible au bromure, mais surtout des "nouvelles pellicules (films) en rouleaux à émulsion rapide". Ces films, enfermés dans un étui opaque qui les protège contre la lumière, sont transparents comme le verre, affirme la publicité. De Bedts vante aussi les mérites d'un appareil photographique à rouleaux de pellicule, le "Bull's Eye", qui sera présenté à Paris le 17 janvier 1895 à la Société d'études photographiques de Paris et vendu également par le Comptoir général de photographie quelques mois plus tard.
L'approvisionnement en pellicules a toujours été un problème majeur pour les chronophotographistes européens des années 1890. On lit, dans la correspondance d'Etienne-Jules Marey et de son préparateur Georges Demenÿ, les difficultés rencontrées pour trouver un bon support. Ils ont essayé la pellicule Eastman, Balagny, Jougla, et sans doute celle de Blair. Après sa rupture avec Marey, Demenÿ est venu en 1894 rendre visite à de Bedts pour examiner la nouvelle pellicule. L'exploitation industrielle des "portraits animés" et des "projections mouvementées" est une idée qui intéresse Demenÿ et de Bedts ; à la fin de l'année 1894, les deux hommes s'entendent et de Bedts prend en dépôt dans son magasin le phonoscope et la chronophotographe à came battante Demenÿ. C'est Henri de Parville qui le laisse entendre, en donnant l'adresse de de Bedts pour se procurer les appareils de Demenÿ. Il existe d'ailleurs un projet de contrat entre les deux pionniers, mais il est daté de l'année suivante, du 15 juillet 1895. Demenÿ concède alors à de Bedts le dépôt général, pour deux ans et la France, du chronophotographe pour amateurs, du phonoscope de salon, des disques zootropiques. Mais finalement, ce projet de contrat ne sera jamais signé et Demenÿ finalement s'engagera avec Léon Gaumont. Et c'est de Bedts qui fournira la pellicule 60 mm à Gaumont et Demenÿ pour leurs premiers essais. Dans une lettre du 7 septembre 1895, Gaumont écrit à Georges Demenÿ : "Pour nous donner satisfaction, Monsieur Debetz [sic] a bien voulu faire couper en deux des bobines de 12 cm, ce qui me procure le plaisir de vous adresser [...] 15 bobines de 60 mm de largeur". Gaumont ajoute : "M. Debetz m'a appris qu'il venait d'obtenir la concession pour la France d'appareils genre Edison, il m'a montré de petites vues en bande de 10 m de long que j'ai trouvé très réussies" (ce sont donc des films du Kinétoscope Edison). A la fin 1895, de Bedts est également sollicité par Henri Joly, qui vient de rompre avec Charles Pathé. Mais de Bedts décide de se lancer seul dans la course à la projection. Louis Lumière s'en inquiète le 2 novembre 1895 : "On nous talonne de tous côtés [...]. De Bedts continue à faire le plus de bruit possible avec ses chronos et il serait vraiment regrettable qu'il montrât quelque chose avant nous". Réponse du constructeur du Cinématographe, Jules Carpentier, le 4 novembre 1895 : "Je sais que M. de Bedts se remue beaucoup : son appareil d'essai existe ; il a fait des bandes et les a projetées. Leurs dimensions sont rigoureusement celles du Kinetoscope d'Edison. Mais il n'est pas encore prêt, je crois, de livrer des appareils. De notre côté nous ne perdons pas une minute".
De Bedts ne fera pas les premières projections publiques et payantes, mais il sera le premier à proposer en vente libre du caméra réversible, ce "Kinétographe" (qui évoque le nom de la caméra d'Edison, et aussi le futur projecteur de Méliès). Il dépose d'abord le 10 janvier 1896 son premier brevet d'invention pour une "poinçonneuse destinée au perforage des films ou pellicules utilisées pour la photographie et la reproduction des images mouvementées". Il est le premier breveté en 1896 en matière de cinématographie. Le 14 janvier 1896, il dépose un brevet pour sa caméra réversible, "un système de mécanisme à mouvement intermittent applicable aux appareils chronophotographiques et aux appareils pour projections animées". Le mouvement de la pellicule est obtenu au moyen de deux disques dentés disposés l'un au-dessus de l'autre verticalement. Celui du haut, plus petit, ne porte que trois dents sur la circonférence, divisée en trois parties égales. Ces trois dents pénètrent une à une, au fur et à mesure de la rotation, dans chacun des dix groupes de dents disposés sur la circonférence du deuxième disque, d'un diamètre plus grand. Ce grand disque (6 cm de diamètre) est donc entraîné de façon intermittente ; il est relié sur le même axe à un débiteur denté qui va entraîner le film, et à l'obturateur. La caméra peut servir aussi de projecteur (il est ici en version projection). De Bedts, comme pour le Kinétographe d'amateur, suggère d'utiliser son appareil comme un Kinétoscope :"En plaçant l'instrument en face d'un endroit bien éclairé, par exemple une fenêtre ou une lampe, et en regardant au travers de l'objectif, le résultat est alors le même que celui obtenu avec un Kinétoscope ordinaire".
Les mérites de l'appareil sont vantés jusqu'en 1899 dans les ouvrages techniques français, ceux de Breton et Trutat par exemple. A Londres, la revue The Photographic Dealer consacre un article à de Bedts, en août 1897. Il y est dit notamment que l'on trouve au 368 rue Saint-Honoré, "un grand nombre de films aux sujets variés". Pour le marché anglais, de Bedts a d'ailleurs déposé un brevet décrivant sa caméra ; il possède aussi une boutique à Londres, 65 Chancery Lane. Parmi les premiers utilisateurs du Kinétographe de Bedts, on peut citer les frères Emile et Vincent Isola, magiciens, qui ont ouvert un "théâtre Isola", 39 bd des Capucines à Paris : "Depuis tantôt trois mois, c'est à qui ira voir les tableaux animés du cinématographe... [...] Aussi bien la concurrence va venir et déjà on voit un autre système, le système de Bedtz, fonctionner en face chez les frères Isola" (Henri de Parville, Annales politiques et littéraires, 26 avril 1896). Après avoir utilisé le Kinétographe de Bedts, les Isola emploieront un autre projecteur, le "Kinétograph" de Louis Charles que Méliès utilisera aussi au théâtre Robert-Houdin et dont il s'attribuera l'invention (voir AP-95-1451).
Dans un catalogue édité par de Bedts en 1897, il est indiqué que l'Anglo-American Photo-Import Office possède une collection de 310 sujets mesurant entre 18 et 22 m. sur film Edison. De Bedts revendique la complète réalisation des films qui figurent à ce catalogue (bien que certains semblent provenir d'Edison...) : "Toutes nos bandes sont faites par nous et avec le Kinétographe de Bedts". On sait qu'il a travaillé avec un assistant, Arthur Roussel, interviewé par le Moving Picture World, le 11 avril 1914 : "Mr. de Bedts was one of the pioneer producers and manufacturers... The methods were very crude and the production was not very large..."
En décembre 1896, de Bedts lance aussi son Kinétographe pour amateur (CNC AP-99-888). Par ailleurs, on peut aussi attribuer à de Bedts le titre de premier fondateur d'une société française destinée à exploiter la photographie animée. En effet, le 15 janvier 1896, il crée la société en commandite "G. de Bedts et Cie", dont le siège est situé 368 rue Saint-Honoré, et qui a pour objet "l'exploitation et la vente des différents appareils servant à la préparation des bandes ou films destinés à la reproduction des images mouvementées". Il s'agit d'exploiter les deux brevets, celui de la perforeuse et du Kinétographe, et d'exploiter les concessions accordées à de Bedts par la firme Blair Camera Company de Boston - New York - Chicago, et l'European Blair Camera Company de Londres. Il a trouvé deux commanditaires : André Castelini, publiciste à Paris, et Guillaume Sabatier, directeur du journal Le Quotidien illustré à Paris. Guillaume Sabatier veut notamment se servir du Kinétographe pour des publicités commerciales (projections sur la devanture de son journal), mais on ne sait si ces projections ont eu lieu. Le capital social est peu élevé : 10 000 francs - très faible en comparaison des sociétés Gaumont ou Pathé. En outre, de Bedts doit subir plusieurs procés au cours de l'année 1896, dont un intenté par le pionnier Jean-Baptiste Darras. La chute est rapide : le 15 juillet 1898, la société est dissoute. En 1902, de Bedts est domicilié à Asnières, 6 rue du Progrès. Il ouvre une boutique de produits divers importés à Paris, 5 rue de Stockholm, puis il disparaît (L. Mannoni, "George William de Bedts et la commercialisation de la chronophotographie", in (collectif), Les Vingt premières années du cinéma français, actes du colloque international de la Sorbonne nouvelle, Paris, PSN/AFRHC, 1995, p. 39-51).









Bibliographie

J. L. Breton, "La Chronophotographie", Revue scientifique et industrielle de l'année, Paris 1897, p. 203-205.

Eugène Trutat, La Photographie animée, Paris, Gauthier-Villars, 1899, p. 79-81.

Hélios illustré, Bruxelles, vol. VII, 15 mars 1897, p. 732-734.

Le "Kinétographe de Bedts" pour Amateurs, Roanne, s.d., archives Barnes.

The Photographic Dealer, vol. III, n° 15, Londres, août 1897, p. 177-178.

Laurent Mannoni, "George William de Bedts et la commercialisation de la chronophotographie", in (collectif), Les Vingt premières années du cinéma français, actes du colloque international de la Sorbonne nouvelle, Paris, PSN/AFRHC, 1995, p. 39-51.