bande de papier lithographié en couleurs ; douze images représentant douze phases d'un mouvement (jeune fille en tablier faisant rebondir un volant sur une raquette)
Reynaud Emile
Paris, 58 rue Rodier
Emile Reynaud
Paris, 58 rue Rodier
Reynaud Emile
Paris, 58 rue Rodier
Emile Reynaud
Paris, 58 rue Rodier
"Le jeu du volant"
Informations non disponibles
Ouvert :
Informations non disponibles
Fermé :
Largeur : 65.5 cm
Hauteur : 5.4 cm
Diamètre :
Informations non disponibles
Informations non disponibles
Inscription imprimée : "N° 12 (Déposé) - Le jeu du volant ER. inv. et del. Paris Le Praxinoscope".
"La Nature, souvent citée au sujet de Muybridge et de Marey, joue un rôle dans l'aventure d'Emile Reynaud. Le 1er avril 1876 cette excellente "revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie" publie un article de Ch. Bontemps, intitulé "La vision et les illusions d'optique". Le thaumatrope, le phénakistiscope et le zootrope sont expliqués, gravures à l'appui. "On peut construire soi-même la plupart des instruments que nous avons énumérés", écrit l'auteur en terminant. L'article n'apprend rien à Reynaud, qui sait parfaitement ce qu'est un phénakistiscope; mais pour distraire le petit Pierre Tixier, il décide de lui en fabriquer un exemplaire, représentant un homme sciant du bois. Toutefois, les images successives du phénakistiscope et du zootrope étant obturées une à une par des fentes, il en résulte que les images et les couleurs sont nettement assombries par le passage repide de ces fentes obturatrices. Reynaud, s'inspirant de recherches précédentes (dont celles de Léon Foucault, selon Guy Fihman), décide de supprimer ce défaut en utilisant une série de miroirs prismatiques. Il fabrique un instrument bien supérieur, le praxinoscope (du grec praxis, "action" et scopeo, "je regarde"), et en donne la description dans un pli adressé à l'Académie des sciences, le 20 juillet 1877. Puis le 30 août 1877, le Sieur Reynaud, professeur de sciences, place du Breuil, 39 au Puy-en-Velay (Haute-Loire), dépose un brevet d'invention pour un appareil encore anonyme (le nom "praxinoscope" apparaît dans le brevet anglais du 13 novembre 1877), qui donne "l'illusion du mouvement à l'aide de glaces mobiles": "Le but spécial de cette invention est de produire l'illusion du mouvement à l'aide de dessins figurant des phases successives d'une action. Ce but est donc le même que celui de l'instrument dû à Mr. Plateau et connu sous le nom de phénakistiscope. Mais le principe et les procédés de l'inventeur sont différents de ceux employés dans ce dernier appareil". Dans le praxinoscope, en effet, la substitution d'une image à une autre se fait au moyen de miroirs prismatiques; ainsi, aucune interruption dans la vision, l'éclat et le coloris des figures restent inaltérés. L'appareil, dans sa première version, se présente ainsi: une "cage de glaces" (selon l'expression de Reynaud), c'est-à-dire une série de 12 petits miroirs verticaux (5,5 cm de hauteur et 2,7 cm de largeur) collés côte à côte de manière à former un polygone prismatique, est disposée au centre d'une couronne. Celle-ci, montée sur un pied en bois, tourne sur son axe en même temps que la "cage". La couronne a un diamètre double de celui de la "cage" prismatique. Sur la face intérieure de la couronne, on applique une bande de papier, qui représente une scène de 12 dessins d'un même sujet dans les différentes phases d'une action. Cette bande est placée de telle sorte que chaque pose corresponde à une face du prisme de glaces. L'ensemble de la couronne et des miroirs est mis en rotation, soit par une simple poussée de la main", soit par une manivelle ou un petit moteur électrique. L'observateur se place en face des miroirs mobiles et voit alors une figure s'animer, avec une netteté et une luminosité remarquables. Le praxinoscope, de plus, peut fonctionner la nuit: il suffit de placer une bougie au centre de la cage de glaces, sur l'axe du pivot immobile du pied central, avec un abat-jour qui concentre la lumière sur les dessins. Plusieurs personnes, placées autour de l'appareil, peuvent regarder ce spectacle animé. Le brevet du 30 août 1877 contient déjà des variantes très intéressantes: une version stéréoscopique (qui ne sera réalisée qu'en 1908) et surtout un praxinoscope à projection. Reynaud, enthousiasmé par sa propre invention, veut absolument l'exploiter commercialement et s'établir à Paris. [...] En décembre 1877, Emile Reynaud et sa mère Marie-Caroline [...] arrivent à Paris, à l'hôtel de la Plata. Il s'agit de profiter d'un évènement exceptionnel, l'Exposition Universelle, qui doit s'ouvrir le 1er mai 1878. Ils trouvent en février deux appartements au 58 rue Rodier, qui serviront de logis pour la mère et le fils et aussi d'atelier (l'immeuble existe toujours). Reynaud passe contrat avec un fabricant de jouets de Nogent-sur-Marne, Dubourguet, qui lui fabrique la couronne métallique du praxinoscope. Un miroitier lui fournit les verres de la cage prismatique, et un imprimeur lui livre les abat-jour et les bandes lithographiées qu'Emile Reynaud a dessinées. Le praxinoscope présenté au rayon des bimbeloteries, à l'exposition universelle, attire l'attention du public. [...] Les bandes lithographiées conçues par Reynaud sont effectivement très gracieuses. Ce sont de petites scènes en douze images (sur fond clair), aux couleurs vives et fraîches dans le style des chromos si répandus au XIXe siècle. Reynaud s'inspire aussi, pour les coloris et les sujets, du répertoire des plaques de lanterne magique: petite fille sautant à la corde, moulin à eau, clowns, "rosace magique" (imitant le chromatrope), etc. Certaines bandes, comme L'équibriste, reprennent les motifs des bandes du zootrope éditées à Paris en 1867. En 1878, Reynaud édite trois séries de bandes lithographiées mesurant 66 cm de long sur 5,2 cm de large. En voici la liste:
1re série: 1) L'aquarium. 2) Le jongleur. 3) L'équilibriste. 4) Le repas des poulets. 5) Les bulles de savon. 6) Le rôtisseur. 7) La danse sur la corde. 8) Les chiens savants. 9) Le jeu de la corde. 10) Zim Boum Boum [enfant jouant du tambour].
2e série: 11) Les scieurs de long. 12) Le jeu du volant. 13) Le moulin à eau. 14) Le déjeuner de bébé. 15) La rosace magique. 16) Les papillons. 17) Le trapèze. 18) La nageuse. 19) Le singe. 20) La glissade.
3e série: 21) La charmeuse. 22) La balançoire. 23) L'Hercule. 24) Les deux espiègles. 25) Le fumeur. 26) Le jeu des grâces. 28) Le steeple-chase. 29) Les petits valseurs. 30) Les Clowns.
[...] Le praxinoscope se vendra très bien. Il ne deviendra jamais un rival puissant du stéréoscope (vers 1908, Reynaud affirme qu'il a vendu 100 000 praxinoscopes; c'est peu comparé aux chiffres cités par Le Cosmos: 500 000 stéréoscopes vendus entre 1851 et 1857), mais ce jouet charmant, ce cadeau somptueux pénètre effectivement dans bon nombre de foyers bourgeois et aisés. Plusieurs versions garnissent déjà les étalages des bimbelotiers et des grands magasins: praxinoscope simple, à manivelle, à moteur électrique. Plusieurs tailles sont commercialisées. Ils sont livrés dans une belle boîte rouge en carton, décorée d'une vignette lithographiée ou d'une simple inscription: "Le Praxinoscope - Sujets animés - E.R." Quant à l'abat-jour, dans sa première version, il est bleu ou vert et porte la mention: "Le Praxinoscope, animant les dessins sans en diminuer l'éclat ni la netteté". Plus tard, il sera décoré de petits dessins extraits du répertoire de Reynaud: deux enfants qui font sauter un chat sur un drap, une petite fille qui s'amuse à faire des bulles, une autre qui joue avec les oiseaux, etc. Reynaud repart de l'Exposition universelle avec une "mention honorable" et des commandes en poche. En 1879, il obtient une médaille d'argent à l'Exposition indutrielle de Paris. Cette année-là, il a décuplé les effets du praxinoscope, qui devient vraiment une merveilleuse invention artistique." (Laurent Mannoni, Le grand art de la lumière et de l'ombre - archéologie du cinéma, Paris, Nathan, 1994, p. 341-344).
Gaston Tissandier, "Le praxinoscope", La Nature, Paris, n°296, 1er février 1879, p.133-134.
Madame Burée, "La Bimbeloterie", Etudes sur l'Exposition de 1878, Paris, 1879, tome 7eme, p. 113-115.
Maurice Noverre, La Vérité sur l'invention de la projection animée, Emile Reynaud, sa vie et ses travaux, Brest, Le Nouvel art cinématographique, 1926.
[George Sadoul], Emile Reynaud Peintre de films, Paris, Cinémathèque française, 1945.
Laurent Mannoni, Le grand art de la lumière et de l'ombre - archéologie du cinéma, Paris, Nathan, 1994, p. 341-344.