ombre en zinc représentant Napoléon et quatre de ses officiers à cheval avec une partie articulée (Napoléon lève le bras pour observer avec une longue-vue)
D'Ache Caran
Paris
Caran D'Ache
Paris
D'Ache Caran
Paris
Informations non disponibles
Napoléon et quatre de ses officiers à cheval
Informations non disponibles
Ouvert :
Informations non disponibles
Fermé :
Largeur : 63.5 cm
Hauteur : 37.5 cm
Diamètre :
Informations non disponibles
Informations non disponibles
Le cabaret du Chat Noir, fondé par Rodolphe Salis et ouvert en novembre 1881 au n° 84 du boulevard Rochechouart, ne se met véritablement aux ombres qu'en décembre 1885, après son déménagement au n° 12 de la rue Laval (aujourd'hui rue Victor Massé). Salis, partisan de l'indépendance de Montmartre et membre du groupe des Hydropathes, est parvenu dès le début à attirer Alphonse Allais, Charles Cros, Georges Auriol, Henri Rivière, Georges Fragerolle, Théodore Botrel, Aristide Bruant, etc. Une gazette hebdomadaire est fondée en janvier 1882, Le Chat Noir, où Steinlein, Willette, Caran d'Ache vont oeuvrer. Caran d'Ache (Emmanuel Poiré, Moscou 1858, Paris 1909) sera l'un des grands animateurs du Chat Noir. Déménagé 12 rue de Laval en juin 1885 dans un hôtel particulier de deux étages, le Chat Noir accroît son audience (il peut contenir une centaine de spectateurs). Le décor est encombré de peintures, dessins, vitraux, sculptures et objets étranges (Robida, Steinlein et Willette ont participé à la décoration). C'est dans la "salle des fêtes" au premier étage que se tiennent les ombres à partir de décembre 1885. Toute une équipe y travaille : Rodolphe Salis et Henri Rivière à la direction, Forain, Caran d'Ache, Maurice Donnay, Steinlein, Georges Auriol et autres artistes au comité de lecture. La partie musicale est développée (grâce notamment à Georges Fragerolle) et les ombres deviennent de plus en plus sophistiquées. Huit machinistes manoeuvrent les personnages en zinc, les décors, les projections et plaques de verre. Un petit orchestre accompagne le spectacle. Un "bonimenteur" (souvent Rodolphe Salis) explique l'action. A partir de 1890, les artistes complètent leurs figures découpées et leurs décors par des arrière-plans colorés et lumineux. Plus tard sera utilisé du carton découpé, moins coûteux, moins lourd et plus facile à réparer. Tout est fait pour rendre inoubliable ce spectacle, "lucarne ouverte sur le Rêve et l'Infini", selon Georges Montorgueil. Sous la direction de Salis, une quarantaine de pièces d'ombres aura été créée entre 1885 et 1897. Le Chat Noir sera aussi parti en tournée (c'est pour elle que Steinlein dessinera la célèbre affiche). L'activité cesse en 1897 : Salis meurt (17 mars 1897) et le bail expire. Les oeuvres sont éparpillées lors d'une mémorable vente aux enchères en 1898. L'Epopée de Caran d'Ache est présentée le 27 décembre 1886, accompagnée d'une musique de Charles de Sivry et des commentaires de Rodolphe Salis. Ce fut un succès immédiat. "Cette pantomime retrace en 30 tableaux, dans un esprit à la fois caricatural et épique, l'histoire ou, plutôt le poème des grandes guerres du Premier Empire. Elle est exécutée au moyen d'ombres chinoises, hautes d'un demi-pied, sur un disque lumineux d'un mètre de diamètre environ; elle produit ainsi un effet d'une extraordinaire intensité. C'est une série d'eaux-fortes mobiles et fugitives, d'une vie, d'un caractère inoubliables. [...] L'effet des troupes en marche est prodigieux. On a véritablement devant soi le fourmillement des baïonnettes, les oscillations, les déploiements et les remous que peut produire une armée de 50 000 hommes ! [...] La plus forte sensation de réalité qui nous ait été communiquée, depuis dix ans, l'a été non par de vrais soldats, mais par des simulacres, par les plus frêles, les plus impalpables des simulacres" (Maurice Talmeyr, Revue d'art dramatique, 15 janvier 1887). Jules Lemaître au Journal des débats : "L'Epopée de Caran d'Ache est en effet une épopée muette en 30 tableaux, dont les personnages sont des ombres chinoises. C'est la grande épopée impériale : la bataille d'Austerlitz, la retraite de Russie, l'apothéose de l'Empereur, la rentrée des troupes à Paris. Les grandes scènes alternent avec des épisodes amusants : l'Empereur sortant de sa tente suivi de son caniche et passant devant la sentinelle qui lui présente les armes ; les Rois prisonniers, maigres ou bedonnants, tenant dans leurs mains une ferblanterie royale, glaive ou couronne ; le public idôlatre en costumes du temps, juché sur des échelles et des tonneaux pour voir le défilé ; le curieux qui s'approche de trop près, happé par le grenadier, etc. L'effet de ces scènes comiques était facile à prévoir. Mais ce qu'on prévoyait moins, c'est que des silhouettes de bonshommes, découpées dans du zinc et promenées derrière une toile blanche de 1 m de large, puissent nous communiquer le frisson guerrier et le sentiment de la grandeur" (cité in Paul Jeanne, Les Théâtres d'ombres à Montmartre, Paris, Presses modernes, 1937, p. 25-26). Gaston Tissandier, directeur de la revue La Nature, visite les coulisses en 1888 : "Les silhouettes, après avoir été composées et dessinées, sont découpées dans des feuilles de zinc qui leur donnent beaucoup de rigidité. Ce découpage est très délicat et nécessite une grande précision. Quelques personnages, tels que les cavaliers, hussards, dragons de la Grande Armée, sont ajourés en certaines parties, et sur les ouvertures ainsi pratiquées, on a collé des papiers transparents et coloriés. On peut ainsi voir des ombres noires qui se profilent sur l'écran avec des parties en couleur telles que les plumets des casques ou la selle des chevaux. Un grand nombre de silhouettes de zinc sont mécanisées. Lors d'une grande revue, au cri de "Portez, armes", on voit tous les fusils se lever en même temps. Le découpage de zinc porte une série de petits fusils convenablement disposés et montés sur une tige qui se soulève ou s'abaisse par l'action d'un bras de levier. A l'arrière du théâtre de M. Caran d'Ache, un écran est vivement éclairé au moyen d'une lampe oxhydrique ; la lumière, dans la salle des spectateurs, étant baissée, les silhouettes en passant devant l'écran y projettent une ombre très rigoureuse que les spectateurs de la salle aperçoivent et qui n'est pas visible dans les coulisses. Chaque silhouette est prise dans une grande boîte de bois par un homme qui la promène dans une rainure à la partie inférieure de l'écran. Quatre ou cinq opérateurs suffisent pour que les ombres se succèdent sans interruption" (La Nature, n° 777, 21 avril 1888). Il reste encore, dans des collections privées et musées, des éléments en zinc provenant de L'Epopée ; et aussi les esquisses de Caran d'Ache, par exemple le jeune Bonaparte rêvant dans la grotte d'Ajaccio. La pièce a été remaniée plusieurs fois par son auteur ; à la fin elle comprenait deux actes et 50 tableaux (Laurent Mannoni).
La Nature, n° 777, 21 avril 1888.
Catalogue de la collection du Chat Noir Rodolphe Salis, Paris, imprimerie Ménard et Chaufour, 1898.
Paul Jeanne, Les Théâtres d'ombres à Montmartre, Paris, Presses Modernes, 1937.
Mariel Oberthür, Le Chat Noir, Paris, Réunion des Musées nationaux, 1992.
Laurent Mannoni, "L'image de Napoléon, de la lanterne magique au cinématographe", in (collectif) Napoléon au Chat Noir, L'Epopée vue par Caran d'Ache, Paris, Adam Biro - Musée de l'Armée, 1999.
(Collectif), Autour du Chat Noir, Arts et plaisirs à Montmartre, 1880-1910, Paris, Skira Flammarion, Musée de Montmartre, 2012.