Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

Accueil > Collection > Caméra film 75 mm

Caméra film 75 mm

N° Inventaire : AP-95-1759

Collection : La Cinémathèque française

Catégorie d'appareil : Prise de vues cinématographiques

Numéro de fabrication : n° 7737-2 (mécanique) ; n° 22 557 (magasin)

Lieu de fabrication : Paris, France

Année de fabrication : 1899

Fiche détaillée

Type de l'appareil

entraînement du film 75 mm par deux griffes ; cadre porte-griffes actionné par une came excentrique triangulaire ; deux débiteurs dentés disposés dans le magasin ; magasin arrière en bois débiteur et récepteur (détachable par encliquetage) ; obturateur une pale ; fenêtre 46 x 56 mm ; entraînement du mécanisme par axe situé sous l'appareil ; poignées cuir et laiton

Auteurs

Lumière Louis
Lyon-Monplaisir, 21 rue Saint-Victor

Fabricants

Jules Carpentier
Paris, 20 rue Delambre

Louis Lumière
Lyon-Monplaisir, 21 rue Saint-Victor

Utilisateurs

Lumière Louis
Lyon-Monplaisir, 21 rue Saint-Victor

Distributeurs

Informations non disponibles

Sujet du modèle

Informations non disponibles

Objectif

Anastigmat Zeiss 1 : 6,3 F : 85 mm, Br. S.G.D.G. E. Krauss et Cie Paris n° 14 309

Taille de l'objet

Ouvert :
Informations non disponibles

Fermé :
Longueur : 32 cm
Largeur : 15 cm
Hauteur : 31.5 cm

Diamètre :
Informations non disponibles

Taille de la boîte de transport

Informations non disponibles

Remarques

Voir le projecteur 75 mm : AP-95- 1760.

"Peu d'archives renseignent la remarquable caméra 75 mm à défilement intermittent et deux débiteurs dentés, fabriquée par Jules Carpentier pour Lumière, et dont on ne connaît actuellement que deux exemplaires. Elle a été conçue en même temps que le projecteur 75 mm, pour l'Exposition de 1900. Ces projections devaient couvrir un écran humide 16 mètres par 21 à l'intérieur de la Galerie des machines. Louis Lumière témoigne : "Lorsque fut décidée la création de l'Exposition de 1900, je fus mandé à Paris par M. le commissaire général Picard, à qui je proposai de faire une expérience de projection de grandes dimensions. [...] J'entrepris, en 1899, avec le bienveillant concours de M. Carpentier, l'établissement d'un appareil permettant d'obtenir et de projeter des images de 46 x 60 mm au lieu de 20 x 25 mm. [...] Dans ce nouveau type, le cadre glissant du Cinématographe initial fut remplacé par un châssis oscillant en aluminium, afin de diminuer les trépidations occasionnés par l'inertie de pièces beaucoup plus volumineuses animées d'un mouvement alternatif". La caméra de belle facture repose, comme le projecteur, sur un grand mécanisme à griffes, auquel on a ajouté deux débiteurs dentés à largeur variable, disposés dans le magasin qui est facilement interchangeable comme dans le futur Cinématolabe. La came sinueuse et son cadre porte-griffes sont placés devant le couloir, perpendiculairement. L'exemplaire de la Cinémathèque française porte les n° 7737 - 2 (mécanique) et 22 557 - 8 (magasin). La pellicule comporte huit trous ronds disposés de chaque côté de l'image. Quant au projecteur 75 mm, il en subsiste quatre exemplaires numérotés de 1 à 4 : deux à l'Institut Lumière (le n° 1 complet, et un autre incomplet), celui de la Cinémathèque (n° 2, sans obturateur ni objectif), un dans la collection Auboin-Vermorel (avec copie d'obturateur). Le mécanisme est identique à celui de la caméra. L'obturateur à deux pales réglables en aluminium est de grande dimension. Malgré la fabrication effective d'au moins deux caméras et de quatre projecteurs, malgré la réalisation de négatifs (14 négatifs complets conservés aux Archives françaises du film), Louis Lumière n'arriva pas à montrer des films 75 mm à l'Exposition universelle : ce seront des films 35 mm classiques qui seront projetés sur grand écran) : "Cet appareil, qui donnait d'excellents résultats, ne fut malheureusement pas prêt à temps pour pouvoir être utilisé"" (Laurent Mannoni, "Les appareils cinématographiques Lumière", 1895, revue d'histoire du cinéma, n° 82, été 2017, p. 52-86).

"Mécanisme du projecteur et de la caméra 75 mm. Lorsque Louis Lumière décide de participer à l'Exposition universelle de 1900, il propose une attraction intitulée "Cinématographe Géant". Il n'est pas dans ses intentions d'utiliser un format large ou panoramique (de type Cinémascope, Cinérama modernes ou des formats 70 mm de Filoteo Alberini ou de Raoul Grimoin-Sanson et son Cinéorama de 1900), mais plutôt de conserver sagement le rapport d'image l/h=1,3 issu du 35 mm, qu'il applique cette fois à une largeur de film théorique de 75 mm. L'impératif étant de rester, pour le mécanisme d'entraînement, au plus près du brevet d'origine du Cinématographe déposé en février 1895 et qui est encore protégé pour dix années. La caméra 35 mm et le projecteur 35 mm Lumière sont apparus au début de l'année 1897 sur le marché ; le mécanisme de ces deux appareils est absolument semblable et toutes les pièces, fixes ou mouvantes, sont disposées sur une seule platine verticale, dans le plan du film. Le souhait de Louis Lumière pour le nouveau format du film à projeter par le "Cinématographe Géant" est d'obtenir une homothétie d'un facteur au moins égal à 2 par rapport au format 35 mm. En réalité, ce sera 2,3 donnant une surface de l'image négative cinq fois plus grande, un facteur identique pour la masse du film qu'il faudra déplacer à la vitesse de 16 images/seconde. De même, ce facteur multiplicatif de la masse va s'appliquer à toutes les pièces métalliques en mouvement et en amplifier les vibrations, en particulier celles de la came excentrique dite came de Trézel. Cette dernière, très décentrée par rapport à son axe de rotation, peut produire un fort effet de balourd et induire ainsi des vibrations dommageables pour la stabilité de l'image. Le problème est d'importance et tout naturellement, Louis Lumière confie à Jules Carpentier - constructeur du Cinématographe-type et du projecteur 35 mm - la mise au point délicate de la caméra et du projecteur 75 mm. Jules Carpentier va résoudre les problèmes avec la science et l'élégance dont il a fait preuve jusqu'alors pour la construction des appareils 35 mm. Rompant avec la disposition à plat du mécanisme 35 mm sur une platine, il va imaginer une sorte de "bloc-moteur" détaché, regroupant toutes les pièces métalliques en mouvement et placé perpendiculairement à la platine, face au couloir du film. Le cadre porte-griffe, fermé, renforcé et de forme très allongée (rectangulaire) agit désormais perpendiculairement au film ; l'une de ses extrémités est fixée en un point sur un axe de rotation. De ce fait, l'extrémité opposée, dans son débattement, décrit un arc de cercle dont la longueur est celle de la hauteur d'une image (d'un film 75 mm). Dans cette zone, le couloir du film prend une forme arrondie. Le mouvement de haut en bas est toujours obtenu par la rotation d'une came décentrée Trézel, mais placée maintenant au centre du cadre : cette disposition amplifie d'un facteur 2 le déplacement de l'extrémité des griffes d'entraînement du film. La dimension de cette came est identique à celle employée dans la caméra 35 mm. Comme pour le mécanisme du Cinématographe 35 mm, c'est un disque centré qui commande l'avance et le retrait des griffes, mais ici par une rainure pratiquée sur le flan, plutôt que par une rample placée à la circonférence. La rainure actionne un levier qui agit sur la position des griffes, lesquelles sont deux tiges en acier de 110 mm de long. L'excentrique est en acier ainsi que le disque centré qui lui est accolé. Le grand cadre fermé dans lequel se meut la came excentrique est en aluminium moulé. Très astucieusement, Jules Carpentier a choisi ce métal encore nouveau pour l'époque pour sa faible densité qui permet de gagner presque un facteur sur la masse par rapport à l'acier. La caméra 75 mm contient entièrement le mécanisme décrit ci-dessus. La fenêtre de prise de vue, pratiquée dans le cadre métallique, a des angles arrondis avec pour dimensions : 46 mm / 56 mm. Cependant, le négatif impressionné à partir de cette fenêtre peut être légèrement plus grand car, si à l'arrière il est plaqué contre le couloir en velours du magasin, sa face avant, du côté objectif et émulsion, ne s'appuie pas au cadre. Il en est éloigné par deux barrettes en laiton poussées par des ressorts. Cet espace, ou décollement par rapport au cadre, de l'ordre de 3 mm, peut produire à l'arrivée d'un faisceau conique un agrandissement de l'image de 1 à 2 mm ; soit 47/57 mm. Le négatif quant à lui ne mesure que 72 à 73 mm de large et non 75 mm comme annoncé en théorie. Une mesure sur des négatifs très agrandis, en supposant une pellicule de 73 mm de large, montre qu'à l'inter-image, il y a une légère superposition de l'image, et l'on trouve alors un format d'images de 57 mm/47 mm = 1,21 pour le négatif (problème du retrait de pellicule ?). Plusieurs négatifs ont été retrouvés (14 négatifs 75 mm conservés aux Archives françaises du film du CNC, des fragments à la Cinémathèque française), ce qui indique que la caméra a bien joué son rôle. Le chargeur en bois mesure 26,5 cm de haut, 10,5 cm de large, 16 cm de profondeur et pèse 4 kg. Jules Carpentier reprend pour le chargeur ce qu'il a déjà proposé dès 1896 dans son brevet du 30 mars (n° 255 164), concernant un chargeur de film autonome, le film ne transitant jamais dans la caméra d'où ne sortent que les griffes. Ce chargeur est donc encliqueté sur la caméra par le haut en un seul mouvement. On trouve à l'intérieur de cette boîte fermée deux débiteurs dentés - haut et bas - reliés entre eux par une petite chaîne à maillons logée dans une rainure pratiquée dans l'épaisseur du bois de la caisse. C'est le débiteur supérieur qui est mis en mouvement par le film, lorsqu'il est lui-même tiré vers le bas par les griffes de la caméra de façon intermittente. La bobine réceptrice du film, placée au centre du chargeur, est aussi actionnée par la chaîne mais munie d'un système à frottement pour encaisser les à-coups lors du tirage du film. En mouvement, le film est toujours plaqué contre le chargeur car il circule dans des fines glissières qui guide ses manchettes. Il ne pénètre jamais dans la caméra. Comme pour le projecteur, l'extrémité des griffes décrit un mouvement circulaire. Le projecteur 75 mm possède une fenêtre mesurant 58 mm/48 mm = 1,21 pour son cadre métallique ; l'image projetée doit être un peu plus grande et laisserait un léger cadre noir à la projection (chevauchement à l'inter-image). Le projecteur possède des débiteurs réglables à l'écartement (1 mm environ) pour s'adapter à un éventuel retrait de la pellicule. Ces débiteurs ont des dents longues et cylindriques. Comme dit plus haut, le mécanisme d'entraînement du film du projecteur est absolument identique à celui décrit pour la caméra en ce qui concerne le "bloc-moteur". On attribue en général au film 35 mm un format d'image 18/24 mm, or Jacques Ducom qui a travaillé à ses débuts en 1900 avec Lumière à l'Exposition universelle, attribue aux projections un format d'image extrême de 20 x 25 mm, en n'oubliant pas que les films utilisés dans sa salle des Fêtes sont issus du catalogue officiel Lumière. Comparaison entre les ormats 25x20 mm et 57:47 mm : 25/20 = 1,25 et 57/47 = 1,22 donc un format un peu plus carré pour le 75 mm. Rapport de la surface des images : 57/47 mm = 2679 mm2 et 25/20 = 500 mm2, donc 2679/500 = 5,3. La surface d'image du 75 mm est 5,3 fois plus grande que celle du 35 mm. En principe, la densité de lumière doit être 5 fois plus intense pour un même rendu sur l'écran" (communication de Maurice Gianati).


Bibliographie

Laurent Mannoni, "Les appareils cinématographiques Lumière", 1895, revue d'histoire du cinéma, n° 82, été 2017, p. 52-86.