Catalogue des appareils cinématographiques de la Cinémathèque française et du CNC

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Boîte d'optique

N° Inventaire : AP-95-1630

Collection : La Cinémathèque française

Catégorie d'appareil : Visionnement

Lieu de fabrication : Italie

Année de fabrication : 1830

Fiche détaillée

Type de l'appareil

trois lentilles cerclées de laiton ; boîte en bois peint en polychromie ; côtés ornementés avec décors à la cathédrale, dorures, fleurs et angelot ; volet rabattable sur le dessus ; volet rabattable à l'arrière ; volet rabattable sur le côté ; magasin inférieur pouvant contenir onze vues, hissées successivement au foyer des objectifs par des ficelles ; galerie en bois doré ; deux pieds à l'avant en bois peint

Auteurs

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Fabricants

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Utilisateurs

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Distributeurs

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Sujet du modèle

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Objectif

3 lentilles 11 cm Ø

Taille de l'objet

Ouvert :
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Fermé :
Longueur : 95 cm
Largeur : 51 cm
Hauteur : 54 cm

Diamètre :
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Taille de la boîte de transport

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Remarques

Cette luxueuse boîte aurait été achetée à Venise en 1957 chez l'antiquaire Pasquale Zennaro par Henri Langlois, par l'intermédiaire de Maria Adriana Prolo, directrice du Museo Nazionale del cinema de Turin.

"On appelle vue d'Optique un tableau peint à la gouache ou à l'eau coloré, que l'on regarde à travers un verre convexe qui, par sa faculté de grossir les objets, produit l'illusion de la Nature" (Pierre Henri de Valenciennes, 1800). Il est difficile de retracer l'apparition de la boîte d'optique, dont on ne connaît pas l'inventeur exact. Au XVIIe siècle, apparaissent dans les cabinets de curiosités des systèmes complexes de "théâtres catoptriques" : ce sont de grandes boîtes tapissées à l'intérieur de miroirs et au centre desquelles on dispose des statuettes ou des objets qui seront ainsi multipliés par les glaces. Le jésuite allemand Athanse Kircher décrit toute une pléiade de curiosités de ce type dans son célèbre ouvrage Ars magna lucis et umbrae publié en 1646. C'est aussi à cette époque qu'apparaissent les "machine d'optique" à images enluminées qui vont connaître, jusqu'au XIXe siècle, un large succès. Il en existe de plusieurs sortes, de la plus simple à la plus complexe, dont voici les principales, utilisées entre le XVIIe et le XIXe siècle :
- La "machine optique diagonale" ou "zograscope" : il s'agit de la version la plus économique (donc la plus répandue) et la moins spectaculaire (voir par exemple AP-94-34). Un pied en bois tourné, vissé sur un socle, supporte dans un cadre une lentille biconvexe. Sur ce même cadre est adapté un miroir que l'on peut abaisser ou relever à volonté. Il suffit de poser la "vue d'optique" (imprimée à l'envers car reflétée par le miroir) derrière l'appareil et de régler l'orientation du miroir pour voir apparaître, dans la lentille, une image amplifiée. Certaines vues coloriées pour le zograscope font preuve d'imagination, surtout celles qui restituent une perspective ou un événement historique. Jean-Jacques Rousseau avait testé en 1764 une "optique" de ce genre mais critiquait la simplicité du dispositif, préférant les systèmes à boîte qui permettent de mieux diriger la lumière.
- La "boîte d'optique" : ici la peinture ou la gravure rehaussée de couleurs) est enfermée dans une caisse et observée par une ou plusieurs lentilles. La gravure peut être placée à plat au fond de la boîte et reflétée par un miroir (voir AP-95-1725) ou disposée au fond de la boîte et observée simplement à travers l'optique. Certaines de ces boîtes peuvent contenir un magasin contenant plusieurs vues interchangeables, que l'on peut disposer une à une devant l'objectif grâce à des ficelles (AP-19-3347 et AP-95-1630).
- La "boîte d'optique à effets diurnes et nocturnes", équipée de volets mobiles (AP-19-3347, AP-95-1630). Ces boîtes (et aussi la lanterne magique mais en projection) proposent ici une technique lumineuse très spectaculaire qui consiste à passer du jour à la nuit, ou réciproquement : au XIXe siècle, on parlera de "fondu-enchaîné" (dissolving views en Angleterre), procédé repris par les premiers cinéastes (dont Georges Méliès). Dans ces boîtes à effets diurnes et nocturnes, l'image est d'abord éclairée frontalement dans la boîte par la lumière naturelle (le montreur tient alors le volet avant ou supérieur ouvert) ou artificielle (bougies, quinquets). S'il ferme le volet tout doucement, et s'il ouvre en même temps le deuxième volet arrière, l'image s'obscurcit doucement par devant, mais s'éclaire graduellement en arrière. Un paysage, par exemple, passe ainsi du jour à la nuit, en "fondu", avec apparition de la lune, des étoiles, de petites lumières aux fenêtres des chaumières. Les gravures enluminées sont en effet percées de trous minuscules qui suivent soigneusement les contours des dessins. A l'arrière des gravures, sont aussi collés des papiers transparents colorés : les fenêtres d'une maison, par exemple, seront faites de ces ajouts translucides rehaussés de couleurs. Le résultat est magnifique, surtout lorsque l'image représente une ville, une rue en perspective, un vaisseau en flammes, un bombardement, le feu d'artifice donné par Louis XV à Paris le 22 juin 1763... Le spectacle lumineux de ce "nouveau monde" (voir les tableaux Il Mondo Nuovo de Tiepolo, notamment) connaît un tel engouement à travers l'Europe que les opticiens commercialisent des boîtes par centaines. Certaines sont parfois très sophistiquées (avec des miroirs réflecteurs par exemple) et deviennent l'apanage des cabinets de curiosités de l'aristocratie (à Paris, Bonnier de la Mosson en possédait un modèle très luxueux à six vues successives, fabriqué par l'opticien Magny). Par ailleurs, les colporteurs s'en emparent aussi (voir la boîte de colporteur AP-95-1615), montrant à travers les campagnes "la curiosité à voir" aux côtés parfois de la lanterne magique. Ces colporteurs ont joué un rôle majeur dans la propagation des images lumineuses. A noter que plus la boîte d'optique est compliquée, plus elle est grande : un modèle luxueux conservé en Italie mesure plus de deux mètres de haut. On peut aussi ajouter que, dans certains modèles, des décors ou des éléments organiques (fausses herbes, cailloux...) ont été fixés en avant scène, de façon à renforcer l'illusion de la perspective (voir AP-95-1207). Sur l'exemplaire AP-19-3347, ce sont des gravures architecturales qui ont été collées sur les deux parois intérieures latérales. Ajoutons enfin que les secrets de fabrication des boîtes et vues d'optique à effets lumineux ont été révélés par plusieurs auteurs au XVIIIe siècle, dont Edme-Gilles Guyot dans ses Récréations physiques qui donne aussi la description de boîtes magiques à miroirs aujourd'hui disparues.
- La "boîte d'optique à vues déroulantes", proche des idées de Carmontelle. Le plus ancien exemplaire connu date des années 1720. A l'intérieur d'une caisse en bois pourvue de l'habituelle lentille grossissante, défilent plusieurs scènes gravées ou peintes sur un long rouleau de papier. Ces vues peuvent être opaques, ou bien travaillées avec des effets de jour et nuit. Le dispositif évoque la future bobine de film cinématographique, avec ses images successives ; il faut d'ailleurs une manivelle pour faire avancer les images comme dans les premières caméras (voir CNC-AP-04-977).
- La "boîte à perspectives", popularisée eu XVIIIe siècle par le graveur et imprimeur allemand Martin Engelbrecht, qui édita à partir de 1719 plus de deux cents séries de vues en plusieurs formats. A l'intérieur d'une boîte d'optique horizontale ou verticale, on place tout au fond une gravure coloriée, puis successivement une série de six ou sept décors ajourés, finement découpés, qui constitiuent les bords de la première image (voir Engelbrecht, CNC AP-11-1119). Si on observe l'ensemble frontalement à travers la lentille (parfois par l'intermédiaire d'un miroir quand la boîte est verticale), on obtient une illusion saissante du relief, bien avant l'invention officielle de la stéréoscopie et de la 3D moderne. Ce concept sera décliné tout au long du XIXe siècle à travers différents dérivés (Aréaorama, Téléorama, Viaorama, Theatrorama, Pocket Panorama, Peepshow...) pour montrer certains événements, comme les batailles napoléoniennes ou l'inauguration de nouveaux bâtiments.
- Les boîtes à multiples fonctions : elles peuvent servir à la fois de boîte d'optique à effets diurnes et nocturnes, de boîtes à perspectives, et aussi de chambre noire pour les peintres (CNC-AP-08-1032). Certaines de ces boîtes prennent la forme de gros livre in-folio, relié en plein veau ou imitation bois (voir CNC-AP-18-1330).
Il est difficile de nos jours d'imaginer l'immense succès des vues lumineuses en boîte au XVIIIe siècle. Il faut pourtant se rendre compte qu'à l'époque, ce type de spectacle était considéré commer merveilleux et quand même assez rare. Le seul moyen sous l'Ancien Régime de voir des images en couleurs translucides était de se rendre dans les églises pour observer les vitraux. Les livres coloriés étaient rares et coûteux, les journaux illustrés quasi inexistants. Le peuple, les bourgeois et l'aristocratie découvraient avec ravissement la projection, les images animées, les jeux de lumière et d'optique. Visionner une image dans une boîte ou assister à un spectacle de lanterne magique, était assurément un divertissement extraordinaire. Le fait que la population soit largement analphabète explique le succès des colporteurs itinérants qui, outre leurs boîtes plus ou moins perfectionnées, leurs images multicolores, proposaient aussi des commentaires adéquats. C'était l'un des rares moyens pour le peuple de se tenir au courant de l'actualité - guerres, catastrophes, fêtes, nouveaux bâtiments... Fait significatif, la lanterne magique et la boîte d'optique joueront un rôle très important à la fin du XVIIIe siècle pour propager les idées révolutionnaires. (Laurent Mannoni).